Jaurès, icône pacifiste ou penseur de la guerre ?

Vincent Duclert, auteur en 2013 pour la Fondation de l’essai Jean Jaurès. Combattre la guerre, penser la guerre, revient sur des débats récents après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et propose un retour sur la pensée de Jaurès.

Aujourd’hui, la France reste, comme elle doit rester, éveillée, attentive, prête à se lever jusqu’au dernier homme pour la défense du sol, mais elle a une confiance presque entière dans le maintien de la paix.

Jean Jaurès (« La Paix », La Dépêche, 12 février 1887, réédité in Jaurès, L’intégrale des articles de 1887 à 1914 publiés dans La Dépêche, Toulouse, Privat, 2009)

C’est la France menacée, la France envahie qui aura imposé sa loi à l’adversaire, elle lui aura dérobé le bénéfice des premières batailles foudroyantes qu’elle escomptait. […] Elle l’aura obligé à se mesurer, non pas avec une trop faible avant-garde hâtivement détachée de la nation armée, mais avec la nation armée elle-même.

Jean Jaurès (L’Armée nouvelle, 1910, réédité in Œuvres de Jean Jaurès, tome 13, édité par Jean-Jacques Becker, Paris, Fayard, 2012)

Depuis que la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a été déclenchée par Vladimir Poutine, des voix dans la gauche française s’autorisent du pacifisme de Jaurès pour refuser ce qu’il est convenu d’appeler un « alignement » en faveur du camp de la fermeté. Cette invocation pose un double problème, par prudence historienne car il demeure très délicat de faire parler les morts et par souci historique parce que l’identification de Jaurès avec la cause du pacifisme n’est pas fondée. Il s’agit surtout de la légende construite dans les années suivant la fin de la Grande Guerre, incarnée dans le transfert de ses cendres au Panthéon en 1924.

Lorsque l’on étudie sa pensée sur la guerre conçue de son vivant, à l’occasion notamment du grand débat ouvert par la « loi des trois ans » qui aboutit à son ouvrage majeur, L’Armée nouvelle, en 1910, on découvre que Jaurès, loin de rejeter la guerre, a au contraire défendu la lutte armée en cas d’agression contre une démocratie comme la République. Il importait pour Jaurès de refuser une guerre qui serait imposée aux prolétariats et qui causeraient leur perte en même temps que celle des libertés démocratiques. Il élargissait ce refus aux guerres coloniales, produits de la domination impérialiste et capitaliste. Mais Jaurès concevait les guerres défensives et leur nécessité quand tous les efforts en faveur de la paix auraient été épuisés. Et pour mieux les assumer, Jaurès s’appliqua à imaginer les conditions de la victoire dans ces « guerres justes ». C’est l’objet de L’Armée nouvelle et ce n’est pas sans raison que le colonel de Gaulle, s’appliquant lui aussi, vingt ans plus tard, à se projeter sur le théâtre des conflits futurs, trouva en Jaurès un grand inspirateur.

Ces données historiques ont été travaillées par les historiens au cours des trois dernières décennies. L’historiographie est conséquente, particulièrement depuis « Jaurès et la Défense nationale », un colloque de 1993 de la Société d’études jaurésiennes. Voulu par sa présidente Madeleine Rebérioux et par son vice-président Léo Hamon, gaulliste autant que jaurésien, résistant au nazisme et ministre du Général, ce colloque inaugural est ouvert par le ministre de la Défense de l’époque, Pierre Joxe. En 2012, L’Armée nouvelle devient un volume des Œuvres de Jean Jaurès avec un appareil critique dû à Jean-Jacques Becker. D’importantes contributions sont réunies en 2013 à l’initiative de Jean-François Chanet pour le centenaire de l’œuvre, dans les Cahiers Jaurès. Et, tout récemment, le Centre national et Musée Jean Jaurès, sous la houlette de son directeur Jean-Baptiste Alba, consacre un colloque entier à « Jaurès et de Gaulle », le 20 novembre 2021 au théâtre de Castres. Quant à la Fondation Jean-Jaurès, s’impliquant particulièrement dans la commémoration du centenaire de la mort de Jaurès en 2014, elle publie entre autres notre essai Jean Jaurès. Combattre la guerre, penser la guerre en octobre 2013.

Les dernières pages, qui analysent le Jaurès patriote, combattant et penseur de la guerre, sont reproduites ici. Elles relèvent l’une des notions centrales de sa réflexion sur la guerre acceptée, quand une puissance d’agression vient à menacer l’existence même d’une nation. Le choix de la guerre repose sur la conscience d’avoir tout tenté pour la paix. Il résulte de l’autorité de ces « forces morales » qui entraînent vers la victoire, donnant le sens du devoir et du sacrifice pour la liberté. Ces « forces morales » expriment les valeurs d’humanité qu’il importe absolument de sauver, par la paix mais également par la guerre. Avec L’Armée nouvelle, Jaurès confrère à son pacifisme un pouvoir supérieur, en ce qu’il prévoit de faire la guerre pour sauver la paix. Les buts qu’il assigne à la guerre sont essentiels à la victoire recherchée. Dans les derniers jours de juillet 1914, alors que Jaurès mobilise toutes ses forces pour repousser la menace de déflagration générale, il prend soin d’aller voir ou revoir la peinture qu’il aime, au musée de Lyon après son discours de Vaise, au musée des Beaux-Arts de Bruxelles la veille de sa mort. Il préfigure par ces actes d’une grande portée, la pensée d’un H.G. Wells pour qui « l’histoire de l’humanité s’apparente de plus en plus à une course entre l’éducation et la catastrophe ». Combattre pour l’éducation n’est pas seulement un acte de paix. Il autorise le moment venu à prendre les armes, à organiser la défense nationale, et affronter la catastrophe en connaissance de cause. L’Armée nouvelle est tout cela, loin de l’enfermement de Jaurès dans l’icône du pacifisme et le refus de la guerre. Comme nous le rappelle la citation d’ouverture, les convictions jaurésiennes ne datent pas de 1910. Dès 1887, Jaurès envisage qu’un jour il faille prendre les armes.

Nous rééditons ci-dessous un extrait de l’essai Jean Jaurès. Combattre la guerre, penser la guerre (Fondation Jean-Jaurès, octobre 2013)

« Des forces morales » au cœur des guerres défensives

Même s’il y a laissé sa vie, Jean Jaurès a mené contre la guerre le combat qu’il s’est donné. Il ne la rejetait pas par principe : il refusait seulement la guerre de conquête et d’oppression des peuples. Il l’acceptait lorsqu’elle était conduite par des démocraties, lorsqu’elle constituait le dernier et le seul moyen de combattre la conquête et la terreur des Etats militaristes. C’est dans cet esprit qu’il a tout tenté, durant les dix années qui ont précédé la Première Guerre mondiale, afin de maintenir la paix et de la rendre durable. A tort, le leader socialiste incarne, aux yeux de ses contemporains et de la postérité, le pacifisme à outrance : le pacifisme qui tolère la servitude ou la soumission mais qui refuse l’usage de la violence, le pacifisme auquel on reprochera la défaite de 1940, l’armistice et Vichy. Cette identification de Jaurès au refus absolu de la guerre explique en partie pourquoi sa mémoire a été si peu évoquée dans la Résistance1Cf. Vincent Duclert, Jaurès 1859-1914, op. cit., p. 118-120.. Quant aux pacifistes de l’entre-deux-guerres, ils s’honoraient d’un tel patronage jaurésien, ennobli par le martyre de la mort pour la paix. Pourtant, Jaurès accordait aux démocraties le droit de se défendre par les armes jusqu’à la victoire sur l’ennemi. Dans L’Armée nouvelle, il n’envisageait pas seulement une organisation militaire inédite, capable tout à la fois de conjurer les dangers du militarisme et de dissuader des nations hostiles d’attaquer la France. Jaurès a réfléchi aux guerres alors à venir et à la manière dont une démocratie comme la France républicaine pouvait s’y engager pour défendre ses libertés et son indépendance. « Si la guerre éclate demain entre la France et l’Allemagne, quelle en sera la forme ? s’interrogeait-il dans le chapitre V. L’Allemagne pratiquera certainement l’offensive. […] Elle envahira brusquement le territoire français et elle cherchera à frapper d’emblée sur le gros des forces françaises à peine rassemblées un de ces coups formidables qui assomment l’adversaire ou le laissent au moins si étourdi, si chancelant qu’il ne peut, même dans la suite d’une lutte prolongée, retrouver la pleine énergie du combat et l’élan de la victoire. Que ce soit demain la méthode allemande, tout l’indique2 L’ Armée nouvelle, op. cit., p. 125.. » A l’inverse, l’offensive ne pouvait être le choix de la France, expliquait Jaurès, contredisant « tout notre enseignement militaire depuis vingt années ». Écrivains et techniciens militaires professaient selon lui une double erreur, tactique et morale : « Se croyant obligés de répondre à la brusque offensive allemande par une offensive de même ordre, [ils] se font les imitateurs et les esclaves de l’adversaire 3Ibid., p. 135.. » Jaurès leur opposait « une méthode tout autre ». « C’est en mettant dans la défensive la même logique que les Allemands mettent dans l’offensive que la France libérera d’eux sa stratégie et restituera à sa propre armée l’autonomie de la pensée, la liberté de mouvement, la force et l’audace de la volonté propre. » Cette « méthode défensive totale », conduite par une armée de citoyens et des officiers compétents, était censée se muer « en offensive irrésistible », permettant de mettre en œuvre « toutes les énergies de la France […] pour son salut ». En d’autres termes, selon lui, la défense n’empêchait pas la victoire, et il expliquait encore de quelle manière elle restait possible, à la manière d’un stratège militaire des plus aguerris : en s’appuyant sur la contre-offensive, capable selon lui d’assurer la victoire après qu’une défense méthodique a désorganisé et égaré l’ennemi4« Il ne s’agit pas d’une défensive inerte et passive, mais, au contraire, d’une défensive passionnée qui ramasse des énergies pour produire des effets décisifs, pareille à un grand cœur ardent qui recevrait tout le sang du pays pour mieux animer le combat. La portion même du territoire qu’il faudra abandonner d’abord à l’invasion pour concentrer ses forces, la France ne l’abandonnera pas sans résistance. Les forces combattantes des régions frontières et des régions les plus voisines formeront une sorte de grande avant-garde de couverture qui disputera le terrain par l’occupation des passages, par des retranchements mobiles. Seulement, elle ne s’engagera pas à fond. Sa fonction sera de fatiguer et de retarder l’offensive ennemie, non pas de la rompre, et elle se repliera sur la zone de concentration nationale. […] De la nation armée rassemblée pour les grands combats jaillira enfin une contre-offensive audacieuse. » (ibid., p. 152)..

« C’est la France menacée, la France envahie qui aura imposé sa loi à l’adversaire, insistait encore Jaurès ; elle lui aura dérobé le bénéfice des premières batailles foudroyantes qu’elle escomptait. Elle l’aura obligé à livrer des combats de fond, non pas sur le terrain qu’il avait choisi […] mais sur le terrain déterminé par la France elle-même. Elle l’aura obligé à se mesurer, non pas avec une trop faible avant-garde hâtivement détachée de la nation armée, mais avec la nation armée elle-même. Et elle l’aura contraint ou d’accepter la bataille dans les conditions les plus défavorables pour lui, ou de renoncer à la méthode de combat qu’il avait choisie. »

Ainsi l’invention d’une armée nouvelle et d’une défensive victorieuse aurait-elle permis à la France de poursuivre dans la voie d’une « politique de paix et d’équité »5 Ibid., p. 153. tout en se donnant les moyens et l’énergie de se battre. La défense de la paix devait donner aux combattants d’une nation ayant choisi cette politique un avantage considérable en les associant à un but noble, à des raisons de guerre qui dépassent la seule injonction nationale pour embrasser un devoir d’humanité. Il s’agissait de « forces morales » capables de déterminer l’issue des combats et de changer les guerres, à l’inverse des nations assaillantes, vivant pour la guerre et qui ne disposent, pour mobiliser les énergies, que de l’ivresse nationaliste ou de la contrainte des corps par les esprits exigeants des régimes de dictature.

« Un peuple qui, voulant la paix, en a donné la preuve à lui-même et au monde ; un peuple qui, jusqu’à la veille de la guerre, a offert de soumettre le litige à l’arbitrage de l’humanité civilisée, un peuple qui, même dans l’orage déchaîné, demande encore au genre humain d’évoquer à lui le conflit, ce peuple-là a une telle conscience de son droit qu’il est prêt à tous les sacrifices pour sauver son honneur et sa vie. Il est résolu à la résistance indomptable et prolongée. Au contraire, dans la nation qu’un mouvement d’orgueil et de proie aura jetée à une guerre d’agression, le malaise grandit d’heure en heure. Trouble de conscience : quelle sinistre besogne nous impose-t-on ? Trouble d’esprit : qui sait ce que le désespoir et la révolte du droit blessé inspireront au grand peuple assailli ? Ces inquiétudes de la conscience et de la pensée, le gouvernement de conquête et de violence ne peut les étourdir que par la soudaineté et la violence des coups portés à l’adversaire. Il faut qu’il verse d’emblée, à son peuple qui s’émeut, une ivresse de violence triomphante, un alcool de victoire6Ibid., p. 153. ».

Jaurès combattant. Un historien philosophe dans le siècle

A la relecture de L’Armée nouvelle, on comprend bien le sens des engagements de Jaurès durant les derniers mois de sa vie, lorsqu’il donna le sentiment à ses contemporains de n’envisager que la paix et l’internationalisme, de se dérober à la guerre et à la nation. Aller jusqu’au bout d’un processus de paix général en Europe et dans le monde était de son point de vue la meilleure façon de doter la France des armes de la victoire militaires en lui apportant des « forces morales » décisives. Repoussant l’offensive allemande, la France n’aurait pas seulement défendu sa patrie mais aussi la possibilité de la paix et l’avenir de l’humanité. Les « forces morales » donnent au combattant autant de sang-froid que de claire conscience de leur mission7« Sa stratégie de la défensive, du repliement, de la concentration totale suppose dans les âmes une fermeté, une sorte de sérénité inviolable que, seule, la clarté du droit certain y peut répandre. » (ibid., p. 154).. La France l’a prouvé dans le passé, ajoute Jaurès : à Valmy quand les soldats « soutinrent d’abord, avant de s’ébranler eux-mêmes pour l’assaut, la furieuse canonnade de l’ennemi », en 1870 quand la France prolongea « sa résistance au point de donner de l’inquiétude au vainqueur8Ibid., p. 155. ». Ainsi, Jaurès ne s’est-il pas enfermé dans un dogme de la paix, mais il a proposé une affirmation des démocraties et de leur défense implacable. Il a érigé le devoir de penser la guerre de demain et l’armée d’aujourd’hui en responsabilité politique majeure. « C’est cette espérance de la paix, c’est cette certitude de la paix qui me soutient, je l’avoue, à travers les hypothèses de guerre que je suis contraint d’agiter, confia Jaurès au terme de ce décisif chapitre V de L’Armée nouvelle. Quand une grande nation républicaine aura poussé jusqu’à l’absolu sa volonté de paix et sa volonté d’indépendance, une première promesse d’universelle paix entrera enfin dans la brutalité des choses ; les multitudes armées, que le génie de la France organisera demain pour son salut, céderont un jour non pas à la violence sauvage de l’envahisseur, mais au sourire de la grande paix humaine, emplissant tout l’horizon de sa certitude victorieuse et couvrant toutes les patries de son rayonnement9Ibid., p. 155.. » Choisir la paix ou accepter la guerre ne pouvait procéder selon Jaurès que d’un choix libre et raisonné effectué par chaque combattant comme par chaque dirigeant d’une démocratie. Il y avait même un devoir intellectuel, civique et moral, a dit Jaurès, d’interroger les questions militaires et de penser la guerre et la paix. Il s’agissait, par la, « liberté intellectuelle », la « maîtrise de soi », la « jeunesse de l’esprit », le « perpétuel effort de l’étude », d’affranchir « l’homme de la tyrannie des formules »10Ibid., p. 126.. Se glissant dans les pas de son ami le capitaine Gérard (qu’il appelait Commandant Rossel dans son ouvrage), Jaurès proclamait le devoir de poser des « questions redoutables » : « Ces questions, c’est la France même qui doit les poser à l’état-major ; elle en a le droit ; elle en a le devoir. Il faut qu’elle sache s’il y a une méthode de guerre et laquelle ; comment il veut la protéger contre la redoutable offensive que prépare l’ennemi. Il ne s’agit pas là de plans secrets ; et ce n’est pas dans le sanctuaire de la rue Saint-Dominique [le ministère de la Guerre] que doivent être résolus ces grands problèmes. La technique, la science militaire ont pour objet de mettre en œuvre la méthode adoptée ; mais cette méthode, c’est la nation qui doit la déterminer elle-même en conformité avec son dessein politique et social. Cette méthode, le pays doit la connaître ; car il faut qu’il y soit préparé. Selon que la France aura choisi, pour son salut, l’offensive à la prussienne ou la défensive nationale […], tout est changé dans l’organisation militaire, dans la mobilisation, dans la concentration. L’offensive ne pouvant avoir théoriquement quelque chance de succès que si elle est rapide et si elle procède presque par surprise, ce n’est pas toute la nation armée qu’il convient alors de porter comme une masse à la frontière : ce serait trop pesant et trop lent. Il y faut jeter une sorte d’armée d’avant-garde. » Jaurès explique alors de quelle façon, analysant toutes les hypothèses possibles et dégageant la meilleure d’entre elles :

« L’idéal serait peut-être en cette hypothèse de tenter l’attaque et la surprise aussitôt que la France aurait mobilisé et concentré à sa frontière un nombre d’hommes suffisant pour dominer les deux corps d’armée accumulés par l’Allemagne en Alsace-Lorraine et pour troubler la concentration allemande. Nos écrivains militaires, comme le général Langlois, prévoient la possibilité d’une soudaine agression des forces allemandes de couverture, n’attendant même pas d’être complétées à l’effectif de guerre. Je n’ai pas à discuter ici cette hypothèse ; je dis seulement qu’elle est le terme logique et la conséquence certaine de l’idée d’offensive. C’est du coup que les réserves ne jouent qu’un rôle de troisième plan, puisque même une partie de l’active est reléguée à un rôle de second plan. C’est dire que le centre de gravité de la défense nationale n’est plus dans la nation elle-même ; il est porté, pour ainsi dire, à la pointe, à l’extrême avant-garde d’une armée restreinte qui, par une suite inévitable, deviendra bientôt une armée permanente de frontière. Ainsi, l’hypothèse de l’offensive retentit jusqu’au fond même de l’organisation militaire ; elle tend à façonner selon sa loi toute l’institution de l’armée11Ibid., p. 132.. »

Un tel devoir de penser la défense nationale et la guerre future, le colonel De Gaulle le fait sien quinze ans plus tard, guidé par le commandant Mayer qui établit le lien avec le questionnement de Jaurès. Même si les conclusions de l’auteur de L’Armée de métier12Charles de Gaulle, Vers l’armée de métier, Paris, Berger-Levrault, 1934. diffèrent radicalement de celles de Jaurès, De Gaulle n’en reconnaît pas moins ses grandes qualités intellectuelles et sa faculté d’interroger des évidences ou des tabous93. Jaurès est une référence majeure pour De Gaulle qui ne s’arrête pas à la différence des choix stratégiques ou aux convictions socialistes de l’auteur de L’Armée nouvelle. A Paul Reynaud, qui a défendu ses thèses lors du débat du 15 mars 1935, et qui rééditera son soutien à la Chambre le 26 janvier 1937, De Gaulle adresse le 14 mai 1937 une lettre pleine d’admiration qui invoque justement la figure de Jaurès : « L’on connaîtra aussi que vous êtes en notre temps le seul homme d’État de premier plan qui ait le courage, l’intelligence et le sens national assez grands pour prendre à bras-le-corps le problème militaire dont le destin de la France dépend. Il faudrait remonter à Jaurès pour trouver un autre exemple13 Cf. Alain Lévy, « De Gaulle et Jaurès », in Jaurès et la défense nationale, Paris, Société d’études jaurésiennes, 1993, pp. 161-185, et Vincent Duclert, « Jaurès et de Gaulle : de l’étude à l’action, en suivant l’Armée nouvelle », in « Lire L’Armée nouvelle » (Jean-François Chanet dir.), Cahier Jaurès, n°207-208, janvier-juin 2013, p. 115-130.. Charles de Gaulle, lettre à Paul Reynaud, 14 mai 1937, in Lettres, notes et carnets, rééd. Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, vol. I p. 832.. »

La postérité de Jaurès comme penseur de la guerre en démocratie ne réside pas seulement dans l’affirmation de la liberté intellectuelle sur ces questions. Sa conception de la défensive victorieuse autant que de l’armée citoyenne peut s’illustrer par la bataille de la Marne en 1914 ou bien dans l’organisation militaire de la France Libre en 1940, et des maquis intérieurs en 1943. Elle trouve d’autres confirmations, comme avec la bataille d’Angleterre de juillet 1940 à mai 1941 remportée par les Britanniques. On ignore la position que Jaurès aurait prise en août 1914, quand débuta la guerre entre la France et l’Allemagne. Il n’aurait sans doute pas choisi le pacifisme intégral ni l’« Union sacrée », notamment parce qu’ils supposent une abdication de la raison au profit de la « tyrannie des formules », pour reprendre l’une des expressions de L’Armée nouvelle. Ces postures n’auraient pas été dignes de l’exigence critique que Jaurès mettait dans la réflexion sur les démocraties elles-mêmes. Il aurait accepté la guerre contre l’Allemagne à condition de peser sur les choix stratégiques, d’opérer un contrôle démocratique du haut commandement, et d’inscrire la paix comme objectif majeur des combats. En d’autres termes, il aurait veillé à ce que la guerre ne porte atteinte ni la démocratie républicaine, ni à l’avenir de l’humanité.

Conclusion

La mort de Jean Jaurès, le 31 juillet 1914, n’a pas eu pour seule conséquence la fin de son combat en faveur de la paix. Elle a privé la France d’un homme capable de guider ses dirigeants dans la façon de mener la guerre et de la rendre compréhensible aux citoyens. Débarrassée de la voix de Jaurès, la guerre a pu imposer sa loi, celle d’un ordre inhumain exercé sur les corps et sur les âmes des combattants, celle qui atteint l’humanité, et qui a même ouvert la voie à une catastrophe plus terrifiante encore que la Grande Guerre : la Seconde Guerre mondiale. Cette destruction par la guerre, faute de s’y être préparé et de l’avoir pensée, a paralysé jusqu’au sens moral et aux forces intellectuelles des nations. Que la réflexion de Jaurès et son combat pour la paix aient pu se réduire, dans l’entre-deux-guerres, au seul pacifisme, démontre le recul de l’activité intellectuelle en France. Rares sont ceux qui, à cette période, ont imaginé la résistance des démocraties affrontant les régimes totalitaires. Elie Halévy s’y est essayé dans son ouvrage L’Ere des tyrannies14Réédition Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990.publié un an après sa mort soudaine en août 1937.. La guerre des démocraties serait victorieuse à condition que ces dernières puissent reconquérir leurs valeurs, comme l’expliqua, à la suite d’Elie Halévy, Raymond Aron en juin 193915Raymond Aron, « États démocratiques et États totalitaires », communication à la Société française de philosophie, 17 juin 1939, Bulletin de la Société française de philosophie, n°2, 1946, rééd. In Raymond Aron, Penser la liberté, penser la démocratie, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2005, préface de Nicolas Baverez, p. 55-107.. Au combat dès mai 1940, ce dernier possédait la clarté des objectifs et des moyens qui décident des victoires. Il en va de même pour l’historien Marc Bloch. Il suffit de relire son Etrange défaite de l’été 1940 : « Les ressorts profonds de notre peuple sont intacts et prêts à rebondir. Ceux du nazisme, par contre, ne sauraient supporter toujours la tension croissante, jusqu’à l’infini, que les maîtres présents de l’Allemagne prétendent leur imposer. Enfin, les régimes “venus dans les fourgons de l’étranger” ont bien pu jouir, parfois chez nous, d’une certaine durée. Ce n’a jamais été, face aux dégoûts d’une fière nation, que le répit du condamné. […]

« Je ne sais quand l’heure sonnera où, grâce à nos Alliés, nous pourrons reprendre en main nos propres destinées. Verrons-nous alors des fractions du territoire se libérer les unes après les autres ? Se former, vague après vague, des armées de volontaires, empressées à suivre le nouvel appel de la patrie en danger ? Un gouvernement autonome poindre quelque part, puis faire tache d’huile ? Ou bien un élan total nous soulèvera-t-il soudain ? Un vieil historien roule ces images dans sa tête. Entre elles, sa pauvre science ne lui permet pas de choisir. Je le dis franchement : je souhaite, en tout cas, que nous ayons encore du sang à verser : même si cela doit être celui d’êtres qui me sont chers (je ne parle pas du mien, auquel je n’attache pas tant de prix). Car il n’est pas de salut sans une part de sacrifice ; ni de liberté nationale qui puisse être pleine, si on n’a travaillé à la conquérir soi-même. […] » « Hitler a dit […] : “Nous avons raison de spéculer plutôt sur les vices que sur les vertus des hommes. La Révolution française en appelait à la vertu. Mieux vaudra que nous fassions le contraire.” On pardonnera à un Français, c’est-à-dire à un homme civilisé – car c’est tout un – s’il préfère, à cet enseignement, celui de la Révolution, et de Montesquieu : “Dans un État populaire, il faut un ressort, qui est la vertu.” Qu’importe si la tâche est ainsi rendue plus difficile ! Un peuple libre et dont les buts sont nobles court un double risque. Mais est-ce à des soldats qu’il faut, sur un champ de bataille, conseiller la peur de l’aventure ?16 Marc Bloch, L’Étrange défaite. Témoignage écrit en 1940 [1946], édition établie par Annette Becker et Etienne Bloch, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2006, p.652-653. »

De ces convictions intellectuelles et morales, Marc Bloch demande à ce qu’elles soient partagées, que les Français s’interrogent sur leur avenir et reconquièrent leurs libertés. Celles-ci constituent le but de guerre ultime, elles déterminent les victoires futures. « Notre peuple mérite qu’on se fie à lui et qu’on le mette dans la confidence », insiste-t-il. On est, avec lui, proche d’Elie Halévy, de Raymond Aron, aussi bien que de Jaurès pourtant si peu présent dans L’étrange défaite17Sinon sous la forme, signalée par les éditeurs (ibid., p. 627, note 7), d’une réminiscence de la formule de L’Armée nouvelle que Marc Bloch avait notée dans son Carnet de 1916 : « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène… » (in L’Armée nouvelle, op. cit., p. 418).. Ce qui unit ces penseurs de la politique, de la paix et de la guerre, est une volonté commune d’arracher la guerre au « Code de mort »18Ibid., p. 39.  qu’elle a toujours signifié et d’en faire une arme des démocrates pour la démocratie. Cela les conduit à définir les formes du combat guerrier aussi bien que les buts de la force armée. On trouve pour cette raison des considérations autant techniques qu’éthiques dans L’Armée nouvelle et dans L’étrange défaite. La seule guerre tenable pour les démocraties est la défense de valeurs communes à l’humanité entière, à l’opposé des mobilisations guerrières qui reposent sur le nationalisme et l’embrigadement des citoyens. Cette défense de valeurs humaines ne dilue pas pour autant le principe national dans la guerre des démocraties. Comme l’a expliqué Jaurès, elle donne aux soldats citoyens et aux officiers intellectuels un objectif qui les dépasse et qui, en même temps, les définit, un objectif qui permet à la nation d’exister et qui lui donne un sens, le sens d’une « nation politique » à laquelle la sociologue Dominique Schnapper identifie plus particulièrement la France19« La France a sans doute été la plus politique des nations européennes » (Dominique Schnapper, La France de l’intégration. Sociologie de la nation en 1990, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1991, p. 361).. Tout dépend alors, dans cette réflexion sur la France au combat, de la capacité de la République à demeurer et même à progresser en tant que démocratie20Sur le rapport République et démocratie, voir notre essai, Réinventer la République. Une constitution morale, Paris, Armand Colin, coll. « Le Temps des idées », 2013. afin d’apporter à toute la société une pleine compréhension de la guerre et de la paix, une pleine compréhension d’elle-même en d’autres termes. Ainsi est validée la formule souvent citée de Jaurès qui achève L’Armée nouvelle : « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène21 L’Armée nouvelle, op. cit., p. 418.. »

Jaurès a démontré l’importance cruciale d’une réflexion sur la guerre et la paix menée par les ressources intellectuelles les plus élevées. Comme Elie Halévy, comme Raymond Aron, comme Marc Bloch, Jaurès associait dans son combat l’histoire et la philosophie. Raymond Aron se reconnaît dans le portrait qu’il écrit d’Elie Halévy, en 1939, à propos de ce dernier disparu deux ans auparavant, mais il aurait aussi bien pu parler de Jean Jaurès : « Pacifique comme les vrais libéraux […], [Halévy] n’était pacifiste ni à la manière d’Alain, ni dans le style des juristes. Il ne comptait ni sur les traités, ni sur le refus individuel. Il envisageait la guerre en historien philosophe. La condition permanente en est que l’homme n’est pas uniquement composé de sens commun et d’intérêt personnel ; telle est sa nature qu’il ne juge pas la vie digne d’être vécue s’il n’y a pas quelque chose pour quoi il soit prêt à la perdre22 Raymond Aron, « Le socialisme et la guerre », compte rendu de L’Ere des Tyrannies, Revue de métaphysique et de morale, avril 1939, republié in Elie Halévy, L’Ere des tyrannies, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990, p. 270.. »

Jaurès, en effet, n’était pas loin de partager cette analyse du pacifisme. Et, comme Elie Halévy, Raymond Aron ou Marc Bloch, il appartient désormais à cette lignée essentielle des historiens philosophes qui ont pensé la guerre et qui, pour certains, y ont participé. La guerre est un sujet central des sociétés. Sa réflexion ne se sépare ni de l’État, ni de l’armée, ni du combat, ni des valeurs les plus fondamentales qui appellent la pensée philosophique la plus exigeante. « Réfléchir sur la guerre, c’est le propre de l’historien philosophe », écrit Jean-Baptiste Duroselle dans la préface de la réédition, par Madeleine Rebérioux, de La Guerre franco-allemande. Et l’historien de poursuivre : « Jaurès philosophe s’est éloigné de la métaphysique, non de la morale, et il est plus hanté que quiconque par le drame de la conscience. Comment se fait-il que moi, individu, dont la vie est le bien le plus irremplaçable, je puisse, pour une certaine cause, être amené à sacrifier ce bien pour toujours ? Que vaut donc cette cause ? Mérite-t-elle que je meure ? Et puisque dans la guerre, il y a deux camps, n’est-il pas insensé que l’un des deux au moins envoie les siens à la mort pour une cause injuste ? Que dire si le tort est partagé et si ce sont les deux camps qui, par un mécanisme infernal, se livrent la guerre non justifiable, celle qui sacrifie la valeur sûre de la vie à des intérêts particuliers, à des intérêts de classe, voire à des “mythes”, c’est-à-dire à de faux intérêts ? Alors il faut absolument arrêter l’effroyable et implacable machine. Et comment l’arrêter sans en connaître les rouages ? Hanté par l’idée de la menace, Jaurès a cherché passionnément à explorer la machine guerrière et il a voulu […] “dégager autant qu’il est en moi quelques vues des leçons qu’elle contient”23Jean-Baptiste Duroselle, « Préface », in Jean Jaurès, La Guerre franco-allemande, op. cit., p. 8.. » Il faut donc réexaminer, encore et toujours, l’effort de Jaurès pour penser la guerre. Son pacifisme n’en est que plus grand. En historien philosophe, Jean Jaurès regarde la guerre « de fort près, et bien en face », selon la formule de Stéphane Audoin-Rouzeau dans son étude de 200824Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXIe siècle), Paris, Le Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2008, p. 319., cet effort pour penser la guerre : à cette condition seule, les démocraties sont capables de paix. Le rôle des intellectuels est considérable dans ce défi de la guerre consentie. Jaurès est l’un d’eux.

  • 1
    Cf. Vincent Duclert, Jaurès 1859-1914, op. cit., p. 118-120.
  • 2
    L’ Armée nouvelle, op. cit., p. 125.
  • 3
    Ibid., p. 135.
  • 4
    « Il ne s’agit pas d’une défensive inerte et passive, mais, au contraire, d’une défensive passionnée qui ramasse des énergies pour produire des effets décisifs, pareille à un grand cœur ardent qui recevrait tout le sang du pays pour mieux animer le combat. La portion même du territoire qu’il faudra abandonner d’abord à l’invasion pour concentrer ses forces, la France ne l’abandonnera pas sans résistance. Les forces combattantes des régions frontières et des régions les plus voisines formeront une sorte de grande avant-garde de couverture qui disputera le terrain par l’occupation des passages, par des retranchements mobiles. Seulement, elle ne s’engagera pas à fond. Sa fonction sera de fatiguer et de retarder l’offensive ennemie, non pas de la rompre, et elle se repliera sur la zone de concentration nationale. […] De la nation armée rassemblée pour les grands combats jaillira enfin une contre-offensive audacieuse. » (ibid., p. 152).
  • 5
    Ibid., p. 153.
  • 6
    Ibid., p. 153.
  • 7
    « Sa stratégie de la défensive, du repliement, de la concentration totale suppose dans les âmes une fermeté, une sorte de sérénité inviolable que, seule, la clarté du droit certain y peut répandre. » (ibid., p. 154).
  • 8
    Ibid., p. 155.
  • 9
    Ibid., p. 155.
  • 10
    Ibid., p. 126.
  • 11
    Ibid., p. 132.
  • 12
    Charles de Gaulle, Vers l’armée de métier, Paris, Berger-Levrault, 1934.
  • 13
    Cf. Alain Lévy, « De Gaulle et Jaurès », in Jaurès et la défense nationale, Paris, Société d’études jaurésiennes, 1993, pp. 161-185, et Vincent Duclert, « Jaurès et de Gaulle : de l’étude à l’action, en suivant l’Armée nouvelle », in « Lire L’Armée nouvelle » (Jean-François Chanet dir.), Cahier Jaurès, n°207-208, janvier-juin 2013, p. 115-130.. Charles de Gaulle, lettre à Paul Reynaud, 14 mai 1937, in Lettres, notes et carnets, rééd. Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, vol. I p. 832.
  • 14
    Réédition Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990.publié un an après sa mort soudaine en août 1937.
  • 15
    Raymond Aron, « États démocratiques et États totalitaires », communication à la Société française de philosophie, 17 juin 1939, Bulletin de la Société française de philosophie, n°2, 1946, rééd. In Raymond Aron, Penser la liberté, penser la démocratie, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2005, préface de Nicolas Baverez, p. 55-107.
  • 16
    Marc Bloch, L’Étrange défaite. Témoignage écrit en 1940 [1946], édition établie par Annette Becker et Etienne Bloch, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2006, p.652-653.
  • 17
    Sinon sous la forme, signalée par les éditeurs (ibid., p. 627, note 7), d’une réminiscence de la formule de L’Armée nouvelle que Marc Bloch avait notée dans son Carnet de 1916 : « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène… » (in L’Armée nouvelle, op. cit., p. 418).
  • 18
    Ibid., p. 39.
  • 19
    « La France a sans doute été la plus politique des nations européennes » (Dominique Schnapper, La France de l’intégration. Sociologie de la nation en 1990, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1991, p. 361).
  • 20
    Sur le rapport République et démocratie, voir notre essai, Réinventer la République. Une constitution morale, Paris, Armand Colin, coll. « Le Temps des idées », 2013.
  • 21
    L’Armée nouvelle, op. cit., p. 418.
  • 22
    Raymond Aron, « Le socialisme et la guerre », compte rendu de L’Ere des Tyrannies, Revue de métaphysique et de morale, avril 1939, republié in Elie Halévy, L’Ere des tyrannies, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990, p. 270.
  • 23
    Jean-Baptiste Duroselle, « Préface », in Jean Jaurès, La Guerre franco-allemande, op. cit., p. 8.
  • 24
    Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXIe siècle), Paris, Le Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2008, p. 319.

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