Le conflit lié à la réforme des retraites a permis de vérifier les dégâts provoqués lorsque le dialogue social est absent. Si les syndicats ont alors démontré leur utilité et leur sens des responsabilités, et enregistré des milliers d’adhésions, cela ne doit pas faire oublier les questionnements autour de l’engagement syndical, de l’implantation des organisations et des résultats aux élections professionnelles. Dans une étude collective coordonnée par Vincent Priou-Delamarre, l’Observatoire du dialogue social de la Fondation s’appuie sur les données d’une enquête inédite pour comprendre qui sont les éloignés du dialogue social et tenter de les y faire revenir.
Résumé
Avec cette nouvelle étude, l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès revient sur les Français et les travailleurs éloignés du dialogue social, dans l’objectif d’identifier qui ils peuvent être et comment les mobiliser. Ce travail collectif est sans équivoque du côté du syndicalisme et du dialogue social. Cette courte étude est structurée en six parties, suivies des résultats et analyses d’un sondage de la Fondation Jean-Jaurès et d’Antoine Bristielle sur le sujet. Son objectif est de faire émerger une discussion au service du dialogue social.
L’introduction revient sur l’importance du dialogue social dans la construction de l’État social et dans l’amélioration de la condition des travailleurs. Aujourd’hui, les accords de branches et accords collectifs concernent presque 90% des actifs occupés français. Néanmoins, les organisations syndicales font le constat qu’il existe des « exclus » du dialogue social, que ce soit « de fait » ou même parfois « de droit ».
La première partie du rapport analyse les chiffres qui justifient la nécessité de cette réflexion sur les éloignés. Après avoir posé quelques constats sur les différentes élections professionnelles, l’étude pointe la nécessité de se questionner sur les manières de créer de l’adhésion pour dynamiser le syndicalisme et, par extension, le dialogue social.
La deuxième et la troisième partie se penchent sur l’importance des institutions publiques dans le développement du dialogue social et la mobilisation éventuelle des éloignés. La deuxième partie appuie la proposition du rapport Bernasconi (2022) sur la mise en place d’espaces d’expression des salariés sur l’organisation du travail. La troisième partie revient sur la nécessité d’avoir un dialogue social tripartite, où l’État doit être le garant d’un dialogue social permanent entre les représentants des salariés et des entreprises. Le dialogue social doit être vu comme une opportunité pour répondre aux défis contemporains.
La quatrième partie aborde les expériences internationales qui ont montré l’importance du dialogue social dans différents contextes nationaux. Ces exemples montrent que certaines avancées majeures, en Islande et au Canada, viennent justement de populations éloignées du dialogue social qui ont su soulever des problématiques sociales importantes.
La cinquième partie revient sur l’accessibilité du dialogue social à tous les travailleurs. L’organisation d’un scrutin pour les chauffeurs VTC ou pour les livreurs montre qu’un ciblage est possible pour organiser la négociation d’accords collectifs. La désorganisation du monde du travail nécessite une perpétuelle adaptation des forces syndicales.
Enfin, la sixième partie livre les propositions que nous portons. Avant tout, il est nécessaire d’organiser les conditions d’une participation des travailleurs à la réussite de leur entreprise. Pour cela, il faudrait rendre visibles les résultats du dialogue social, pour que son utilité soit bien identifiée. Néanmoins, le développement d’un dialogue social au niveau de l’entreprise doit s’effectuer en synergie avec le dialogue social sectoriel, voire national. Le thème du changement climatique doit devenir incontournable et les acteurs du dialogue social doivent s’en saisir. Enfin, les réformes doivent être au service du dialogue social. La forme que prennent les CSE n’est actuellement pas satisfaisante et produit un éloignement des élus envers les salariés. De plus, ces derniers n’ont plus de référents sur le terrain, ni même d’élus en charge des questions spécifiques à la sécurité et à la santé au travail.
L’éloignement d’une partie des travailleurs est une question importante pour les syndicats. Elle l’est aussi pour l’État, qui a la charge d’outiller les acteurs du dialogue social, mais également d’y participer pleinement pour en donner le cap.
Table des matières
Préambule
Introduction
Moins de votants aux élections professionnelles
Les salariés des petites entreprises, un exemple frappant
Les travailleurs des plates-formes ont boudé les élections !
La participation aux élections du Comité social économique (CSE) dans les entreprises d’au moins 50 salariés est en baisse
L’abstention dans les élections de la fonction publique en hausse
De la démocratie sociale en entreprise
L’État au service du dialogue social
Les expériences internationales sources d’inspiration
L’engagement est toujours possible
Propositions :
- Organiser les conditions d’une participation des travailleurs à la réussite de leur entreprise : partager pour impliquer
- Rendre visibles les résultats du dialogue social
- Créer un dialogue professionnel articulé avec le dialogue social
- S’engager résolument pour le climat
- Repenser le CSE, une instance le plus souvent dysfonctionnelle et facteur d’éloignement du dialogue social
Cette étude a été conduite par un groupe de travail réunissant des profils variés : DRH, expert, chercheur, syndicaliste, avocat…
Il était constitué de :
Vincent Priou-Delamarre, consultant en communication et en management (coordinateur de l’étude) ;
Étienne Colin, avocat en droit du travail ;
Lucas Fabre, universitaire en sciences économiques ;
Jean Grosset, directeur de l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès ;
Carole Hellegouarch, militante CFDT ;
Sara Mirasadi, stagiaire ;
Jean-François Poupart, directeur des affaires sociales de l’Afpa ;
Pascal Priou, militant Unsa ;
Morgane Verviers, secrétaire générale adjointe de la Fédération Unsa Éducation ;
Jean-Pierre Yonnet, directeur du cabinet Orseu Éthix.