Une surprise rose ? Le potentiel de la liste PS-Place publique aux élections européennes

À deux mois des élections européennes du 9 juin prochain, la dynamique de campagne à gauche et au centre se révèle pour l’instant favorable à la liste du Parti socialiste et de Place publique conduite par Raphaël Glucksmann. Théo Verdier, co-directeur de l’Observatoire Europe de la Fondation, fait état dans cette note de plusieurs vecteurs de croissance potentielle pour la liste du député européen. Jusqu’à créer la surprise en terminant deuxième du scrutin ?

La dynamique de la liste Parti socialiste-Place publique

À première vue, on note que la liste du Parti socialiste (PS)-Place publique bénéficie d’un début de dynamique sondagière, atteignant 11,5 à 13 points en mars et en avril selon les enquêtes. Cette croissance est notamment observée dans l’étude du panel électoral réalisé par Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof, Le Monde et l’Institut Montaigne, qui compte près de 12 000 répondants1« Enquête électorale française. Élections européennes », Ipsos pour le Cevipof, Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne, mars 2024.. Les 11,5% d’intentions de vote du PS repose notamment sur un transfert encore limité (0,5 points) des soutiens des listes EE-LV et Renaissance, dont les résultats potentiels stagnent, voire baissent, dans les dernières enquêtes. 

Cette dynamique naissante s’appuie sur une assise transversale de la liste PS dans l’opinion parmi les familles politiques de la gauche et du centre. La liste de Raphaël Glucksmann a l’assise la plus transpartisane de ce champ politique, rassemblant si on se rapporte aux résultats du premier tour de la dernière élection présidentielle près d’un tiers des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (29%) qui comptent aller voter, un cinquième de ceux de Yannick Jadot et 10% de ceux d’Emmanuel Macron. 

Source : Élections européennes, baromètre d’intentions de vote, Harris Interactive pour Challenges, M6 et RTL, mars 2024.

Ce résultat est en partie induit par la dynamique du vote utile de la dernière élection présidentielle : Anne Hidalgo avait vu ses soutiens préférer le candidat insoumis dans les tout derniers jours avant le scrutin241% des sympathisants du Parti socialiste ont voté pour Jean-Luc Mélenchon, contre 14% pour Anne Hidalgo. Ils comptent également parmi les deux familles politiques s’étant décidées le plus tardivement avec les soutiens d’EE-LV (36% des proches du PS ont hésité jusqu’au dernier moment, 41% de ceux d‘EE-LV). Sondage jour du vote, Ifop pour Fiducial, 10 avril 2022.. Il s’appuie toutefois sur l’image positive dont bénéficie Raphaël Glucksmann pour les sympathisants PS et Renaissance, pour qui il est l’un des meilleurs opposants face à Emmanuel Macron et à son gouvernement parmi les personnalités de gauche selon le baromètre politique Ipsos – La Tribune Dimanche.

Le fondateur de Place publique aborde ainsi l’acmé de la campagne des élections européennes dans une dynamique ascendante, notamment auprès du pôle « fédéraliste » que nous décrivions récemment dans une note de la Fondation Jean-Jaurès3Théo Verdier, Les trois familles politiques françaises dans le rapport à l’Union européenne, Fondation Jean-Jaurès, mars 2024.. Cet ensemble composé des soutiens des forces gouvernementales, du PS et d’EE-LV se caractérise par sa volonté commune de voir l’unification européenne se poursuivre, ainsi que par son souhait de voter en fonction d’enjeux européens plutôt que nationaux.

Les thèmes de campagne qui compteront lors des élections européennes

Cette famille naturelle s’entend sur l’approfondissement du projet européen sans pour autant voter en fonction des mêmes thèmes. Dans les thèmes qui les singularisent, les écologistes privilégient la question de la lutte contre les inégalités sociales – 38%, quatrième priorité pour cet électorat, alors qu’elle n’est qu’en douzième position pour l’ensemble des Français. Un sujet sur lequel est à l’aise la liste PS, dont l’eurodéputée et candidate Aurore Lalucq a notamment contribué à lancer l’initiative citoyenne européenne « Tax the Rich » en faveur d’un impôt européen sur les grandes fortunes.

En ce qui concerne les soutiens de la liste portée par Valérie Hayer, ils entendent à date se prononcer en fonction de la guerre en Ukraine (première priorité selon eux, quatrième pour l’ensemble des Français), sujet sur lequel le député Raphaël Glucksmann a été le plus vocal depuis le début de sa campagne. Ainsi que sur le thème de la démocratie en Europe (quatrième priorité, treizième pour l’ensemble des Français), qui constitue également une zone de confort politique pour le fondateur de Place publique, qui a notamment présidé la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques au Parlement européen.

Source : Élections européennes, baromètre d’intentions de vote, Harris Interactive pour Challenges, M6 et RTL, mars 2024.

À ce stade, la campagne se caractérise par son ouverture. La moitié des électeurs potentiels des listes EE-LV et PS estiment que leur choix peut encore changer. Un tiers pour les soutiens de la liste Renaissance, du MoDem et d’Horizons. Et surtout, seuls 44% des Français se disent sûrs d’aller voter pour l’instant4Enquête électorale française. Élections européennes, op. cit.. En résulte une zone de flou propice au développement de changements puissants dans le résultat final du scrutin. En 2019, selon Elabe5Sondage « Jour du vote » Elbe pour BFMTV, 26 mai 2019., 42% des Français se sont décidés la semaine du vote. Une tendance encore plus présente à gauche, 44% des soutiens de La France insoumise, 55% de ceux d’EE-LV et 58% de ceux du PS s’étant décidés dans les derniers jours avant de se rendre aux urnes, un quart des électeurs d’EE-LV s’étant décidé le jour même.

Ce phénomène de décision tardive est particulièrement caractéristique du vote des jeunes. Selon l’Ifop6« Européennes 2019 : profil des électeurs et clefs du scrutin », Ifop, 27 mai 2019., en 2019 lors des dernières européennes, 28% des moins de 34 ans se sont décidés le jour du vote, contre 15% du reste des Français. 

À ce titre, Raphaël Glucksmann a construit depuis son élection en 2019 une solide notoriété numérique qui peut aider à convaincre cette cible dans la dernière ligne droite. À gauche et au centre, il est la tête de liste la plus suivie sur les réseaux où il est présent, à commencer par Instagram où il compte 790 000 abonnés, quand Manon Aubry, Marie Toussaint ou encore Valérie Hayer en ont quelques dizaines de milliers ou moins.

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