La dernière négociation collective sur la modernisation du dialogue social a échoué, malgré un délai accordé par le gouvernement. Si cet échec constitue un tournant dans l’histoire des relations professionnelles, il est surtout l’indice d’une vision du travail et du dialogue social qui doit être repensée.
Depuis une dizaine d’années, des réformes sont engagées en vue d’améliorer le dialogue social. La loi Larcher promulguée le 31 janvier 2007 opère une avancée décisive. Elle oblige les gouvernements à négocier avec les partenaires sociaux préalablement à tout projet de loi concernant les domaines des relations du travail, de l’emploi ou de la formation professionnelle. Lors de son accès à la présidence en 2012, François Hollande promet de nouvelles améliorations au sein du dialogue social et souhaite notamment constitutionnaliser les évolutions apportées par la loi Larcher. Ce projet n’aboutira pas ; il faut cependant noter les nombreux progrès effectués au début du quinquennat sur l’insertion des jeunes et le contrat de génération, l’accord sur la qualité de vie au travail ou encore celui sur la sécurisation de l’emploi. L’échec des dernières négociations interprofessionnelles sur la modernisation du dialogue social en janvier 2015 interrompt cette dynamique positive qui semble s’épuiser. Il s’explique notamment par une focalisation des négociations collectives sur des logiques institutionnelles dont les contreparties sont extérieures au domaine discuté. La CFE-CGC a refusé d’entériner la suppression des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et la CGPME la représentation syndicale dans les PME. Il faudra inévitablement tirer des enseignements de cet échec et notamment s’interroger sur l’autonomie des partenaires sociaux face à un pouvoir politique de plus en plus intrusif, à travers le document d’orientation du gouvernement.
Selon Marc Deluzet, le cœur du problème se trouve dans une conception tayloriste qui en France nous pousse à assimiler le dialogue social à la négociation d’un droit statutaire croissant du salarié qui accepte en contrepartie de se plier à certaines règles. Cependant, cette vision ne prend pas en compte les évolutions de l’entreprise et plus largement celles du monde du travail. Il faudrait avant tout adopter une pensée plus humaniste autour de la notion de travail. L’expérience a montré que le social s’avère être de plus en plus un moteur de la performance et de l’innovation en entreprise. Ce constat doit stimuler la réflexion sur l’épanouissement du salarié, sa socialisation, l’organisation de sa prise de parole. En somme, nous avons besoin d’une « nouvelle pédagogie du progrès social ». Elle doit s’organiser autour des pratiques managériales, des dispositifs d’expression des salariés et de la représentation du personnel. La parole doit être libérée et le dialogue encadré par des tiers, les plus neutres possibles. La coopération entre tous les acteurs de l’entreprise prenant part au dialogue social doit être favorisée sous toutes ses formes. Les accords collectifs signés entre les entreprises et les représentants du personnel sont à encourager. La redéfinition et l’amélioration du dialogue social ne pourront être réalisées sans une union des différents acteurs et ce malgré leurs divergences. C’est toute une tradition du dialogue social qui doit être repensée.