Réinvestir la psychiatrie : une urgence sanitaire, un défi démocratique

Une personne sur trois sera touchée par un trouble psychique au cours de sa vie. Chaque année, environ deux millions de Français sont pris en charge en psychiatrie. Cependant, malgré l’importance de ce sujet de santé publique, nous assistons à une crise structurelle dont la durée épuise les acteurs, alimente un sentiment généralisé d’impuissance et aboutit in fine à une apathie collective. Dans ce rapport, il n’est plus question de revenir sur l’état des lieux mais bien de proposer des pistes pour permettre une transformation de la discipline.

Boris Nicolle se livre ainsi à un exercice de prospective pour penser la refondation d’un véritable service public de psychiatrie, ouvert sur la société, organisé autour de l’usager dans une optique de rétablissement et caractérisé par une culture de la coopération, de la pluridisciplinarité et de l’évaluation.

Table des matières

Préface, de Michel Laforcade

Préambule

20 propositions pour réinvestir la psychiatrie

Introduction

Le territoire, la psychiatrie, la politique
Une loi-cadre pour la santé mentale
Un cadre clair pour une réforme ambitieuse de la psychiatrie 
Les quatre fonctions de la psychiatrie
Pour une organisation territoriale lisible, démocratique et opérationnelle
L’articulation avec l’échelon régional
Un pilotage national intégratif et cohérent

La psychiatrie face à la société : l’urgence du dialogue 
Redéfinir les rapports entre la psychiatrie et la société : un nécessaire dialogue démocratique
La participation des usagers et de leurs proches, un impératif transversal 
Médias et psychiatrie : une responsabilité partagée face aux défis
École, santé mentale et psychiatrie 
Psychiatrie et justice : des liens multiples à réorganiser
Dialogue bien ordonné commence par soi-même

Des soins dignes et efficaces pour tous
Le rétablissement comme boussole
Sortir de l’hôpital
Pour des soins pertinents et gradués
Comment réduire le recours à l’isolement et la contention ?
Sauver la pédopsychiatrie

La question du sens : penser les fonctions, redéfinir les métiers
Les fonctions à développer dans les équipes de soins
L’opportunité des nouveaux métiers
À quoi sert un psychiatre ?
Où sont les cadres de santé ?
Infirmier en psychiatrie : du rôle de « greffier de la traçabilité du patient » à celui de soignant
Psychologues et psychiatrie : le grand flou

Réinvestir la recherche en psychiatrie
Renforcer les liens entre disciplines complémentaires
Ouvrir les activités de recherche et les sanctuariser
Créer des espaces communs avec des priorités partagées
Investir financièrement à la hauteur des enjeux

Conclusion

Bibliographie

L’auteur :
Boris Nicolle est psychiatre, praticien hospitalier au sein du service de réhabilitation psychosociale du centre hospitalier des Pyrénées, Pau (64) ; coordinateur national et référent Nouvelle-Aquitaine de l’Association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues (AJPJA).

Préface
Michel Laforcade, ancien directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine,
auteur du rapport relatif à la santé mentale d’octobre 2016

« Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Qu’il est réconfortant de lire tant de constats pertinents et de propositions finement ciselées sous la plume d’un tout jeune psychiatre. Aurait-il compris plus que d’autres ? Aurait-il le duende comme on le dit d’un torero artiste ou d’un chanteur de flamenco ? Serait-il simplement animé par la volonté de comprendre et de comprendre encore… sans tabou, sans esprit de système et avec le plus de liberté possible ?

En tout cas, le résultat est assez fulgurant. Se trouve dans ce texte la panoplie quasi complète de ce qui mérite d’être analysé et proposé pour une refonte complète de la santé mentale et de la psychiatrie : la nécessaire stratégie politique sous la forme d’une loi-cadre en santé mentale qui deviendrait grande cause nationale, l’éthique et les valeurs qui sont autant de « petits » paris de Pascal sur le chemin des professionnels : le rétablissement comme nouvelle boussole, l’intangible pouvoir d’agir des usagers, l’ouverture, la coopération, la pluridisciplinarité chère à Edgar Morin, l’objectif – utopique ou pas ? – de suppression des contentions, le lieu de vie du patient qui devient le centre de gravité de l’action hospitalière, cette si belle image de « l’aller vers » qui obligera les professionnels à aller métaphoriquement, physiquement, sémantiquement là où se trouve la personne en difficulté.

Tout cela dresse les contours d’une nouvelle politique ambitieuse, parfois radicale et donc réaliste. Les besoins sont immenses, raisons de plus pour avoir une vision panoptique du sujet : un parcours de soins et d’accompagnement gradué et sans rupture, l’apparition de nouveaux métiers (ceux de la coordination, du partenariat, du management médical, des infirmiers en pratique avancés, des pairs-aidants), la nouvelle place des psychologues dans ces logiques de parcours, l’école qui deviendra enfin un acteur de promotion de la santé mentale des jeunes, la nécessaire collaboration avec les médias afin d’éviter les traitements par trop sécuritaires ou émotionnels, l’attractivité des métiers de psychiatres et d’infirmiers à revaloriser.

Certaines mesures relèvent de l’urgence absolue, par exemple l’augmentation des moyens, notamment pour la recherche ou pour la pédopsychiatrie, discipline sinistrée. D’autres, plus radicales, emportent tout autant l’adhésion : la nécessité de réinterroger le modèle médical paternaliste ou l’ARS qui déléguerait son pouvoir d’allocation des ressources aux acteurs et citoyens du projet territorial de santé. Après tout… Pourquoi pas ?

Santé mentale et psychiatrie sont d’une rare complexité. Les bonnes pratiques scientifiquement documentées y sont moins nombreuses que dans d’autres disciplines. La dimension humaine y est omniprésente avec ses douleurs, ses angoisses, ses représentations, ses rêves, son déni et peut-être ses génies incompris. Il s’agit d’une des rares disciplines où tout le monde peut se retrouver : qui ne voit pas une partie de soi-même dans la pathologie de l’autre ? C’est pour cela qu’elle nous fascine et que nous l’aimons tant. Elle méritait le talent de Boris Nicolle.

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