Il n’y a plus un seul et même chemin vers le monde du travail – des études au salariat – et la place des jeunes sur le marché du travail doit être pensée à travers une nouvelle culture de l’intermittence. À l’occasion du 1er mai, Jean Viard dresse un tableau de l’évolution de la place du travail dans nos sociétés, et propose des pistes pour que, cinquante ans après 1968, une politique d’autonomie de la jeunesse devienne un enjeu de société, et de démocratisation, essentiel.
Place du travail dans le temps disponible
Dans les pays occidentaux, en 1900, on vivait environ 500 000 heures. On travaillait 200 000 heures et on en dormait autant. Il restait donc 100 000 heures pour apprendre, se distraire, aimer, militer, mourir… Un siècle plus tard, on vit 700 000 heures, et même si on a gagné 40% de temps de vie, on dort toujours environ 200 000 heures, car nos nuits sont plus courtes de près de trois heures. On travaille 67 000 heures (si on compte quarante-deux ans d’activité à trente-cinq heures par semaine hors congés payés). Donc, si vous ajoutez 30 000 heures d’études (bac + 3), il vous reste environ 400 000 heures pour faire autre chose. Quatre fois plus de temps « libre » que nos arrière-grands-parents !
Nous vivons donc une immense révolution du temps, fruit des luttes sociales qui ont mis en place la journée de huit heures, le week-end, l’alternance travail-vacances, fruit aussi, bien sûr, de la retraite rémunérée, de la Sécu, etc. À comparer aux 300 000 heures vécues en moyenne par un contemporain de Jésus-Christ. Ces chiffres sont certes discutables dans le détail, mais ils donnent la trame de la révolution que nous vivons : 14% du temps de vie éveillé consacré au travail aujourd’hui, contre 40% en 1936. Et 70% sous Napoléon !
Mais si le temps disponible a été multiplié par quatre, le marché du temps disponible a, lui, été multiplié par dix. Livres, films, loisirs, équipements sportifs, voyages, véhicules divers et variés… Il y a pléthore de biens de consommation destinés à remplir le temps libre. À la dernière rentrée littéraire, on a vu sortir 567 romans en une semaine ! Et cette abondance se déploie même au niveau de la vie intime : Meetic et autre Tinder ont créé un marché du sexe qui décuple, centuple les possibilités de rencontres.
Nous réalisons donc beaucoup de choses. Nous développons le syndrome du multitâche : il faut téléphoner en conduisant, additionner les activités périscolaires des enfants, déjeuner rapidement… L’accélération et la productivité du moindre moment de nos vies sont devenues des enjeux essentiels, du moins pour la majorité d’entre nous. Ensuite, face à la multiplication des biens disponibles et à la possibilité d’avoir ou de faire, c’est la multiplication des activités que nous ne ferons jamais que nous retenons en premier ! Effectivement, si nous faisons et consommons de plus en plus, la masse de ce que nous ne ferons pas et ne consommerons pas augmente, elle, beaucoup plus vite encore. Pensons à tous ces films que nous ne verrons pas, aux livres que nous ne lirons pas, aux matchs que nous ne verrons pas, aux voyages que nous ne ferons pas, aux rencontres que nous ne vivrons pas… Finalement, dans cette société de vie longue (et de travail court), chacun est convaincu d’avoir moins de temps et de vivre moins bien que les générations précédentes, car nos frustrations augmentent plus vite que nos satisfactions. C’est pourquoi les sociétés de services se multiplient pour nous faire gagner du temps – livraison de repas à domicile, magasins de bricolage offrant des services grâce à des technologies de plus en plus simples et de plus en plus pensées pour les femmes, croissance d’Amazon, vélo, trottinette et auto électriques en libre-service en ville… Ouverture des magasins de plus en plus en continu, y compris le dimanche matin et la nuit…
Par ailleurs, une des conséquences, inattendue mais bien réelle, de l’allongement de nos durées de vie, c’est le zapping : plus la vie est longue, plus on va la vivre par séquences courtes. Car vivre quatre-vingt-cinq ans la même chose n’est pas désirable. Hier, encore après-guerre, on espérait que les enfants soient installés avant de mourir. Aujourd’hui, on a une deuxième vie après leur départ. À tout âge, on peut tout recommencer : changer de région, de conjoint, d’activités sportives ou culturelles, de travail (même si la pression du chômage nous bloque souvent), voire de valeurs et de convictions politiques. Ici aussi, les chiffres le disent : un CDI dure onze ans en moyenne contre environ huit ans il y a trente ans, mais plus de 80% des embauches se font en CDD court et un mariage sur deux en Île-de-France se termine par un divorce au bout de cinq ans.
Paradoxalement, plus cette vie instable est longue, plus nous transmettons un message culturel quasi séculaire. Pour une raison simple : nous voyons dorénavant cohabiter quatre générations, et non plus trois comme dans les sociétés traditionnelles. Résultat : nous transmettons à nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants la culture de nos arrière-grands-parents, leurs valeurs, leurs préférences culturelles, leur religion… D’où des tensions d’autant plus fortes que, depuis dix à quinze ans, la révolution du temps libre s’est conjuguée avec la révolution numérique qui modifie nos modes de vie à une vitesse jamais rencontrée dans le passé. Je donne toujours deux chiffres dans mes analyses : 60% des bébés naissent hors mariage en France (et même 68% des premiers-nés), ce qui signifie que la société est complètement sortie de ses cadres historiques. Et en même temps, on compte plus de cartes SIM dans l’Hexagone que d’habitants ! Alors que la planète abrite quatre milliards de personnes connectées par Internet et que six milliards de téléphones portables ont été vendus dans le monde.
Pris entre ces deux mouvements – des vies de plus en plus discontinues et la rapidité induite par le monde numérique –, les individus ont de quoi être désorientés. Le problème est que nous n’avons pas fini de construire un modèle politique pour cette société-là. Personne n’a envie de ne rien faire. Ainsi, le moteur de notre société est le temps – et la vitesse.
Dans les sociétés traditionnelles, le moteur était l’espace : agrandir son champ, agrandir la France… Cette volonté du territoire portait les sociétés. Le temps – donc la mort – était laissé aux prêtres et aux philosophes. Le mot « repos » au sens où nous l’entendons aujourd’hui n’est apparu que vers 1860. Auparavant, la notion de repos était le repos éternel. Et si on ne travaillait pas un jour par semaine, vendredi, samedi ou dimanche, ce n’était pas pour se reposer, mais pour se consacrer à Dieu. L’idée même de retraite n’existait pas : c’est une invention des Anglais à la fin du XIXe siècle. Jadis, les personnes âgées continuaient à faire des « petits boulots » comme donner à manger aux poules, garder les enfants, etc. Aujourd’hui, l’espace étant entièrement connu, la seule chose qu’il nous reste à conquérir, c’est du temps. Le temps des vies complètes, comme le disait Jean Fourastié, est la nouvelle aventure de l’homme.
Sortir de la mono-identité du travail
Hier, pour la majorité des gens, l’identité se confondait avec leur travail, et l’essentiel des liens sociaux, en dehors de la cellule familiale, était dans l’espace professionnel et public – la terre, l’usine, le commerce, l’école et la maison du peuple pour les uns, l’église pour les autres. Aujourd’hui, avec moins de 10% du temps d’une vie consacré au travail, nos identités sont multiples : nous sommes toujours boulanger ou banquier, mais aussi marathonien, danseur de tango, soutien d’une Amap, marié puis divorcé, et finalement prof de yoga… Car, bien sûr, dans une vie longue, les individus changent de parcours et leurs appartenances évoluent.
Surtout, si le travail demeure un marqueur social fort, très important en matière de créativité, de rémunération, de statut, etc., il n’est plus le « tout ». Quand 90% du temps vécu n’est pas voué au travail, cela veut dire que les liens interpersonnels, privés, de voisinage, d’engagements, ont pris le pas sur les liens sociaux. Alors, plus le temps est long, plus il est à soi. Notre modernité, c’est la privatisation individuelle du temps. Aussi, souvent, la préoccupation première du salarié – surtout les jeunes – est que son travail ne nuise pas à ses autres activités et que son salaire soit suffisant pour lui permettre la vie privée dont il a rêvé. Ce nouveau rapport au travail n’est pas un refus du travail, mais la défense de sa vie personnelle. 10% du temps ne peut pas en écraser 90% !
Le hors-travail non seulement, alors, structure notre travail et notre créativité, mais l’autoproduction domestique tient une place de plus en plus forte dans nos revenus et nos liens, nous intégrant dans un modèle social de plus en plus collaboratif. Jardiner, préparer un repas, repasser, écrire, participer à un conseil d’école, débattre dans un cercle d’amis physique ou numérique, s’informer, organiser un voyage grâce à Internet, manifester, faire du conseil, se faire élire, se dévouer pour une association, voyager, sortir, déménager, divorcer, étudier la fiche Wikipédia d’un créateur dont on a entendu parler, réviser ses connaissances dans un domaine oublié grâce à Internet, noter ses professeurs, les services publics ou ses élus, sur un site d’évaluation…, toutes ces activités et bien d’autres prennent et prendront de plus en plus de place. Cette course au temps individuel long et multiusage va se poursuivre, car elle est la vie même. La question est celle de sa démocratisation et de la gestion des passages et des ruptures. La CFDT appelle cela la politique du « sac à dos social ».
Reprendre pouvoir sur son temps
La révolution des sociétés de temps libre puis la révolution numérique ont été si rapides que nous avons été submergés. Il faut donc apprendre aujourd’hui, et dès l’enfance, à ne pas faire : à ne pas passer un temps immodéré sur ton téléphone et sur les écrans, à ne pas inscrire les enfants à trois activités périscolaires, à ne pas écouter les informations à certaines périodes… Regardez le succès de la marche, du yoga, de l’érotisme (on a, en un siècle, multiplié par quatre ou cinq nos relations intimes sur une vie) : n’est-ce pas des contre-attaques formidables pour retrouver le contrôle de son temps, surtout de son temps le plus intime ?
En outre, ajoutons que, dans l’ensemble, le travail aujourd’hui est moins fatigant physiquement qu’en 1900. Il est, par contre, souvent plus intense, beaucoup plus stressant et beaucoup plus vide de liens interpersonnels. Surtout, avec le développement des outils numériques, la porosité entre le temps de travail et le temps personnel, dans les deux sens, est devenue très forte. Source de pression supplémentaire, ce lien en continu avec le numérique appelle régulation. Le droit à la déconnexion est en train de se mettre en place. Y compris dans les conventions collectives.
Dernier point : il faut réfléchir individuellement, et collectivement, à mettre en place des formes d’arythmie, car au sein de notre société de l’accélération, c’est le pouvoir sur le temps qui donne le sentiment de liberté. Sur ce plan, la mise en place des trente-cinq heures – excellente mesure si l’on pense emploi des couples – n’a pas toujours été une réussite, surtout pour les ouvriers. Des journées de sept heures et demie, ou même des vacances en plus, ne donnent pas un vrai pouvoir sur son temps. La liberté est d’aller au cinéma à 15 heures un jeudi, de prendre son lundi pour aller cueillir des prunes ou pour tout autre projet. Le grand sujet, aujourd’hui, ce n’est plus le quantitatif : on s’est battu et on a obtenu les quarante heures, les trente-neuf heures, les trente-cinq heures. Le grand sujet, c’est la faculté de choisir l’usage de son temps. Au quotidien, mais aussi sur le temps long. Les pistes de réflexion sont nombreuses : pourquoi ne pas développer le droit de prendre une année sabbatique à quarante-cinq ans, le droit de prendre trois mois pour se remettre après un licenciement difficile ou un divorce ? Favoriser les pauses voyage et formation ? Mettre en place d’autres organisations de la vie professionnelle : travailler plus longtemps, mais huit mois sur douze, ou deux années sur trois, ou travailler trente-cinq heures sur quatre jours…
Après-guerre, une vie réussie, c’était une triple stabilité : mariage, propriété (ou HLM), CDI. Métro-boulot-dodo… Aujourd’hui, on est dans un modèle de discontinuité et de mobilité qui donne un sentiment extraordinaire de liberté. Mais la question reste : qui choisit et qui subit ? Qui choisit de se séparer, de quitter son travail, son conjoint ? Qui choisit de déménager ? Qui choisit l’organisation de son temps de travail ?
Il me semble que la réflexion politique sur ce sujet important n’est pas mûre. L’objectif, trop souvent, reste de donner aux plus fragiles une vie stable. Bien sûr, il faut trouver des moyens de protéger les personnes démunies, mais faut-il leur imposer un modèle qui n’est plus le modèle dominant dans notre société ?
D’autant plus que, dans cette société du temps libre, le hors-travail structure le travail comme jamais, car, pour rester productifs, nous devons nous renouveler de plus en plus vite et de plus en plus souvent. Résultat : l’absence de vacances et de voyages, la déconnexion du Net, l’exclusion des pratiques de loisirs et de culture sont des causes de l’exclusion du marché du travail presque aussi importantes que l’absence d’études ou d’expériences. Les vrais exclus du monde moderne sont les exclus d’un temps libre riche, et ils sont nombreux.
Seuls 60% des Français, par exemple, partent en vacances tous les ans. Seulement 16% des Français sont inscrits dans une bibliothèque, moins de 3% sont entrés dans un théâtre « scène nationale », 10% ont assisté à un concert en 2018. Mais 42 millions de Français sont allés dans les deux mille cinémas que compte l’Hexagone, et 78% d’internautes ont consommé des biens culturels par Internet. Il y a donc d’énormes inégalités dans les pratiques culturelles et de loisir. Or, de plus en plus, la richesse du hors-travail structure la productivité du travail et structure nos capacités à l’adaptation tout au long de la vie. Ce modèle de vie de discontinuité et de mobilité est-il si désiré par la majorité des Français ? Cette nouvelle temporalité est-elle subie ?
Je ne crois pas, car elle est enrichissante et nous libère de multiples contraintes et routines. Les chiffres le disent clairement. Non seulement les 60% de bébés nés hors mariage – libre choix de chacun –, mais un sondage réalisé par le Crédoc en 2017 pour le magazine Notre Temps montre que près de un Français sur deux déclare vouloir déménager au moment de sa retraite. Une enquête de Cadremploi de l’été 2018 révèle que 84% des cadres franciliens envisagent de quitter la région parisienne pour s’installer ailleurs en France, dont 70% dans les trois ans qui viennent… Évidemment, tous ne le feront pas, mais l’envie est là. Mieux, selon un sondage Ipsos pour M6 au printemps 2018, 80% des Français rêvent de changer de vie ! Il y a encore cinquante ans, on rêvait de « changer la vie » et le monde, aujourd’hui on cherche à « changer de vie ». Peut-être parce que le monde change bien assez vite. On est en train d’inventer des modèles de révolutions personnelles, bien plus que des modèles de révolutions politiques.
En outre, cette discontinuité de nos parcours de vie n’est pas aussi anxiogène qu’on le dit souvent : un sondage Elabe de février 2018 a montré que 73% des Français se déclarent heureux – chiffre constant depuis vingt ans –, en pleine crise des « gilets jaunes ». Par contre, 60% se disent inquiets de l’avenir du monde : c’est le commun qui est en crise, pas l’individu. En fait, la vie discontinue est meilleure, plus agréable, plus désirable que la vie stable, mais nous n’en avons pas encore complètement pris conscience. Elle génère un intense sentiment de liberté. Mais elle est plus difficile à atteindre dans les milieux populaires.
Dans cette société de vie longue et de travail court, nous menons des aventures individuelles par séquences et ruptures. La discontinuité est devenue la règle. En effet, plus la vie est longue, plus on la vit par séquences brèves, car on peut retenter sa chance à tout moment – en amour, en logement, en emploi, en convictions… L’ancienne stabilité – CDI, mariage, propriété, vote – se transforme en aventures, étapes, discontinuité. Mais comment ceux qui vivent protégés dans l’ancien modèle de la stabilité peuvent-ils découvrir qu’ils pourraient vivre mieux dans le modèle des discontinuités choisies ? C’est une question que l’on pourrait se poser à propos des salariés de la SNCF ou de la fonction publique. Mais encore : est-il possible de protéger des individus mobiles avec des lois et des cultures syndicales issues de luttes séculaires pour la stabilité ? Comment faire en sorte que cette instabilité ne soit pas vécue comme une insécurité, mais au contraire comme une promesse d’émancipation ?
Devenir adulte en société mobile
Devenir adulte aujourd’hui n’est donc plus avoir acquis les trois stabilités de nos parents. Devenir adulte va être d’accéder à cette société de discontinuité, d’instabilité choisie, de compétences en matière de mutation, de rupture et de redémarrage. Quand j’étais étudiant, on disait : « Il y a deux vies d’adulte ». Il y a la première vie d’adulte où tu montres à tes parents que tu es adulte par un double rite initiatique : gagner ta vie, te reproduire. Et puis, il y a la deuxième vie d’adulte après la mort des parents. Aujourd’hui, on perd ses parents à soixante-trois ans et l’âge moyen d’accueil du premier bébé est de trente ans et trois mois. Les équilibres anciens sont donc bousculés.
Pour l’emploi, l’Insee précise que « les salariés de moins de vingt-cinq ans occupent rarement des emplois en CDI (44,9%), ils sont plus fréquemment apprentis (16,3%), en CDD (31,1%) ou en intérim (7,8%). À ces âges-là, ce sont en effet surtout les jeunes peu diplômés ou ceux suivant un cursus professionnel qui sont présents sur le marché du travail », les autres étant encore étudiants. Camille Peugny, sociologue à l’université de Paris 8, précise que vingt-neuf ans est l’âge moyen du premier CDI. Autrement dit, c’est autour de trente ans que la plupart des jeunes deviennent adultes, au sens où ils lient travail plus stable et enfant, et la jeunesse peut être définie comme une catégorie sociale qui aujourd’hui dure dix ans de plus. Cet allongement de l’âge jeune n’est-il pas, tout simplement, le chemin d’entrée logique dans une société de plus en plus complexe où il ne suffit pas d’apprendre un savoir de base pour se mettre au travail, ou en couple, mais où il faut aussi apprendre le changement et la gestion des discontinuités, dans un monde devenu mobile et imprévisible même à très court terme ? La question qu’il faut se poser est donc : comment devient-on adulte dans une société aussi complexe ?
La jeunesse est une catégorie sociale et politique construite peu à peu dans l’après-guerre. 1968 fut son triomphe. Aujourd’hui, en France, on peut dire qu’on a ajouté dix ans à l’âge jeune en cinquante ans. Mais entre seize et vingt-six-trente ans, on a une période d’apprentissage qui n’a ni statut ni revenu.
Partons de l’idée que, de seize à vingt-six-trente ans, on est en devenir adulte des quatre apprentissages fondamentaux – études, travail, mobilités, amours. Certains vont les faire suivant l’ordre classique : études, amours et voyages, travail. D’autres vont décrocher tôt de l’école : aidons-les à voyager. À faire du bénévolat, du sport… Ils reviendront apprendre plus tard. Évitons aussi les études trop longues sans périodes de salariat, car s’il faut apprendre des connaissances et du savoir apprendre, il faut aussi du savoir être. Pensons le désordre des âges comme la marque d’une société de la discontinuité et de l’aventure. Et rappelons-nous comment les emplois jeunes mis en place sous Lionel Jospin avaient apaisé la société française, tant le chômage des jeunes est vécu comme une profonde injustice aussi bien par eux-mêmes que par leurs parents et grands-parents.
Mais si l’allongement constant du temps des quatre apprentissages fondateurs prolonge l’âge de la jeunesse jusqu’à environ vingt-six-trente ans, la démocratisation des moyens de ces quatre apprentissages est un enjeu majeur délaissé. Notre vision de l’éducation classique doit ici être profondément revisitée. Le temps d’un vrai statut pour les jeunes, cinquante ans après Mai 68, est venu.
On pourrait :
- créer des allocations sur projet pour tous les jeunes entre seize et vingt-huit ans. En instituant pour les jeunes entre seize et vingt-huit ans une période d’apprentissage des autonomies (éducation choisie, travail, voyage, amour) avec un revenu pour tous, soit universel avec diminution de 50% quand il est accompagné d’un revenu salarial, soit sur projet, par exemple, en primant les activités que l’on désire démocratiser et favoriser. Une bourse salariale qui prime le salaire gagné pour deux jours de travail hebdomadaire maximum (sur le modèle des APL) ou un logement en cité U gratuit pour un jeune étudiant salarié au maximum deux jours par semaine, ou une bourse voyage (une seule fois, de cinq mille euros) sur tout projet de voyage d’une durée de six mois à travers le monde…
- en outre, chaque jeune devrait pouvoir travailler pour trois mille euros annuels déclarés, mais sans charges, comme en Belgique, pour généraliser la culture du salariat et du service en parallèle des études, et non après.
- Le montant de ces premières mesures est bien sûr à étudier, mais elles viendraient se substituer à des ressources aujourd’hui dévolues aux familles, des bourses, et permettraient de faire baisser le coût du service dans de nombreuses activités liées à la personne et au tourisme. Les jeunes pourraient être autonomes fiscalement dès seize ans et, dès seize ans, on devrait pouvoir passer un permis de conduire à la campagne. La logique doit en outre être poussée jusqu’au bout en termes de droits : compte tenu de l’âge de la majorité sexuelle, de celui ouvrant le droit de travailler (et l’obligation associée de déclarer / payer des impôts), il est temps d’avancer le droit de vote à seize ans. Les jeunes n’ont jamais été aussi instruits et informés qu’aujourd’hui, disposant ainsi d’un bagage dont la plupart des personnes majeures en 1974 (avec passage de vingt-et-un à dix-huit ans) étaient dépourvues. Quelle est cette société qui voit des jeunes travailler et payer des impôts sans avoir le droit de s’intéresser au débat public et de désigner leurs représentants ? Les demandes de participation et les multiples instances de démocratie participative déployées au plan local (conseil des enfants, conseils de la jeunesse…) démontrent cette appétence et cette capacité de tous à prendre part à la prise de décision publique. Ajoutons que la sensibilisation des jeunes à la question du réchauffement climatique montre qu’ils ont « des droits » sur leur avenir.
- Enfin, je crois important d’instituer un voyage de dix jours en France pour les jeunes de seize ans afin que chacun découvre la mobilité et connaisse les hauts lieux symboliques de notre pays (place de la Bastille, Champs-Élysées, Verdun, Saint-Denis, Grande Mosquée de Paris, synagogue de Carpentras, Mont Blanc, Méditerranée et Bretagne, Saclay…). En somme, être français, c’est connaître la France. Et apprendre le voyage, c’est déjà faire un pas vers le marché du travail. On pourrait décider que ce rôle d’intégration par le voyage et le parcours du sol de la patrie ouvre le nouveau service militaire obligatoire, rite généralisé et commun. Le voyage Erasmus en Europe devant faire partie plus tard des apprentissages fondateurs pour tous les niveaux de formations.
Ces mesures doivent être universelles même si, dans la réalité, elles vont d’abord transformer la vie des quartiers populaires et des jeunes ruraux. Une universalité au nom d’une règle commune qui rassemble la jeunesse et donne confiance à leurs parents.
Il faut généraliser les quatre apprentissages du monde. Les gens les plus employables sont ceux qui ont mélangé voyage, études et travail. Il ne faut pas garder les chemins d’hier, ni répondre au décrochage scolaire par du raccrochage, mais faire une politique du voyage, du sport, de l’engagement associatif.
De même, tous les étudiants devraient travailler un à deux jours par semaine ou au moins un mois par an. Ce devrait être une condition obligatoire pour avoir une bourse ou une chambre en cité U. Les études sont devenues trop longues pour qu’on apprenne les codes du travail à la sortie des études. D’autant qu’entre 1968 et 2018, nous sommes passés de 600 000 à 3 millions d’étudiants.
Je plaide donc pour que ce groupe central, âgé de seize à vingt-six ans, bénéficie d’un équivalent de revenu universel indexé, au fond, sur une part de revenu propre. Cela recrée une unité – le voyage étant intégré au projet – et, surtout, cela permet de vivre la décennie d’accès à l’autonomie avec une multitude d’expériences et de rencontres.
Imaginons des jeunes qui travaillent pendant un semestre, s’en vont six mois en Amérique latine avec 400 à 600 euros par mois, reviennent, repartent, apprennent à parler espagnol et portugais tout en ayant vu la pauvreté extrême. Je rêve également que le ministre de la Culture porte cette politique, car la France est le premier livre que doivent lire les jeunes. Une jeunesse qui voyage et qui profite des cités universitaires vides l’été, ce n’est pas beaucoup de dépenses. Le Pass culture de 500 euros pourrait servir à cela, le service national aussi. La nation n’est pas qu’un concept, c’est un territoire, un corps spatial sur lequel il faut recréer de l’égalité.
Pour atteindre ces quatre apprentissages, il n’y a pas d’ordre. Un jeune en décrochage scolaire peut voyager, un étudiant peut passer par le salariat, un voyage en groupe peut favoriser l’amour. Il faut penser un projet du devenir-adulte qui soit celui de la société où nous sommes entrés, et non un projet pour la société d’hier. L’intégration dans la société par le travail qui découlerait lui-même des études n’est plus qu’un modèle parmi d’autres.
Et il faut aussi se demander combien, parmi les 500 000 jeunes des « quartiers » que l’on considère comme « peu occupés », vivent de trafics divers, dont celui de la drogue, ou de la prostitution. Une étude réalisée en 2016 par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice évoque 236 000 équivalents temps plein, et 1,1 milliard de chiffre d’affaires rien que pour le haschich. Sans TVA ni charges sociales ou impôts. Environ trois milliards pour l’ensemble des drogues, avec plus de 10% des Français qui sont consommateurs. 48% des Français ont déjà fumé du haschich. Ces estimations sont imprécises ; les Italiens estiment, eux, leur consommation à quatorze milliards, les Anglais, à cinq milliards. Autrement dit, nous sommes face à une économie employeuse bien plus puissante que les politiques publiques. Et une économie qui initie la jeunesse la plus fragile au travail, à l’irrégularité, à l’organisation.
Le temps de la prohibition est terminé. Celui de la régulation commence. 51% des Français y sont d’ailleurs favorables d’après une étude de Terra Nova de juin 2018. Il y a là, pour « les quartiers », un levier de développement considérable dont on fait un frein et, souvent, une voie vers le terrorisme. Il faut faire disparaître la peur des quartiers, la nôtre et celle de leurs habitants, mettre fin à cette guerre des gangs qui tue tant de jeunes et bloque tout développement. Acceptons que les jeunes qui travaillent pour ces trafics sont dans une forme « d’apprentissage » à intégrer dans un projet global pour la jeunesse.
Les entreprises, les « nouveaux passeurs » ?
L’enjeu qui se pose à notre époque est celui d’une nouvelle politique publique et d’une nouvelle perception des âges et des passages, pour répondre au mieux aux aspirations et modes de vie des nouvelles générations, génération de « l’intermittence » (dans le vote, dans les engagements, dans le travail) pour reprendre le terme d’Anne Muxel.
Mais ces réponses ne peuvent se faire sans l’implication des entreprises du privé et des employeurs publics, qui doivent être également en capacité de s’adapter aux nouveaux rythmes de vie, à ce que l’on peut appeler « l’arythmie de la société ». J’observe depuis des années des jeunes qui traversent ces différents stades de la vie.
J’ai pu observer un groupe de jeunes sans le bac, jeunes qui alternent entre six mois de smic, six mois de chômage, un peu de « black », des séjours en Amérique latine. L’un est serveur à Londres, l’autre accumule les CAP. Un autre groupe de jeunes « bourgeois » alterne lui entre études longues, colocations, activités artistiques et engagement politique. Et, bien sûr, je ne perds pas de vue les deux cent mille jeunes qui travaillent dans l’économie de la drogue, jeunes souvent « très jeunes », pour un salaire net proche du smic et ce dans leur quartier. Chacun d’entre eux, dans ces différents groupes, deviendra adulte. Ils finiront par trouver un travail, et fonder une famille.
Certes, la majorité des jeunes font des études, puis des stages ou passent des concours. Mais eux aussi entrent dans la vie active lentement et de manière discontinue. À eux aussi on conseille souvent de ne pas rester en début de carrière trop longtemps dans la même entreprise pour multiplier les expériences et augmenter leurs « employabilités ». C’est l’ère du « bougisme permanent » et de la frustration permanente.
Tous finalement alternent études, salariat, voyage et amour. Tous entrent lentement dans la vie adulte suivant une longue initiation qui débute à dix-huit ans, âge du droit de vote et du « devenir soldat ». Certains se perdent en chemin. Comme dans chaque génération.
Pour tenter de comprendre comment s’adapter à cette nouvelle génération, il est nécessaire de revenir sur deux cas très intéressants que j’ai été amené à observer. D’une part, les enseignes de bricolage qui voulaient ouvrir le soir et le dimanche. Et, d’autre part, le groupe Deliveroo, entreprise britannique de livraison de plats cuisinés.
Le cas d’une société de bricolage
Pour obtenir l’autorisation d’ouvrir le dimanche et le soir en Île-de-France, j’ai été consulté par une grande enseigne de bricolage. J’ai toujours été favorable au repos hebdomadaire légal et j’ai travaillé sur les effets des trente-cinq heures. Ils le savaient, et c’est même pour cela qu’ils m’ont consulté.
En Île-de-France, l’ouverture du soir et du dimanche répond à un double besoin. La possibilité de décharger facilement à son domicile d’abord, puis celle de pouvoir acheter « en couple ». Voire, pour les femmes en particulier, qui sont de plus en plus nombreuses à bricoler, de faire leurs achats le week-end. La question qui m’intéressait était celle des conditions de travail des salariés, en particulier des jeunes qui travaillent sur ces horaires-là.
L’enseigne offre aux jeunes des « contrats-études » de cinq ans. Elle leur propose un contrat pendant cinq ans, où ils travaillent deux jours par semaine et un mois l’été. C’est un contrat qui est calculé sur la durée d’un master. Et cela fonctionne car on a là un contrat de travail avec des souplesses d’emploi du temps. L’idée de lier le contrat et les études permet aussi d’obtenir plus facilement un logement, ce contrat offrant davantage de garanties que peut en avoir un étudiant qui ne travaille pas. On constate d’ailleurs qu’une part minoritaire de ces jeunes fait ensuite carrière dans le groupe, souvent à des postes d’encadrement.
Face à cette situation, on pourrait imaginer que ces jeunes reçoivent un complément de ressource de l’État, sous forme de bourse ou de chambre en cité U pour limiter leurs temps de travail. Car on sait que les étudiants qui réussissent le mieux sont ceux qui travaillent un peu. Ceux qui travaillent trop, à un moment, n’étudient plus, et ceux qui ne travaillent pas du tout, quand ils finissent leurs études, s’intègrent souvent difficilement dans les cultures d’entreprise. Ils sont beaucoup moins employables que les autres, sauf à avoir fait des stages durant leur formation.
Le cas de Deliveroo
Deliveroo est une société de livraison par coursier vélo implanté à Paris et dans les grandes villes en région. 40% à peu près des cyclistes de la flotte sont étudiants. Leur revenu moyen est de 228,50 euros par semaine pour un revenu horaire de 13,25 euros. 77% ont moins de trente ans. Seuls 33% d’entre eux sont là depuis plus d’un an. Ils travaillent en moyenne vingt et une heures semaines. 80% de ceux qui travaillent se disent satisfaits de ce travail ; 72% se disent satisfaits de leurs revenus et plus de 50% des livreurs partent au bout de trois mois.
Le fait de circuler à vélo est un indicateur de satisfaction important pour les livreurs. C’est une activité en bordure entre le travail et le jeu, entre les études et le financement des études. Vous êtes finalement à différentes bordures et, en cela, Deliveroo est une structure innovante et intéressante à regarder.
Ce cas est remarquable. Bien sûr, comme nombre d’activités liées à la révolution numérique et à l’introduction de plateformes d’intermédiation, celle-ci peut engendrer une organisation du travail qui crée de l’émiettement et de la précarité, lorsque le cadre contractuel retenu est peu protecteur. Néanmoins, ceci ouvre également des perspectives qui peuvent faire écho aux besoins collectifs et aux aspirations individuelles. Ainsi les livreurs circulent-ils surtout en horaires décalés – logique, dans cette société du temps continu, qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre – et on s’aperçoit dans les enquêtes internes qu’ils sont satisfaits de cette activité. Le pic d’activité est le vendredi soir, le samedi soir et surtout le dimanche. Mais cette activité et cette satisfaction sont possibles parce que ce travail est essentiellement occasionnel, voire saisonnier. Si l’on pense cette activité comme un projet salarial de vie, elle est impossible. Si c’est un revenu exceptionnel gagnable immédiatement (ce que tendent à démontrer les études internes faites auprès des livreurs), c’est évidemment différent.
On trouve une similitude dans les horaires de travail à travers ces deux exemples : le samedi et le dimanche, sur des horaires décalés. Cela ne signe pas la fin de la semaine de cinq jours, mais l’élargissement des plages d’activité. C’est une adaptation du modèle. Il est important de protéger le week-end parce que cela protège la vie de famille, les relations entre générations et les grandes manifestations collectives (matchs de foot, marathons, etc.) qui construisent une société. Une société, ce n’est pas des individus, ce sont des constructions, et il faut donc protéger cela. Mais il y a en même temps de nouvelles demandes et ce type d’emploi, tout en favorisant l’âge jeune, y répond.
Il y a certainement aussi des jeunes qui sont entre deux emplois. La moitié ne sont pas des étudiants : il serait intéressant de savoir s’ils sont au chômage, s’ils font ça pour s’occuper en plus, si ça leur fait un peu de revenu en plus en attendant de trouver autre chose. Est-ce que ce sont aussi des salariés intermittents qui trouvent là un complément ou un dépannage ?
On pourrait également, pour ce type de structures, envisager un contrat avec l’Éducation nationale pour suivre ces jeunes et les pousser à reprendre des études s’ils ont décroché, à obtenir des bourses également. Les livreurs ont déjà accès à la plateforme Open Classerooms gratuitement. Un système assurantiel a été mis en place pour les livreurs… Il y a là une ligne de réflexion à développer sur ce que ces types d’entreprises pourraient offrir.
Ce qui est certain, c’est qu’une entreprise comme Deliveroo correspond à une partie des aspirations de ses (jeunes) livreurs : horaires flexibles, plein air, sport, autonomie dans le travail. C’est une entreprise qui comprend et que comprend la génération de l’« intermittence » et de la « fin des allégeances ». Tout l’enjeu pour ce type d’entreprise est désormais, pour reprendre nos propositions faites ci-dessus, de devenir des « passeurs », des courroies de transmission pour des jeunes en décrochage scolaire par exemple, afin de leur remettre le pied à l’étrier, ou pour des jeunes en études, afin de les faire basculer dans l’âge adulte.
Innovantes hier, elles peuvent devenir sociales demain, afin de conserver, d’ailleurs, l’image moderne et dynamique dont elles bénéficiaient au moment de leur arrivée sur le marché.
Conclusion
La question du statut des jobs jeunes est à débattre, à négocier, à protéger mais en les pensant ponctuels, discontinus, liés à des études, des voyages, des engagements sociaux. Au fond, ce sont des intermittents du travail ou des intermittents des études. Il faut le penser dans la culture de l’intermittence. Donc, pour le légitimer, il faut le légitimer comme un passage vers l’âge adulte et, à ce moment-là, ce statut peut s’accepter. Mais il faut que ce soit vrai, donc, il faut étudier les trajets de vie des cyclistes et des intermittents du travail : d’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Comment les accompagner ?
Le cas des jeunes des deux entreprises citées est intéressant parce qu’il éclaire un modèle qui est en train de se généraliser dans la société. Mais qui, pour une part, est surexploitation et instabilité insupportable du travail. Mais ces exemples montrent aussi que, intégrée à un cheminement dans l’âge jeune, la perspective change, et les besoins d’accompagnement également.
Ces réflexions sont à incorporer dans la perspective du « sac à dos social » de la CFDT, c’est-à-dire comment on passe, dans les entreprises, des contrats pour des protections qu’on va emporter avec soi. Chaque année travaillée ouvre des droits à la formation, des droits à la santé, etc. On les met dans son sac, et on se déplace avec son sac à dos social.
Autrement dit, entre le jeune en cours d’insertion et le salarié instabilisé, il faut faire la différence. Cette différence vient, bien sûr, des politiques des entreprises qui les font travailler, mais aussi, et peut-être surtout, de la compréhension que l’on a de cette longue jeunesse. Il serait donc opportun d’étudier un statut de la jeunesse qui favorise les quatre apprentissages fondamentaux – études, travail, voyages et amour –, mais en étant ouvert au désordre des étapes qui justement caractérise cette période d’initiation aux sociétés complexes. On pourrait élargir le statut étudiant, y compris ses droits logement et Sécurité sociale, pour tous les jeunes de seize à vingt-six ans pour favoriser leurs embauches puis leurs retours vers des formations ou des projets de découvertes et de voyage. On pourrait faire suivre ces « trajets jeunes » par des assistances sociales dédiées… Les pistes sont multiples mais l’enjeu principal est bien de considérer que, cinquante ans après 1968, une politique d’autonomie de la jeunesse est devenue un enjeu de société, et de démocratisation, essentiel.