Dans son ouvrage Hussardes noires : des enseignantes à l’avant-garde des luttes. De l’affaire Dreyfus à la Grande Guerre (Agone, coll. « Mémoires sociales », 2024), Mélanie Fabre fait découvrir quatre parcours de femmes qui, de l’Affaire Dreyfus à la Grande Guerre, ont exercé leur métier d’enseignante tout en ayant un engagement actif dans la société française. Ces intellectuelles illustrent l’émergence d’un premier féminisme en France au cours de la Belle Époque. L’autrice en parle dans un entretien avec Benoît Kermoal, directeur général du Centre Henri-Aigueperse de l’UNSA Éducation.
À part peut être Pauline Kergomard, qui est connue dans l’histoire de l’éducation pour avoir joué un rôle majeur dans la création de l’école maternelle, Marie Baertschi, Jeanne Desparmet-Ruello, Albertine Eidenschenk ont laissé peu de traces jusqu’à aujourd’hui. Elles ont pourtant saisi les nouvelles opportunités qui s’offrent à elles dans l’institution scolaire. Enseignantes, directrices d’école, inspectrices, ces rares élues n’entendent pas toutes se contenter du rôle subalterne dans lequel on voudrait les cantonner. Liberté, égalité, fraternité : elles prennent la République au mot, et s’engagent pleinement lors de l’Affaire Dreyfus. Dans les salles de classe, les universités populaires, les revues ou sur les estrades des réunions publiques, elles font entendre leur voix. Indociles et combatives, elles défendent leur idéal d’une école émancipatrice, imaginent de nouveaux rapports entre les sexes et entre les nations. Ainsi inventent-elles, malgré les réticences et les résistances, une nouvelle figure : l’intellectuelle.
En retraçant la vie de ces quelques pionnières oubliées, en les remplaçant dans ces premières années de la Troisième République jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, Mélanie Fabre et Benoît Kermoal évoquent dans cet entretien toute une génération de femmes engagées dans un triple combat : pour une école démocratique, pour l’instruction laïque et pour l’émancipation des femmes.