Les Assises du socialisme ou l’échec d’une tentative de rénovation d’un parti, 12 et 13 octobre 1974

«Je rêvais, à cette époque, et je n’étais pas le seul, d’un parti qui fût simultanément pour l’Etat et la société. Et bien, François Mitterrand m’a fait faire, en politique, un progrès considérable : je ne rêve plus». Cette remarque quelque peu désabusée d’Edmond Maire, l’ancien secrétaire général de la CFDT, traduit bien à la fois le désir d’une prise en compte politique des aspirations sociétales qui, à la suite de la campagne présidentielle de mai 1974, a suscité le lancement du projet d’Assises du socialisme, et le désenchantement que ce projet a, par la suite, engendré au sein de ses plus vifs partisans.

Souvent perçue comme une simple entreprise de reclassement politique ayant permis à Michel Rocard de passer du secrétariat national du PSU au secrétariat national du PS, le processus de regroupement enclenché à cette occasion entre le Parti socialiste, le Parti socialiste unifié, et divers militants issus de la CFDT et d’organisations dites «chrétiennes» (groupes Témoignage Chrétien, La Vie Nouvelle), ou autogestionnaires (GAM, Objectif socialiste), présente un réel intérêt historiographique dans la mesure où il apparaît, trois ans après le congrès d’Epinay du P.S., comme une tentative d’achèvement d’un processus de destruction/reconstruction organisationnelle de la gauche socialiste amorcé une quinzaine d’années auparavant avec la création du PSA/PSU.

S’appuyant principalement sur des archives du PSU et de la CFDT et des entretiens avec leurs animateurs – en particulier Robert Chapuis, Jacques Julliard et Pierre Héritier –, cette étude tend à analyser la démarche des Assises comme l’émanation de la volonté du courant majoritaire de la CFDT et des animateurs socio-éducatifs qui lui sont proches, à assurer à leurs aspirations et à leurs options une médiation politique susceptible de les transcrire tant sur le plan électoral qu’institutionnel.

Ainsi cette étude s’articule moins autour de l’ambiguïté des implications organisationnelles des Assises, que sur la recherche des fondements expliquant l’enclenchement et les conditions du processus, et les réticences que ces Assises suscitent au sein des acteurs politiques et sociaux qu’elles impliquent, ainsi que sur l’examen de la faiblesse et de la division du mouvement d’engagement politique qu’elles engendrent et le désenchantement final qui touche ces principaux initiateurs.

Apparaissant comme un mode de réception politique aux aspirations d’un monde syndical et associatif à dominante cédétiste, dont les propositions de rapprochement tactique ou idéologique avaient été rejetées, l’opération des Assises constitue donc pour le PS une forme interne et non externe de leur prise en compte, ceci dans un climat exceptionnellement unitaire né de la campagne présidentielle qui avait permis d’atténuer les clivages culturels.

Les vagues de protestations et de réactions que cette opération soulève au sein des forces sociales et politiques qu’elle implique, et les conditions très défavorables à un engagement politique massif qui en découlent (notamment le renversement de la direction rocardienne du PSU) constituent, plus que la préparation et le simple week-end où les Assises se tiennent, les principales causes de l’échec de l’entreprise de rénovation partisane qu’elles visent.

Enfin, le choc culturel, l’ostracisme et les différentes manœuvres auxquels sont confrontés les nouveaux venus amorcent un phénomène rapide de désengagement, qui tend à accroître la désaffection et la défection de réseaux sociaux, dont l’aspiration initiale à un médiateur politique plus crédible impliquait une mutation profonde du P.S. et non une simple «couche de peinture idéologique» aux couleurs de l’autogestion.
 

Cetté étude est issue d’un mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, lauréat du Prix de la Fondation Jean-Jaurès en 2001.

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