Le premier tour des primaires du Parti Démocrate italien s’est déroulé le 25 novembre : ce sont Pier Luigi Bersani, le leader du PD, et le maire de Florence Matteo Renzi qui s’affronteront au deuxième tour, le 2 décembre prochain, au terme d’un dernier suspense.
Le 25 novembre 2012 s’est tenu le premier tour des primaires du Parti démocrate (PD), faisant participer plus de trois millions d’électeurs. Pas de surprise : c’est bien Pier Luigi Bersani, le leader du PD, et le maire de Florence Matteo Renzi qui s’affronteront au deuxième tour, le 2 décembre prochain. Le résultat était en partie connu, certes, mais il n’empêche que peu de points séparent Pier Luigi Bersani (44 %) de Matteo Renzi (35 %), augurant une dernière semaine encore mouvementée. Les électeurs, en créditant Matteo Renzi d’un tel score, ont envoyé un message clair aux dirigeants du PD. Quant au bon score de Nichi Vendola – 15 % des suffrages –, il fait de celui-ci l’autre vainqueur de ces primaires, puisqu’il est désormais en position favorable pour négocier sa future place au sein d’une éventuelle coalition.
Les deux dernières semaines de campagne ont été passionnantes. C’est d’abord le débat télévisé entre les cinq candidats, mardi 13 novembre, qui a marqué les esprits. Un débat sensationnel : pour la première fois dans une émission de télévision à caractère politique, cinq candidats se sont affrontés de manière civilisée, sans conflit, sur un ton serein, avec clarté et un timing précis. Les réponses aux questions étaient concrètes et, sans que la compétition soit abandonnée pour autant, l’heure était à un débat constructif et transparent. Quiconque était devant son écran de télévision ce soir-là aura remarqué le formidable changement que ces primaires sont en train d’impulser dans le débat politique italien : sur la forme comme sur le fond, qui se veut plus clair et plus concret, on est loin des bagarres du passé.
Un spectacle bien orchestré, ont dit les mauvaises langues. Peut-être, mais nombreux étaient ceux qui y ont assisté : près de deux millions de téléspectateurs, sans compter les internautes qui l’ont suivi en streaming. Et ce spectacle était celui de vraies primaires de centre-gauche. En effet, que ce soit en 2005 comme lors des primaires du Parti démocrate de 2007 et 2009, les résultats des élections qui les suivaient étaient relativement attendus ; or aujourd’hui, les principaux instituts de sondage s’accordent seulement à dire que l’abstention sera élevée lors des élections générales de 2013. Mais il reste difficile de pronostiquer la victoire d’un parti plutôt qu’un autre, comme cela avait pu être le cas lors des précédentes échéances. Crédité à ce jour de 30 %, le PD doit ce bon résultat à l’enthousiasme qu’il a su créer autour des primaires. Quant à l’issue des primaires elles-mêmes, elle reste incertaine. A la veille du premier tour, Pier Luigi Bersani a fini, dans les sondages, crédité de deux ou trois points de plus que son principal adversaire Matteo Renzi. C’est ce qui s’est effectivement produit.
Mais les choses n’étaient pas écrites d’avance, surtout à l’issue des trois jours de débats que Matteo Renzi avait organisés dans sa ville, dans l’ancienne gare de la Leopolda magnifiquement rénovée, à l’endroit même où il avait annoncé, en 2010, son nouveau projet pour l’Italie. Il y avait lancé le défi à son parti, et à l’Italie, de transformer la politique. En novembre 2012, en clôturant ces trois jours de rencontres et de débats – dans une chaude ambiance malgré la vague de froid qui déferlait alors sur l’Italie –, Matteo Renzi a encore martelé son message : le renouvellement doit être non seulement générationnel, mais surtout celui de la culture politique italienne. Ce message s’adresse également à Pier Luigi Bersani : si Matteo Renzi remporte les primaires, le Parti va changer – un vent nouveau souffle déjà depuis que Walter Veltroni et Massimo D’Alema ont annoncé leur intention de ne pas se représenter au parlement. Et l’Italie aussi va changer. Si Matteo Renzi perd, on suppose que le PD devra changer quand même, car il ne pourra manquer de prendre en compte les milliers de militants qui, dans les derniers mois, ont soutenu avec énergie et enthousiasme la candidature de Matteo Renzi. Ceux que Matteo Renzi appelle simplement « les enthousiastes », ceux qui croient, comme les supporters de Barack Obama, que le meilleur est encore à venir.
Pier Luigi Bersani est, quant à lui, accablé en ce moment par le poids des responsabilités : les lois les plus importantes (lutte contre la corruption, contre l’homophobie, la fraude fiscale, ainsi que la « loi de stabilité » 2012-13), même si elles semblent peu clivantes, peinent à recueillir l’approbation du parlement. La popularité du gouvernement de Mario Monti est en chute libre dans les sondages. On parle même d’anticiper les élections en mars 2013, alors que la législature arrive normalement à son terme le 29 avril. Dans cette atmosphère délétère, seul le chef de l’Etat Giorgio Napolitano semble garder le cap, même s’il se rend à l’évidence en évoquant la tenue d’un election day (élections nationales et régionales) le 10 mars 2013.
Se posera alors la question de l’adoption d’une nouvelle loi électorale, pour remplacer celle actuellement en vigueur, dite « porcellum ».[1] Or, sur ce point, le PD peine à trouver des alliés, pas même au centre avec les modérés de Pier Ferdinando Casini, le chef de l’UDC (Union démocratique du centre) qui ne représente plus que 8 % avec son « troisième pôle » dans lequel l’industriel Luca di Montezemolo est impliqué. D’ailleurs, l’UDC de Pier Ferdinando Casini ne soutient pas non plus le PD sur la « loi de stabilité », sans laquelle l’Italie ne dispose pas de feuille de route d’ici au vote de 2013. Matteo Renzi en profite donc pour insinuer que, si le PD ne s’accorde pas avec l’UDC sur la loi électorale, il y a peu de chances pour que ces deux partis puissent, ensemble, gouverner le pays.
La question des alliances n’est pas la seule à avoir fait couler beaucoup d’encre lors des derniers jours de la campagne des primaires. Celle de la réforme du marché du travail semble enfin arriver au cœur du débat politique. En effet, lors de la manifestation orchestrée par Matteo Renzi à Florence, un certain Pietro Ichino a pris la parole. Expert en droit du travail, ancien dirigeant de la CGIL-FIOM (le principal syndicat italien des travailleurs métallurgiques), victime de menaces de la part des Brigades rouges (il est sous protection policière depuis 2002), Pietro Ichino a été conseiller de Pier Luigi Bersani quand celui-ci était ministre de l’Industrie. C’est aujourd’hui celui qui inspire les propositions du programme de Matteo Renzi sur le travail. Lors de cette intervention à Florence, Pietro Ichino est revenu sur les responsabilités de la gauche italienne. Selon lui, celle-ci s’est, pendant des années, acharnée à défendre un système qui n’existe plus, tout en laissant sans représentation ni protection les travailleurs précaires et les chômeurs – catégories toujours délaissées par les responsables politiques italiens, de peur de rompre le consensus politique que leur offraient les couches les plus protégées de la population. Cette réflexion se retrouve de manière archétypique dans le cas Fiat, pour lequel l’alternative est simple : soit financer la « cassa integrazione »[2] avec l’argent public et reporter encore les mesures qui doivent décider de l’avenir de l’industrie automobile italienne, soit avoir le courage de fermer les usines Fiat et d’investir dans de nouvelles industries et de nouvelles entreprises qui mobiliseraient les compétences des travailleurs. La flexicurity, la retraite anticipée, les contrats avec aides à la création d’entreprises start up : autant de propositions que les syndicats clouent au pilori mais qui représentent, selon Pietro Ichino, le seul moyen de sortir d’une crise dont la gauche est en partie responsable.
Pendant cette dernière semaine, le maire de Florence a désormais pour objectif de convaincre soit les électeurs de Nichi Vendola que lui, Matteo Renzi, est un homme de gauche, soit les autres que sa feuille de route est un vrai programme de gouvernement. De son côté, Pier Luigi Bersani, un peu trop sûr de sa victoire, devra en revanche rassurer ses partisans sur le fait qu’il pèsera pour de bon dans la coalition sans se laisser trop bousculer par le centre de Pier Ferdinando Casini.
Fin du suspense le 2 décembre ![1] Cette loi, une de celles qui ont été adoptées ces dernières années par le parlement italien, est sans doute la plus critiquée. Elle a modifié le système électoral italien, jusqu’alors majoritaire, en système proportionnel. Ce fut Silvio Berlusconi qui, en 2005, à cinq mois des élections, avait menacé de faire chuter le gouvernement pour obtenir une loi qui, selon ses plans, devait lui assurer la victoire.[2] Organisme d’Etat qui complète tout ou partie du salaire d’un employé mis au chômage technique par son employeur.