L’égalité salariale entre les femmes et les hommes : un enjeu de société majeur

À partir du 3 novembre 2021 à 9h22 selon le collectif Les Glorieuses, les Françaises travailleront gratuitement jusqu’à la fin de l’année. Deux jours de plus qu’en 2019, un jour de plus qu’en 2020. Le constat est sans appel : les inégalités salariales se creusent entre les femmes et les hommes, comme le relève Ghislaine Toutain, conseillère du président de la Fondation Jean-Jaurès et membre de l’Observatoire Égalité femmes-hommes de la Fondation Jean-Jaurès.

Ce constat n’est pas seulement français. À l’échelle mondiale, d’après ONU Femmes, le salaire des femmes ne représente que 77% de celui des hommes, 86% au sein de l’Union européenne. Les raisons de cette situation universelle et persistante sont connues1Voir Amin Mbarki, Samuel Toubiana, Anthony Poulin, La protection salariale garantie, Fondation Jean-Jaurès, 5 mars 2021.. Rappelons-les rapidement : au départ, une formation et une orientation professionnelles dans les filières moins porteuses, un taux d’activité plus faible que celui des hommes (68% contre 76%), un taux d’activité à temps partiel, le plus souvent subi et quatre fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes (30% contre 8% ; CDD, intérim), une surreprésentation des femmes dans le secteur tertiaire exerçant dans douze familles professionnelles sur 87, essentiellement dans le secteur de la santé (les aides-soignantes, les infirmières sont très majoritairement des femmes) et le secteur social (les assistantes maternelles, les employées de maison, les aides à domicile et les aides ménagères sont à près de 95 % des femmes), dans l’administration publique et l’enseignement notamment, une sous-représentation des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises.

Les femmes occupent ainsi majoritairement des postes peu rémunérés et peu favorisés socialement. Elles accomplissent trois fois plus de tâches familiales et domestiques que les hommes. La maternité est un autre facteur de disparité salariale. La pandémie de Covid-19 a encore accentué dans le monde entier ces inégalités salariales entre les femmes et les hommes, les femmes étant majoritaires dans les secteurs les plus touchés. Selon le Rapport annuel 2021 du Forum économique mondial sur les inégalités femmes-hommes dans le monde, l’égalité femmes-hommes a reculé d’une génération à cause de la pandémie. Le rapport estime qu’au rythme actuel, il faudra désormais attendre au moins l’année 2157 pour espérer voir comblés les écarts entre les sexes, tant sur le plan économique que politique, de santé ou encore d’éducation.

Une journée internationale de l’égalité de rémunération

Alors que l’accès à l’emploi et à un emploi assorti d’un salaire égal à celui des hommes, qu’une évolution de carrière similaire et un même niveau de retraite que les hommes font l’objet du cinquième objectif de développement durable (sur les dix-sept qu’il contient) de l’Agenda 2030 adopté par l’ONU en 2015, les progrès dans ce domaine restent trop lents – quand il n’y a pas recul : ainsi, l’an dernier, l’Organisation internationale du travail (OIT) notait que le taux d’activité des femmes dans le monde, après des avancées, avait reculé entre 2000 et 2018, passant de 51% à 49%. C’est la raison pour laquelle, se situant dans l’objectif de cet ODD, une initiative internationale a été lancée en 20172En anglais, EPIC (Equal Pay International Coalition). Son secrétariat comprend l’OIT, ONU Femmes et l’OCDE. Le Canada, l’Égypte, l’Islande, la Jordanie, la Nouvelle-Zélande, le Panama, l’Islande, l’Afrique du Sud, la Suisse, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Confédération syndicale internationale (CSI) font partie du Comité directeur. Les parties prenantes de l’EPIC comprennent l’Australie, l’Allemagne, la République de Corée, Israël, la France, le Pérou, le Portugal, le Royaume-Uni et d’autres organisations nationales de travailleurs et d’employeurs ainsi qu’un certain nombre d’entreprises du secteur privé et d’organisations de la société civile. L’EPIC comprend enfin les « champions », des personnes influentes qui militent en faveur de l’égalité salariale à leur niveau., la Coalition internationale pour l’égalité salariale, qui rassemble des acteurs du monde entier pour « agir en faveur de la réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes ». Pilotée par l’Organisation internationale du travail (OIT), ONU Femmes et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle a pour objectif est de parvenir à l’égalité salariale dans le monde entier. L’EPIC estime que c’est en réunissant des acteurs de différents domaines d’intérêt et d’expertise qu’elle peut aider les gouvernements, les employeurs, les travailleurs et leurs organisations à réaliser des progrès concrets et coordonnés vers cet objectif.

La question de l’égalité salariale est ainsi devenue une question récurrente avant même la pandémie, ce qui a conduit, en 2019, l’Assemblée générale de l’ONU à créer une journée internationale de l’égalité de rémunération, qui sera célébrée chaque année à compter de 2020. La première journée s’est tenue le 18 septembre 2020 et Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, y soulignera dans son message : « si l’on m’avait dit il y a quarante ans qu’il en serait encore ainsi aujourd’hui, je ne l’aurais pas cru. Mais d’après l’analyse du Forum économique mondial, il faudrait 257 ans pour combler cet écart ». 

La deuxième journée s’est tenue le 18 septembre 2021. Elle a réuni les décideurs, les acteurs du marché du travail et la société civile qui sont invités par ONU Femmes « à contribuer à créer une dynamique autour des efforts à déployer pour combler l’écart de rémunération entre les sexes ».  

Le thème central des débats a porté cette année sur les efforts déployés par les organisations internationales, les gouvernements, les organisations de travailleurs et d’employeurs pour faire en sorte que l’égalité de rémunération reste au cœur des réponses à la pandémie de Covid-19 dans le monde entier et pour reconnaître pleinement les contributions des femmes au redressement de la situation.

Au niveau européen, l’inégalité salariale persiste malgré de nombreuses directives

Dans l’Union européenne, où l’écart des salaires est de 14,1% (16% en 2019), les femmes travailleront gratuitement à partir du 10 novembre, comme l’an dernier. Notons que si la Commission européenne parle d’« Equal pay day », le PSE Femmes parle de « Unequal pay day ». Tout un symbole ! Si les chiffres montrent une légère tendance positive ces dernières années, l’écart salarial varie cependant fortement d’un État membre à l’autre : selon Eurostat, il va de 8,5% en Pologne à plus de 21,7% en Estonie. De plus, dans certains États membres, tels que la Bulgarie, la Lettonie, la Hongrie, le Portugal, la Roumanie et la France, où l’écart salarial est de 16,5% (cf. infra), la tendance s’inverse et l’écart se creuse. 

Cette inégalité salariale persiste donc au sein de l’Union européenne alors même que le traité de Rome de 1957 fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une valeur fondamentale de l’UE. Son article 119 affirme en outre que « chaque État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur ». Ce principe de salaire égal pour un travail égal sera réaffirmé à chaque modification du traité3Notamment l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)., de même que la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe. 

En 1975, le 10 février, l’UE adopte la première directive européenne contre la discrimination salariale obligeant les États membres à transposer dans leurs législations un certain nombre de dispositions « relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins ». D’autres textes, déclarations et chartes pour l’égalité entre les femmes et les hommes suivront au fil des années. Citons les dernières en date : le 5 mars 2020, la nouvelle Commission européenne lance une stratégie 2020-2025 en faveur de l’égalité femme-homme qui doit « veiller à ce que la Commission intègre une perspective d’égalité dans tous les domaines d’action de l’UE ». La Commission lance également une consultation sur l’élaboration d’une directive sur la transparence des rémunérations entre femmes et hommes. Le 21 janvier 2021, les députés européens ont adopté une résolution sur la stratégie de l’UE en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, soulignant que les femmes ne perçoivent parfois que le salaire minimum et travaillent souvent dans des conditions précaires. Par conséquent, ils appellent aussi à l’amélioration des salaires et des conditions de travail dans les secteurs fortement féminins tels que la santé, les soins et la vente. Enfin, la Commission a présenté le 4 mars 2021 une proposition de directive visant à renforcer l’application du principe de l’égalité de rémunération pour un travail égal ou de valeur égale entre les hommes et les femmes par le biais de mécanismes de transparence et d’application des rémunérations

On le voit, la volonté d’égalité salariale entre les femmes et les hommes est une réalité au sein de l’UE depuis sa création. Pour autant, elle tarde à se mettre en place et elle n’existe encore dans aucun État membre. 

En France, des avancées législatives à consolider 

En France, comme au niveau international, la question de l’inégalité salariale est récurrente. Malgré un important corpus juridique censé, depuis la loi du 22 décembre 1972, assurer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, en 2017, dans le secteur privé, les femmes percevaient en moyenne une rémunération inférieure de 24% à 25,7% à celle des hommes tous postes confondus. Aujourd’hui, selon l’Insee, le salaire mensuel net moyen des femmes en France est de 16,8% (15,5% en 2020) (16,5% pour Eurostat) inférieur à celui des hommes. À poste et compétences égaux, l’écart varie de 9 à 12,8%. L’association pour l’emploi des cadres (APEC) relève, dans une étude publiée le 3 mars 2021, que l’écart salarial entre les cadres femmes et les cadres hommes est passé de 13% en 2019 à 15% en 2020. Cette inégalité s’accroît au fur et à mesure de la carrière professionnelle. Le rapport du Forum économique mondial de 20214La quinzième édition du rapport sur les inégalités hommes-femmes du Forum économique mondial de 2021 relève que les écarts se sont creusés en raison du Covid-19, malgré des progressions dans 98 pays. La France se situe au seizième rang mondial globalement, l’Islande demeure le pays le plus égalitaire devant la Finlande, la Norvège et la Nouvelle-Zélande. place la France en 58e position (127e en 2019) sur les 156 pays analysés pour l’égalité salariale.

En France comme dans l’Union européenne, les lois se sont pourtant succédé5La loi Roudy sur l’égalité professionnelle du 13 juillet 1983, la loi Génisson du 9 mai 2001 sur l’obligation de négocier l’égalité professionnelle, notamment sur les écarts de rémunération, la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 visant la mise en place d’un quota minimal de 40% de femmes dans les conseils d’administration des grandes et moyennes entreprises, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes qui oblige les entreprises de plus de 50 salariés à déposer leur plan d’action à l’égalité professionnelle auprès de la direction générale des entreprises, la loi de 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. depuis la loi Roudy sur l’égalité professionnelle du 13 juillet 1983 jusqu’à la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 qui a créé un Index de l’égalité professionnelle qui oblige depuis septembre 2019 les entreprises de plus de 250 salariés et depuis 2020 celles de plus de cinquante salariés à publier le 1er mars de chaque année la situation comparée des femmes et des hommes, notamment sur l’écart de salaire et la répartition des promotions. En 2021, 70% des entreprises de plus de cinquante salariés ont publié leur note, contre 59% en 20206L’article L. 2242-8 du Code du travail prévoit une pénalité financière pour les entreprises qui ne publient pas leur index égalité professionnelle ou ne définissent pas des mesures de correction dans le cas où celui-ci est inférieur à 75 points.. Le résultat est encourageant, même si les inégalités subsistent, notamment au niveau de la présence des femmes dans les instances dirigeantes, malgré la loi Copé-Zimmermann de 2011 instaurant un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises.

Grâce à cette loi, la France se situe aujourd’hui au premier rang mondial pour la féminisation des conseils d’administration des grandes entreprises cotées, avec une proportion de plus de 46% de femmes en 20217Voir le rapport d’information de Mmes Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam et Dominique Vérien, fait au nom de la délégation aux droits des femmes n° 757 (2020-2021) du 8 juillet 2021 sur le bilan de l’application, dix ans après son adoption, de la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance., devant la Norvège (qui a imposé des quotas dès 2003) et loin devant l’Allemagne8Suivant l’exemple français, en Allemagne, un projet de loi du 6 janvier 2021 a été déposé pour imposer désormais aux grandes entreprises cotées en Bourse, cogérées ou contrôlées par l’État, de compter au moins 30% de femmes à leur tête, à partir d’une direction de trois membres. ou les États-Unis. Pour autant, on compte encore peu de femmes à la tête des grandes entreprises françaises et trois seulement au niveau du CAC 409Catherine MacGregor, PDG chez Engie, et deux femmes présidentes de conseil d’administration, Angela Garcia-Poveda chez Legrand et Barbara Dalibard chez Michelin..

Par ailleurs, la parité au sein des instances de gouvernance des petites capitalisations boursières, des sociétés non cotées et surtout des PME reste limitée. Les femmes sont encore trop peu nombreuses au sein des comités exécutifs et de direction (moins d’un quart des postes pour les entreprises du SBF 120 en 2021) et dans l’ensemble des postes à responsabilités. C’est la raison pour laquelle, face à l’efficacité des quotas pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes10 On l’a vu aussi dans la sphère politique, avec la loi sur la parité du 6 juin 2000 qui, en créant une obligation de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste, a rendu paritaires notamment les conseils municipaux et régionaux. La loi du 31 janvier 2007 étend l’obligation de parité lors de la désignation des exécutifs régionaux et municipaux (villes de 3500 habitants et plus)., une proposition de loi initiée par le groupe LREM de l’Assemblée nationale « pour accélérer l’égalité économique et professionnelle » et adoptée, pour l’essentiel, en première lecture par les deux assemblées en octobre 2021 instaure un quota de représentation de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes dans les entreprises d’au moins 1000 salariés. Elle prévoit une proportion d’au moins 30% de femmes en 2027 et de 40% en 2030.

On peut espérer que cette initiative permette, elle aussi, une avancée significative de la présence des femmes dans les instances de direction des entreprises, même des plus petites ! 

Conclusion

On le voit, la question de l’égalité salariale – et plus généralement de l’égalité professionnelle – demeure d’une grande actualité dans la sphère politico-économique et on ne peut que s’en réjouir, notamment après la pandémie du Covid-19. L’ensemble des avancées juridiques, notamment en France et au niveau de l’Union européenne, si elles ont produit, au fil des ans, des effets positifs sur l’égalité professionnelle et salariale permettant une plus grande autonomie des femmes, continuent, cependant11)Françoise Milewski et Hélène Périvier (dir.), Les discriminations entre les femmes et les hommes, Paris, collection « Savoirs sur le genre », Presses de Sciences Po, 2011., de se heurter à de fortes résistances de nature essentiellement culturelle. Presage, le programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre, lancé en mai 2010 conjointement par l’OFCE et Sciences Po, affirme que « le partage du pouvoir économique et politique n’est toujours pas ancré dans les mentalités »12Françoise Milewski et Hélène Périvier (dir.), Les discriminations entre les femmes et les hommes, Paris, collection « Savoirs sur le genre », Presses de Sciences Po, 2011.. Les stéréotypes de sexe perdurent à l’école, au travail, dans les entreprises, dans l’espace public, au sein même des familles13Voir le rapport sur les stéréotypes de genre de Gaël Le Bohec et Karine Le Bon à l’Assemblée nationale, daté du 6 octobre 2021, qui donne des pistes intéressantes dans ce sens.

C’est pourquoi, par exemple, reconnaissant que « les stéréotypes de sexe se mettent en place dès le plus jeune âge et influent sur la manière dont les garçons et les filles construisent au fil des ans leur identité, leur scolarité, leur orientation professionnelle », le gouvernement français s’est engagé par la convention interministérielle adoptée en novembre 2019 pour cinq ans14La convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons définit pour cinq ans le cadre de référence en matière d’égalité fille-garçon dans le système éducatif. Dans ce texte, qui souligne le rôle fondamental de l’orientation, une attention toute particulière est portée aux filières dont les effectifs filles/garçons, femmes/hommes sont les moins équilibrées, notamment les métiers du numérique. La convention nationale se décline au niveau régional et académique sous l’autorité du préfet de région et du recteur. à lutter contre les inégalités partout où elles continuent de se manifester, notamment dans les établissements d’enseignement scolaire et supérieur15L’article « Dans les grandes écoles, des ateliers pour aider les femmes à mieux négocier leur salaire », écrit par Eric Nunès dans Le Monde daté du 28 octobre 2021, expliquait que, dans les grandes écoles, « des ateliers étaient mis en place pour aider les femmes à mieux mettre en avant leurs compétences et à mieux négocier leur salaire. ». Une démarche nouvelle et utile, à développer largement, mais aussi dans le domaine de la recherche, dans les filières et les métiers scientifiques, où la présence des femmes reste minoritaire. Ce phénomène est mondial. C’est pourquoi les Nations unies ont instauré, chaque 11 février, une Journée internationale des femmes et des filles de science pour lutter contre les préjugés et stéréotypes de genre qui brident les jeunes filles.

La situation est particulièrement problématique dans le numérique. Les chiffres sont sans appel : on compte 18% seulement de femmes parmi les spécialistes en technologies de l’information dans ce secteur porteur d’avenir en Europe16Notons que la Commission européenne s’est dotée début 2021 d’une « boussole numérique » pour « façonner l’avenir numérique de l’Europe » d’ici à 2030, au cœur du plan de relance européen post-pandémie. La féminisation des spécialistes en constitue l’un des principaux objectifs. contre 30% il y a trente ans, selon le rapport du Digital Economy and Society Index (DESI) en 2020. Elles sont 16% en France (chiffre d’ailleurs en recul par rapport à 2019) ; on compte seulement une femme sur dix diplômée dans les écoles d’informatique (11% exactement) alors qu’elles étaient 12% en 2015. La filière informatique était la deuxième filière comportant le plus de femmes ingénieures au sein des formations techniques entre 1972 et 198517Qui sait que le premier codeur au monde est… une codeuse ? Ada Lovelace, la seule enfant légitime du poète Lord Byron, a créé le premier programme informatique en 1842. Longtemps restée oubliée, elle est aujourd’hui une figure incontournable des sciences et de l’informatique.. « Aujourd’hui, le secteur peine à attirer les femmes18Cf. « Chiffres clés » sur le site Internet de Talents du numérique.. »

Le chemin à parcourir dans ce domaine est long pour parvenir à une égalité professionnelle et salariale. Il n’est pas le seul. Outre, en effet, la question de l’orientation scolaire des filles, les femmes continuent dans l’emploi de se heurter à leur surreprésentation dans certains métiers, à la difficile articulation entre leur vie professionnelle et leur vie familiale qui entraîne souvent des interruptions dans leur carrière – élément mis particulièrement en lumière par le développement du télétravail –, au temps de travail partiel ou encore à la résistance au sein des entreprises, notamment face à la mise en place de quotas, pas toujours bien accueillis (on l’a vécu aussi dans la sphère politique), même si, selon la dixième édition du baromètre annuel publié par le Medef, 47% des salariés jugent l’égalité entre les femmes et les hommes  – et notamment l’égalité salariale – comme un des sujets prioritaires en entreprise.

Face à cette situation, et « parce qu’on ne peut pas rester les bras croisés à attendre que les choses évoluent favorablement d’elles-mêmes », le Laboratoire de l’Égalité a élaboré un Pacte 2022 pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes19Laboratoire de l’égalité, Pacte 2022 pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; les 50 premières actions à mettre en place pour orienter le prochain quinquennat vers l’égalité entre les femmes et les hommes au travail., publié le 28 septembre dernier et qu’il soumettra aux candidates et candidats à la présidence de la République. Il décline des actions opérationnelles à partir de trois piliers majeurs : assurer l’autonomie économique des femmes et le partage égalitaire de la prise de décision ; généraliser le partage d’une culture commune de l’égalité durable ; renforcer le rôle des politiques publiques. 

On ne peut qu’acquiescer à ces objectifs qui modèlent une société plus égalitaire, donc plus juste, plus forte et performante et qui doivent être, notamment, au cœur des débats de la prochaine élection présidentielle française. Ils rejoignent d’ailleurs les principales propositions que la Fondation Jean-Jaurès préconise pour y parvenir :

1/ Lutter contre les stéréotypes de genre dans tous les domaines de la société et en particulier à l’école ;

2/ Favoriser l’orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques ;

3/ Revaloriser les salaires des métiers du care, principalement exercés par des femmes ;

4/ Mettre en place une représentation paritaire dans les instances dirigeantes des entreprises ;

5/ Renforcer le congé paternité et le congé parental pour une parentalité égalitaire.

  • 1
    Voir Amin Mbarki, Samuel Toubiana, Anthony Poulin, La protection salariale garantie, Fondation Jean-Jaurès, 5 mars 2021.
  • 2
    En anglais, EPIC (Equal Pay International Coalition). Son secrétariat comprend l’OIT, ONU Femmes et l’OCDE. Le Canada, l’Égypte, l’Islande, la Jordanie, la Nouvelle-Zélande, le Panama, l’Islande, l’Afrique du Sud, la Suisse, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Confédération syndicale internationale (CSI) font partie du Comité directeur. Les parties prenantes de l’EPIC comprennent l’Australie, l’Allemagne, la République de Corée, Israël, la France, le Pérou, le Portugal, le Royaume-Uni et d’autres organisations nationales de travailleurs et d’employeurs ainsi qu’un certain nombre d’entreprises du secteur privé et d’organisations de la société civile. L’EPIC comprend enfin les « champions », des personnes influentes qui militent en faveur de l’égalité salariale à leur niveau.
  • 3
    Notamment l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
  • 4
    La quinzième édition du rapport sur les inégalités hommes-femmes du Forum économique mondial de 2021 relève que les écarts se sont creusés en raison du Covid-19, malgré des progressions dans 98 pays. La France se situe au seizième rang mondial globalement, l’Islande demeure le pays le plus égalitaire devant la Finlande, la Norvège et la Nouvelle-Zélande.
  • 5
    La loi Roudy sur l’égalité professionnelle du 13 juillet 1983, la loi Génisson du 9 mai 2001 sur l’obligation de négocier l’égalité professionnelle, notamment sur les écarts de rémunération, la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 visant la mise en place d’un quota minimal de 40% de femmes dans les conseils d’administration des grandes et moyennes entreprises, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes qui oblige les entreprises de plus de 50 salariés à déposer leur plan d’action à l’égalité professionnelle auprès de la direction générale des entreprises, la loi de 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
  • 6
    L’article L. 2242-8 du Code du travail prévoit une pénalité financière pour les entreprises qui ne publient pas leur index égalité professionnelle ou ne définissent pas des mesures de correction dans le cas où celui-ci est inférieur à 75 points.
  • 7
    Voir le rapport d’information de Mmes Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam et Dominique Vérien, fait au nom de la délégation aux droits des femmes n° 757 (2020-2021) du 8 juillet 2021 sur le bilan de l’application, dix ans après son adoption, de la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance.
  • 8
    Suivant l’exemple français, en Allemagne, un projet de loi du 6 janvier 2021 a été déposé pour imposer désormais aux grandes entreprises cotées en Bourse, cogérées ou contrôlées par l’État, de compter au moins 30% de femmes à leur tête, à partir d’une direction de trois membres.
  • 9
    Catherine MacGregor, PDG chez Engie, et deux femmes présidentes de conseil d’administration, Angela Garcia-Poveda chez Legrand et Barbara Dalibard chez Michelin.
  • 10
    On l’a vu aussi dans la sphère politique, avec la loi sur la parité du 6 juin 2000 qui, en créant une obligation de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste, a rendu paritaires notamment les conseils municipaux et régionaux. La loi du 31 janvier 2007 étend l’obligation de parité lors de la désignation des exécutifs régionaux et municipaux (villes de 3500 habitants et plus).
  • 11
    )Françoise Milewski et Hélène Périvier (dir.), Les discriminations entre les femmes et les hommes, Paris, collection « Savoirs sur le genre », Presses de Sciences Po, 2011.
  • 12
    Françoise Milewski et Hélène Périvier (dir.), Les discriminations entre les femmes et les hommes, Paris, collection « Savoirs sur le genre », Presses de Sciences Po, 2011.
  • 13
    Voir le rapport sur les stéréotypes de genre de Gaël Le Bohec et Karine Le Bon à l’Assemblée nationale, daté du 6 octobre 2021, qui donne des pistes intéressantes dans ce sens.
  • 14
    La convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons définit pour cinq ans le cadre de référence en matière d’égalité fille-garçon dans le système éducatif. Dans ce texte, qui souligne le rôle fondamental de l’orientation, une attention toute particulière est portée aux filières dont les effectifs filles/garçons, femmes/hommes sont les moins équilibrées, notamment les métiers du numérique. La convention nationale se décline au niveau régional et académique sous l’autorité du préfet de région et du recteur.
  • 15
    L’article « Dans les grandes écoles, des ateliers pour aider les femmes à mieux négocier leur salaire », écrit par Eric Nunès dans Le Monde daté du 28 octobre 2021, expliquait que, dans les grandes écoles, « des ateliers étaient mis en place pour aider les femmes à mieux mettre en avant leurs compétences et à mieux négocier leur salaire. »
  • 16
    Notons que la Commission européenne s’est dotée début 2021 d’une « boussole numérique » pour « façonner l’avenir numérique de l’Europe » d’ici à 2030, au cœur du plan de relance européen post-pandémie. La féminisation des spécialistes en constitue l’un des principaux objectifs.
  • 17
    Qui sait que le premier codeur au monde est… une codeuse ? Ada Lovelace, la seule enfant légitime du poète Lord Byron, a créé le premier programme informatique en 1842. Longtemps restée oubliée, elle est aujourd’hui une figure incontournable des sciences et de l’informatique.
  • 18
    Cf. « Chiffres clés » sur le site Internet de Talents du numérique.
  • 19
    Laboratoire de l’égalité, Pacte 2022 pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; les 50 premières actions à mettre en place pour orienter le prochain quinquennat vers l’égalité entre les femmes et les hommes au travail.

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