Avec plus de huit millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté, la précarité s’imposer comme un enjeu central de la campagne. Or les débats oublient souvent que les populations pauvres paient plus cher, en termes absolus, les biens et les services essentiels que les populations plus aisées
Huit millions de personnes, soit 13 % de la population française, vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Mal-logement, précarité, difficultés chroniques à faire face aux fins de mois… Les maux dont souffrent nos concitoyens sont malheureusement trop connus.
A ces difficultés quotidiennes, s’ajoute malheureusement un autre phénomène : ce que l’on appelle les pénalités de pauvreté. Elles désignent le fait que les populations pauvres paient fréquemment l’unité de consommation à un prix supérieur à celui des consommateurs plus aisés. Par exemple, en raison de la moins bonne isolation des logements, se chauffer coûte souvent plus cher pour les ménages pauvres que pour les autres.
Ces pénalités de pauvreté ont été analysées et chiffrées dans une étude commanditée par la Chaire Social Business d’HEC et l’Action Tank « Entreprise et pauvreté », menée en février et mars 2011 en pro bono par une équipe du bureau de Pris du Boston Consulting Group. D’après les résultats de cette étude, les ménages pauvres payent une pénalité annuelle de 500 euros sur les secteurs d’activité examinés, soit un surcoût de 2,5 % en moyenne.
Face à ces véritables discriminations économiques, cinq facteurs d’explication peuvent être avancés : trois se vérifient lorsque les ménages les plus pauvres consomment les mêmes biens ou services. Il s’agit de la structure de coût défavorable (un coût unitaire et donc un prix plus élevé pour les achats en petite quantité), de la structure de prix défavorable (relatif au mode de tarification) et des effets de la loi de l’offre et de la demande (le marché peut être plus tendu sur de petits volumes). Des modalités de consommations divergentes fournissent deux autres facteurs d’explication : le manque d’accès aux offres avantageuses et les difficultés d’accès à l’information.
Trois propositions fortes sont ici posées. La création d’une Autorité de lutte contre les discriminations économiques devrait fournir l’outil nécessaire à l’analyse des pénalités de pauvreté, et offrir un point de recueil des plaintes pour motif de discrimination économique. D’autre part, afin que les mécanismes de marché cessent de pénaliser les populations les plus pauvres, il faut favoriser des systèmes de notation et de transparence sur la pratique des entreprises en matière de discrimination économique. Cela pour créer des conditions de correction de ces phénomènes par les entreprises. Enfin, il apparaît opportun de créer un cadre permettant d’inciter et de sanctionner les entreprises en fonction de leurs efforts pour lutter contre les discriminations économiques : en intégrant les efforts dans les critères d’attribution des marchés publics par exemple, ou en créant un système de bonus/malus fiscal intégrant le caractère vertueux ou non des pratiques.
Ces discriminations économiques, qui touchent les plus pauvres et les frappent d’une double peine, nécessitent d’être combattues de façon urgente : la présente Note fournit pour cela les éléments d’un diagnostic crucial, et les premiers leviers d’une action indispensable.