La question se pose en Europe des conséquences de la crise sur les femmes, qu’elle touche particulièrement et différemment des hommes, notamment parce qu’elle renforce les inégalités et les discriminations préexistantes et leur exposition à la précarité et à la pauvreté. La crise ne saurait justifier que les femmes servent de variable d’ajustement.
L’égalité entre les hommes et les femmes n’est toujours pas une réalité en Europe. Ce phénomène est examiné périodiquement par la Fondation Jean-Jaurès et la FEPS qui organisent conjointement chaque année le séminaire « Femmes d’Europe entre elles… ». Le dernier volet, intitulé « L’égalité entre les femmes et les hommes. Ne pas renoncer, malgré la crise », s’est penché sur la situation des femmes en Hongrie, en Italie, en Pologne et en France afin de donner un aperçu de la situation des femmes en Europe. Il revient sur les conséquences de la crise économique sur les conditions des femmes et énonce des propositions afin d’améliorer la donne.
Le traité de Lisbonne fait de l’égalité des sexes un principe et en soumet le non-respect à des sanctions. Mais, malgré ce cadre juridique, 15 % des femmes de soixante-cinq ans et plus, ainsi qu’un tiers des familles monoparentales, dont 90 % sont composées de femmes seules avec des enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté. De plus, les femmes occupent majoritairement des emplois précaires ou à temps partiel, les différences salariales sont grandes et elles sont sous-représentées dans les postes à haute responsabilité.
En Hongrie, seulement 7 % des jeunes enfants vont à la crèche, ce qui complique fortement les conditions professionnelles des femmes. Le taux de violences domestiques est également préoccupant. Avec la nouvelle constitution, la situation a empiré car elle met en place une nouvelle définition du début de la vie, ce qui pourra remettre en cause le droit à l’avortement. De plus, le droit du travail a été assoupli en ce qui concerne les conditions de licenciement des femmes en congé maternité.
En Italie, l’approche de « genre » n’a jamais été instituée dans la vie politique, mais le féminisme y connaît en ce moment un renouveau. Les femmes ne veulent plus du modèle patriarcal et dénoncent le fait que l’Italie, qui fut à une époque l’Etat d’Europe du Sud où le « Welfare State » était le plus avancé, a été dépassé par l’Espagne et la Grèce.
En Pologne, la situation de l’égalité entre les hommes et les femmes connaît quelques avancées, notamment en ce qui concerne la législation sur la violence faite aux femmes et les congés maternité et paternité, qui ont été prolongés. Cependant, les aspects négatifs dominent : la loi d’interruption volontaire de grossesse est une des plus strictes en Europe et le taux d’emploi des femmes, avec 53 %, est l’un des plus bas d’Europe. Les allocations familiales sont faibles et les modes de garde des jeunes enfants sont très insuffisants.
Ces dernières années, la France a élaboré une législation importante dans le domaine de l’emploi et de l’égalité professionnelle, mais les résultats ne sont pas (assez) convaincants. En particulier, l’égalité professionnelle n’a pas été atteinte, alors que les jeunes filles sont aujourd’hui, en France comme dans le reste de l’Union européenne, mieux formées et mieux diplômées que les garçons. A part en 2009, le chômage des femmes en France a toujours été supérieur à celui des hommes. Les femmes connaissent un recul du taux d’emploi à temps plein, tandis que le taux d’emploi à temps partiel a augmenté. Cela entraîne une plus grande précarité et une plus grande inégalité salariale par rapport à leurs collègues masculins. De même, moins de femmes travaillent dans le secteur privé et elles sont moins représentées dans les directions des entreprises ou encore dans le secteur politique et dans le domaine scientifique. Cette inégalité se fait déjà remarquer dans l’éducation et l’enseignement : au lycée, les filles choisissent en grand nombre la filière littéraire et rarement la filière scientifique, tout comme dans l’enseignement supérieur. Il est par ailleurs non seulement rare qu’une femme dirige une entreprise mais, plus l’entreprise est grande, moins il y a de femmes dirigeantes. De plus, les femmes restent celles qui doivent concilier vie professionnelle et vie familiale. Une possibilité de remédier à ce problème serait notamment d’encourager le congé paternité ou parental, qui n’est utilisé que rarement par les pères. Dans les pays nordiques, il existe un partage obligatoire des congés entre les mères et les pères. Un autre chantier est la violence faite aux femmes qui n’est pas encore assez combattue, ni en France, ni dans le reste de l’Europe.
Les participants du colloque ont tiré de ce séminaire quelques nouvelles idées : le féminisme a besoin d’une nouvelle approche, les anciennes et les nouvelles générations doivent s’enrichir mutuellement. De même, une vraie égalité ne peut se construire que si les hommes et les femmes travaillent ensemble pour avancer. Pour répondre mieux aux principes énoncés par les traités européens, on devrait notamment prévoir des plans de relance au niveau européen pour réduire le chômage, mettre en œuvre le « gender budgeting », créer un fonds d’innovation sociale pour les femmes et promouvoir la démocratie paritaire pour que les femmes participent davantage aux décisions politiques. En France, il pourrait être utile de former les enseignants à l’égalité entre les filles et les garçons, revaloriser les métiers majoritairement faits par les femmes ou encore développer la mixité des emplois et assurer un meilleur respect des lois concernant l’égalité professionnelle.
Il reste encore beaucoup à faire avant d’atteindre la véritable égalité et parité entre les deux sexes, le modèle patriarcal traditionnel restant en Europe un modèle social et culturel courant. D’un autre côté, toutes les possibilités pour atteindre cette égalité n’ont pas encore été exploitées.