Montpellier, un air de vi(ll)e idéale ?

Montpellier a, sur le papier, toutes les qualités d’une ville idéale. Mais est-ce la perception de ceux qui y vivent ? Pour le mesurer, Frédéric Dabi, directeur général Opinion de l’Ifop, et Jérémie Peltier, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, analysent les résultats de l’enquête « Le climat municipal à Montpellier ».

L’enquête « Le climat municipal à Montpellier » a été menée auprès d’un échantillon national représentatif de 1003 personnes représentatif de la population de Montpellier. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par quartier de résidence. Les interviews ont été réalisées par téléphone du 26 octobre au 7 novembre 2022.

Rapport à la vie, rapport à la ville

La crise sanitaire a été un moment de grande réinterrogation sur nos temps de vie, notre travail et nos lieux d’habitation. Un certain nombre d’aspirations nouvelles sont apparues depuis : privilégier son cadre de vie à son travail, vivre près de la nature, pouvoir profiter de son temps libre. En d’autres termes, reprendre le temps de vivre pour soi et sa famille, en témoignent les volontés de déménagement et la forte demande d’épanouissement au travail constatés chez bon nombre de Françaises et de Français, notamment chez la jeune génération depuis un an maintenant1Voir notamment : Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier, Grosse fatigue et épidémie de flemme : quand une partie des Français a mis les pouces, Fondation Jean-Jaurès, 11 novembre 2022, et Jérémie Peltier, Les jeunes et l’entreprise : quatre enseignements, Fondation Jean-Jaurès, 21 novembre 2022..

À regarder de près l’enquête que nous avons menée auprès des Montpelliérains sur leur ville, cette dernière semble détenir un certain nombre d’atouts recherchés et convoités par les individus en cette fin d’année 2022, faisant d’elle une ville en phase avec son temps et tournée vers l’avenir.

D’abord, plus de huit habitants sur dix trouvent que leur ville et leur quartier sont agréables à vivre, et les mots qui leur viennent spontanément à l’esprit quand on leur parle de leur ville évoquent l’ambiance, la qualité de vie, la nature et l’environnement, preuves que les Montpelliérains se sentent bien chez eux. Ce sentiment de bien-être dans une époque qui en fait une condition désormais centrale pour trouver un travail s’illustre par ailleurs par un sentiment de fierté partagé par l’ensemble de la population, peu importe l’âge, l’ancienneté ou le quartier de résidence : 84% des habitants sont fiers d’être Montpelliérains, dont 91% des 18-24 ans, et plus de huit Montpelliérains sur dix recommanderaient à leurs amis de venir vivre à Montpellier. Ce dernier élément est intéressant et important pour mesurer l’attachement des habitants à leur ville, ainsi que leur « fidélité » à leur territoire. Dans le monde du travail, par exemple, on sait que la capacité à recommander à ses amis de venir travailler dans la même entreprise que soi dit beaucoup de son propre sentiment d’appartenance à l’entreprise. Il en est de même pour son lieu d’habitation. Élément notable par ailleurs, ce sentiment de bien-être est d’autant plus marqué chez les jeunes Montpelliérains. Ainsi, quand 79% des soixante-cinq ans et plus estiment que leur ville est agréable à vivre, c’est le cas de 93% des 18-24 ans, signe que Montpellier bénéficie d’atouts en harmonie avec une partie des attentes de la jeune génération.

En outre, chose rare pour être soulignée, les habitants déclarent massivement être prêts à assumer ce que nous pourrions appeler les « externalités négatives » propres à une ville qui investit pour l’avenir : ainsi, 82% des habitants trouvent important de faire des travaux en ville pour la rendre plus agréable, malgré les nuisances que ces travaux peuvent causer, signe supplémentaire que les habitants se voient vivre dans cette ville pendant longtemps. Cela s’illustre très concrètement dans notre enquête sur quelques projets qui suscitent l’approbation malgré les contraintes qu’ils engendrent : la construction de la ligne 5 de tram, de cinq lignes de bustram et d’un réseau express vélo, dont 79% des habitants sont d’accord pour dire qu’il s’agit de trois nécessités pour le territoire, même si cela implique de nombreux travaux dans la ville.

Si la ville semble donc détenir les atouts d’une ville idéale, c’est d’abord parce qu’elle semble jouir d’une qualité bien évaluée par ses habitants en matière de mobilité. Ainsi, quand on leur demande ce qui fait de Montpellier une ville agréable, le premier élément cité est la qualité du réseau de transport en commun (sujet cité par 45% des habitants, devant la présence d’espaces culturels et la présence de lieux de convivialité). C’est aussi parce qu’elle apparaît comme un laboratoire innovant pour ses habitants. Sur la gratuité d’abord : ainsi, 70% des Montpelliérains voient la gratuité des transports comme un progrès et plus d’un habitant sur deux considère qu’il s’agit d’une notion d’avenir. Sur la place du vélo en ville ensuite : 67% des habitants pensent que les efforts doivent être poursuivis pour faire de Montpellier une ville davantage cyclable.

En outre, tout donne à voir chez les habitants une compréhension de la stratégie municipale en matière de mobilité. En effet, parmi les mesures portées par la ville et par la métropole de Montpellier, ce sont celles liées à la mobilité qui suscitent le plus d’adhésion de la part de la population (l’extension de la ligne 1 de tramway à la gare Sud de France, la création de la cinquième ligne de tram, la mise en place de la gratuité des transports en commun, la création d’une police métropolitaine des transports).

Un élément important qui donne aussi les atouts à Montpellier d’une ville idéale semble être la force de ses lieux de sociabilité. Dans une société parfois appelée « civilisation du cocon2Vincent Cocquebert, La Civilisation du cocon. Pour en finir avec la tentation du repli sur soi, Paris, Arkhê, 2021. » qui a tendance depuis la crise sanitaire à se recroqueviller sur la sphère privée après avoir perdu quelque peu le goût des autres du fait de la succession de crises ayant impacté considérablement notre rapport à l’autre, Montpellier semble se donner les moyens de résister à l’atomisation des rapports sociaux. En effet, 40% des habitants évoquent spontanément des éléments liés à l’ambiance quand on leur parle de Montpellier. En outre, plus d’un tiers évoquent les places et les lieux de convivialité dans ce qui rend la ville agréable. Enfin, seulement 17% considèrent que les lieux de convivialité sont manquants en ville (bars et restaurants). Cette question des sociabilités est importante, contribuant aussi à notre sens au sentiment de fierté et de cohésion des habitants entre eux. C’est également la première réponse à l’individualisation de nos sociétés et à l’importance de recréer autant que faire se peut du commun dans une époque qui en manque cruellement. Nul doute qu’être « capitale européenne de la culture » (candidature soutenue par huit habitants sur dix) contribuerait aussi à renforcer le sentiment d’appartenance commun des habitants entre eux du fait des nombreux événements et manifestations qui verraient le jour dans l’espace public en 2028.

Pour résumer en quelques mots : les résultats de notre enquête montrent que les habitants sont lucides sur les atouts de leur ville et fiers d’en faire partie. Conscients de bénéficier d’un cadre de vie agréable, ils aspirent d’ailleurs à le développer encore davantage en rendant leur cité encore plus verte (pour 46% des habitants, des espaces naturels et des espaces verts sont ce qui manque aujourd’hui le plus en ville), signe que les Montpelliérains sont les premiers atouts sur lesquels les pouvoirs publics peuvent s’appuyer pour continuer à faire de Montpellier une ville idéale. En témoigne par ailleurs la grande tolérance dont ils disent faire preuve face aux nuisances sonores engendrées par les travaux dans une époque qui tend pourtant, notamment depuis la crise sanitaire, à entretenir une relation plus conflictuelle au bruit, ainsi qu’une acceptabilité relativement haute à changer ses habitudes pour tenir compte des évolutions nécessaires que doit entreprendre une grande métropole pour lutter contre le réchauffement climatique.

Quels sont, pour conclure partiellement, les points d’alerte dont il faut tenir compte néanmoins dans les années à venir pour la ville ? D’abord, le rapport au bien-être et au beau n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Ainsi, quand 82% des habitants trouvent que leur quartier est agréable à vivre, c’est le cas seulement de 52% des habitants du quartier populaire de la Mosson. Ce sont également les habitants de ce quartier qui estiment, beaucoup plus que la moyenne des Montpelliérains, que leur ville et leur quartier seraient plus agréables à vivre s’il y avait moins de saleté, preuve du lien évident qui existe entre propreté et bien-être. 65% des habitants de la Mosson considèrent que leur ville serait plus agréable à vivre avec moins de saleté, contre 54% des habitants en moyenne. Ensuite, la question de la densité et de l’augmentation démographique, sujet sensible pour toutes les grandes métropoles de ce pays à l’heure des enjeux climatiques notamment : 50% des habitants pensent que l’augmentation démographique de Montpellier est une chance pour le territoire, contre 47% qui considèrent que c’est une contrainte. Même si ce sujet est très clivant d’un point de vue générationnel (62% des 18-24 ans considèrent que l’augmentation démographique est une chance pour le territoire, contre 42% des 50-64 ans) et qu’il apparaît moins « sensible » qu’à Marseille, par exemple (72% des Marseillaises et des Marseillais considèrant que leur ville est trop peuplée3Jérémie Peltier et Matthieu Poitevin, Les Marseillais et leur ville, Fondation Jean-Jaurès, 17 septembre 2022.), il n’en demeure pas moins à prendre en compte pour faire adhérer la population montpelliéraine aux futures politiques de logement.

Rapport au politique et à l’action municipale

Au cœur de l’appréciation majoritaire de l’action municipale par les Montpelliérains résident des jugements très favorables associés au maire de la ville Michaël Delafosse. Les résultats observés sur les indicateurs de l’enquête en termes d’incarnation s’avèrent très élevés pour un premier mandat. Ainsi, s’agissant de la notoriété du maire de Montpellier, près des deux tiers des habitants parviennent à citer spontanément Michaël Delafosse (64%), un résultat qui culmine à 73% parmi les plus de trente-cinq ans. Globalement, plus de huit Montpelliérains sur dix déclarent connaître l’identité de leur maire, ce qui est inédit pour une première mandature. Notons que cette notoriété est très homogène quel que soit le quartier d’habitation, à l’exception de la Mosson (67%).

Force est donc de constater qu’à peine arrivé à mi-mandat, Michaël Delafosse imprime. Surtout, cette notoriété « fabrique » de la satisfaction. Ainsi, une nette majorité d’interviewés (64%) considèrent que Michaël Delafosse est un bon maire pour leur ville. Dans le détail, ce jugement est majoritaire dans tous les segments sociodémographiques et géographiques de Montpellier. On notera une appréciation particulièrement soutenue aux deux extrêmes du spectre générationnel (77% parmi les 18-24 ans et 70% chez les plus de soixante-cinq ans) et parmi les habitants arrivés dans la ville depuis moins de cinq ans (82%).

Politiquement, Michaël Delafosse suscite la satisfaction de son cœur électoral du premier tour des dernières municipales (86%) et de près d’un électeur de Philippe Saurel et de près d’un électeur de Mohed Altrad sur deux.

L’analyse de l’image détaillée du maire éclaire ce haut niveau de satisfaction et révèle trois dimensions, exprimées à un niveau très majoritaire. La première concerne la cohérence de l’action : 79% des Montpelliérains estiment que le maire a un projet pour la ville, en rupture avec la critique fréquemment exprimée dans des enquêtes Ifop de climat municipal d’actions éparses et mal comprises par les habitants. Cette cohérence repose également sur la capacité perçue du maire à tenir ses engagements (73%) et à la reconnaissance aux deux tiers (62%) de son efficacité. Quant à la deuxième dimension, celle du mouvement, loin de l’image de la stagnation, près de huit habitants sur dix (79%) considèrent que leur maire est dynamique, plus des deux tiers qu’il est présent sur le terrain.

Enfin, la troisième dimension a trait à la proximité, dimension sur laquelle les édiles sont le plus souvent critiqués : ainsi, une majorité d’habitants (55%) reconnaît que Michaël Delafosse a la capacité de comprendre les préoccupations des gens. Cet aspect n’empêche pas une certaine verticalité : six habitants sur dix lui décernent un brevet d’autorité.

  • 1
    Voir notamment : Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier, Grosse fatigue et épidémie de flemme : quand une partie des Français a mis les pouces, Fondation Jean-Jaurès, 11 novembre 2022, et Jérémie Peltier, Les jeunes et l’entreprise : quatre enseignements, Fondation Jean-Jaurès, 21 novembre 2022.
  • 2
    Vincent Cocquebert, La Civilisation du cocon. Pour en finir avec la tentation du repli sur soi, Paris, Arkhê, 2021.
  • 3
    Jérémie Peltier et Matthieu Poitevin, Les Marseillais et leur ville, Fondation Jean-Jaurès, 17 septembre 2022.

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