Élections italiennes : sprint final

A quelques jours des élections italiennes des 24 et 25 février 2013, le vent semble tourner : le centre-droit mené par Silvio Berlusconi continue de progresser aux dépens de la coalition de centre-gauche, même si celle-ci reste en tête des sondages. Analyse des rapports de force dans la dernière ligne droite d’une drôle de campagne.

Alors que le jour des élections se rapproche, la campagne électorale bat son plein et les sondages les plus récents semblent indiquer que le vent commence à tourner. Si la coalition de centre-gauche reste en tête, avec 33-37 % des intentions de vote, le centre-droit mené par Silvio Berlusconi continue de progresser et obtient, selon les instituts, entre 25-29 % des intentions de vote.
Ce changement de l’opinion intervient alors que le Cavaliere, qui à d’ores et déjà annoncé qu’il occuperait le poste de ministre de l’Economie en cas de victoire, multiplie les promesses dans l’optique de séduire les indécis – ces derniers représentant près d’un électeur sur trois.
Les débats se focalisent actuellement sur une proposition de Silvio Berlusconi d’éliminer la taxe foncière (IMU). Selon l’Institut Demopolis, une courte majorité des Italiens (51 %) estime que cette réforme n’est pas réalisable dans le contexte actuel. Seuls 15 % la jugent « juste et réalisable ». De son coté, le leader de la coalition de centre-gauche, Pier Luigi Bersani, a dénoncé une promesse « démagogique », proposant à la place un plan d’investissement de 7,5 milliards d’euros en trois ans destiné aux écoles, aux hôpitaux ainsi qu’à la rénovation énergétique des bâtiments.
Le temps n’est plus à l’euphorie qui caractérisait la période des primaires, et la contre-attaque de Silvio Berlusconi n’est pas seule responsable de l’assombrissement du tableau. Récemment, le scandale de la troisième banque italienne, la Monte dei Paschi di Siena, réputée proche de responsables locaux du Parti Démocrate (PD), a sonné la fin de l’état de grâce dont bénéficiait jusqu’alors le centre-gauche.
Au sein de la coalition, le parti « Gauche, écologie et liberté » (SEL, Sinistra, Ecologia e Libertà), emmené par l’actuel gouverneur des Pouilles Nichi Vendola, est en baisse dans les sondages et atteint 3 à 4 %. Il souffre de la concurrence de la « Révolution civile », une liste alternative qui a pour leader le juge Antonio Ingroia et qui regroupe les partis de la Refondation communiste, l’Italie des valeurs, le Parti des communistes italiens et la Fédérations des Verts.
Cette progression du centre-droit fait planer sur le PD le spectre des élections de 2006, lors desquelles Romano Prodi, donné largement gagnant par tous les sondages, avait finalement arraché la victoire sur le fil avec 25 000 voix d’avance. Cependant, les observateurs de la vie politique italienne s’accordent à dire que le panorama électoral est aujourd’hui différent : alors qu’en 2006 la compétition était marquée par une bipolarisation, elle ne l’est plus maintenant. Les centristes de Mario Monti (gratifiés de 10 % des intentions de vote) et la gauche d’Antonio Ingroia (représentant 4 à 5 % des votants) proposent chacun une alternative sérieuse aux coalitions traditionnelles.
Mais le véritable trouble-fête de cet épisode électoral reste le « Mouvement cinq étoiles » de l’humoriste Beppe Grillo, qui recueillerait près de 18 % des intentions de vote – et jusqu’à 30,4 % chez les moins de 23 ans, pour lesquels il reste le premier parti. Ce succès est facilité par les scandales qui ont accru la méfiance des Italiens envers la classe politique. De plus, la campagne électorale de Beppe Grillo se démarque de celle des autres candidats : il refuse de participer à des débats télévisés et préfère rencontrer les citoyens sur le terrain. Il n’accepte aucune interview mais favorise la diffusion d’informations sur internet via son blog et les réseaux sociaux. Son « tsunami politique » se traduit par l’organisation de nombreux meetings dans chaque grande ville.
Silvio Berlusconi a compris que les méthodes de communication utilisées par Beppe Grillo risquent d’attirer un bon nombre de ses électeurs. Le Cavaliere a prévenu que le vote en faveur de Beppe Grillo était avant tout un vote de protestation qui devait être évité. Il voit en Beppe Grillo une menace pour la démocratie et critique les candidats « venant de l’extrême-gauche qui sont contre le TGV Lyon-Turin ». Il attaque aussi Mario Monti en rappelant que ce vote inutile risque de faire gagner la gauche, un argument utilisé pour pouvoir récupérer les voix centristes.
La stratégie du centre-gauche représentée par la coalition de Pier Luigi Bersani joue la carte de Matteo Renzi. Le « rottamatore » visite actuellement les « swing states », ces régions au vote encore incertain, dans l’espoir de convaincre les déçus de la droite et les indécis tentés par Beppe Grillo. Cette tournée électorale se terminera le 22 février prochain à Bologne, ville et chef-lieu d’une région gouvernée par les démocrates, où le « Mouvement des cinq étoiles » a plusieurs sympathisants.
Pier Luigi Bersani n’exclut pas une collaboration future avec Mario Monti, y compris dans l’éventualité où une majorité absolue au Parlement serait obtenue, ce qui rappelle le geste d’Alcide De Gasperi en 1948. Cette proposition a suscité l’ire du SEL, très critique envers les politiques de l’ancien Premier ministre sortant. Il a fallu l’intervention de Massimo D’Alema, figure historique du Parti Démocratique et ancien Premier ministre, pour rassurer l’aile gauche de la coalition, dont il a réaffirmé l’importance « stratégique ».
La loi électorale italienne, souvent appelée par les médias « Porcellum », a été modifiée en 2005 par le gouvernement de Silvio Berlusconi à cinq mois des élections pour empêcher une trop large victoire de son adversaire. Cette loi est sans doute la plus critiquée de celles qui ont été adoptées ces dernières années par le parlement italien. Elle a transformé le système électoral, jusqu’alors majoritaire, en système proportionnel. L’importante prime de majorité allouée au parti qui arrive en tête est calculé à l’échelle nationale pour la Chambre des députés, mais région par région pour le Sénat.
La clé de ces élections se trouve dans les régions incertaines de Lombardie, de Vénétie, de Sicile et de Campanie. Le centre-gauche, en tête en Campanie, est devancé par la droite en Vénétie (fief électoral de la Ligue du Nord). En Sicile, les deux coalitions sont au coude à coude. C’est également le cas en Lombardie, région la plus peuplée du pays avec neuf millions d’habitants, qui fait office d’« Ohio » italien : si le centre-gauche y triomphe, il obtiendra alors la majorité absolue au Sénat (déjà acquise à la Chambre des représentants), condition nécessaire pour mettre en œuvre son programme de croissance et d’équité sociale.

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