A la suite de la démission du président du Conseil Mario Monti, les élections législatives italiennes ont été anticipées de deux mois : elles se tiendront les 24 et 25 février 2013. Les sondages ne semblent plus aussi favorables à la coalition de centre-gauche menée par Pier Luigi Bersani, le gagnant des primaires.
C’est une accélération de l’histoire politique italienne qui s’est produite ces dernières semaines, rendant d’autant plus flagrant le contraste avec les années du « berlusconisme » dominant, marquées par la confusion, l’immobilisme de la vie politique et la lente dégradation du pays.
Une accélération qui commence à l’automne dernier. De septembre à novembre 2012, les « primaires » internes à la coalition de centre-gauche conduite par le Parti Démocrate (PD) ont passionné les citoyens italiens, rappelant en cela ce que la France avait connu un an auparavant lors des primaires organisées par le Parti socialiste. Le Parti Démocrate est sorti renforcé et plus uni de ces élections, qui ont vu s’imposer, sans conteste, son secrétaire général Pier Luigi Bersani. La coalition de centre-gauche envisageait alors sereinement les échéances électorales du printemps suivant.
Les élections législatives n’auront pourtant pas lieu en avril-mai 2013 comme initialement prévu, mais deux mois avant, les dimanche 24 et lundi 25 février. Et, paradoxalement, cette accélération du calendrier est un revers pour ceux qui l’ont provoquée. En effet, le parti du Peuple de la Liberté (PdL – le parti de Silvio Berlusconi) a retiré à la mi-décembre 2013 son soutien au gouvernement de Mario Monti, en place depuis que le même Berlusconi, débordé par la crise économique et financière, avait démissionné début novembre 2011. Le PdL croyait pouvoir quitter Mario Monti sans provoquer sa chute immédiate, afin de bénéficier, pendant les quatre mois précédant les législatives, d’une position d’opposant qui aurait permis à Silvio Berlusconi de dérouler la propagande électorale populiste dont il s’est fait une spécialité. C’était sans compter sur la réaction de Mario Monti, professeur d’économie à l’Université Bocconi, qui a préféré démissionner plutôt que d’offrir un quelconque avantage stratégique au Cavaliere.
Le PdL a joué les offensés, se disant « trahi » par Mario Monti dont il estimait pouvoir contrôler chaque mouvement sous prétexte qu’il était le parti d’au moins 60 % des membres du gouvernement d’union nationale – en proportion de son nombre de parlementaires écrasant – alors que le PD n’en pesait que 30 % et le « troisième pôle centriste » (l’équivalent du courant centriste français autour des personnalités de François Bayrou ou Jean-Louis Borloo) 10 %. Mais Mario Monti ne s’est pas laissé impressionner, lassé qu’il était de ces douze mois passés à prendre des décisions conformes au bon vouloir de Silvio Berlusconi, même quand elles étaient contraires à ses propres convictions. En démissionnant, il a accéléré la fin de la législature.
Décidé à ne pas en rester là, Mario Monti a par ailleurs commencé à regrouper autour de sa personne un nouveau centre-droit, en vue de récupérer les déçus du berlusconisme. Un objectif a priori à portée de main, puisque le Vatican, le patronat et le PPE (Parti populaire européen) semblaient disposés à prendre leurs distances avec le PdL et ses alliés, faisant naître l’espoir que puisse exister un parti italien de centre-droit plus proche de l’UMP française ou de la CDU allemande que des partis de la droite colombienne ou thaïlandaise. Par ailleurs, la corruption évidente, la vulgarité, l’arrogance des « leghistes » et des berlusconistes amenaient leurs anciens électeurs à les quitter au profit de l’acteur comique Grillo (l’équivalent d’un Coluche, en moins drôle), à la tête du mouvement populiste dit des « Cinq étoiles », présent seulement sur internet.
La réalité de la vie politique italienne a pourtant vite rattrapé Mario Monti, contraint de revoir sa méthode. Loin d’être à l’origine de la naissance d’un nouveau parti de centre-droit, Marion Monti a dû composer avec un, voire deux petits partis appartenant déjà au troisième pôle centriste. Il a dû se battre comme un chiffonnier, et dans la douleur, pour constituer les listes de candidats. Il a dû se conformer au langage sommaire et grossier des chaînes de télévision italiennes « formatées » par des années de berlusconisme. Le Professeur n’est pas, comme le général de Gaulle a pu l’être, capable d’imposer ses conditions sur la base de son histoire politique personnelle, puisqu’il n’a pas d’histoire politique ; il est rapidement poussé à l’erreur. S’exprimant sur ses relations avec le PdL, il n’a pas caché le mépris qu’il lui portait et a été rapidement contraint d’admettre qu’il ne pourrait gouverner le pays qu’avec l’appui du Parti Démocrate… Or il est impossible de ne pas voir les contradictions profondes qui existent entre les positions de son mouvement et celles défendues par la coalition de centre-gauche.
Une bien belle occasion pour Silvio Berlusconi de rechanter le refrain d’il y a vingt ans, et dans sa bouche le Professeur est aussitôt devenu « communiste », comme Pier Luigi Bersani. Le refrain semble encore fonctionner, puisque les sondages des dernières semaines enregistrent les progrès réguliers du PdL.
Le Parti Démocrate doit donc batailler pour arriver au pouvoir, afin que l’Italie puisse être gouvernée avec cohérence, par des hommes et des femmes déterminés à faire triompher les idéaux progressistes. Une solide majorité de centre-gauche au Parlement permettra d’apporter le soutien nécessaire à l’exécutif dans sa lutte pour la croissance et l’emploi. L’Etat italien, actuellement endetté à hauteur de 2000 milliards d’euros, a besoin de dirigeants capables de rationaliser les dépenses et d’enrayer l’évasion fiscale, afin de dégager les ressources indispensables au redressement de l’économie.
Nous croyons qu’il est possible d’arrêter le déclin économique, civil et moral de notre pays, pour mieux contribuer à la fédération des peuples d’Europe. Ce rêve d’unité, qui se concrétise depuis des années déjà entre la France et l’Italie (comme le disait Lino Ventura, « pour moi c’est un seul pays, de Lille à Palerme »), doit faire l’objet de tous nos efforts.