Supplique à mes amis de gauche : voter « Macron », ce n’est pas voter « pour Macron » !

Michel Debout, membre fondateur de la Fondation Jean-Jaurès, revient sur la nécessité du front républicain pour faire barrage à Marine Le Pen le 24 avril prochain.

Nous sommes, à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, des millions d’électeurs à considérer qu’une fois encore la démocratie est confisquée, en nous obligeant à l’alternative suivante : cinq ans de plus pour Emmanuel Macron, ou cinq ans d’extrême droite !

La tentation est grande de s’abstenir ou de voter nul dans les deux sens du terme : un scrutin nul pour un choix politique lui-même nul.

Beaucoup d’électeurs sont en colère parce qu’on leur impose ce dilemme et que Macron lui-même a tout fait pour installer ce deuxième tour qui prive une majorité de citoyens de gauche de choisir le président ou la présidente qui convient à leur vision sociale, écologique et démocratique.

En 2002 déjà, il y a tout juste vingt ans, 83% des Français se sont convaincus de voter Chirac pour barrer la route à Le Pen (le père) ; mais Chirac, une fois élu président, n’a tenu aucun compte du sens profond de ce vote en sa faveur. Il y a cinq ans, après le second tour de la présidentielle, déjà Macron/ Le Pen (la fille), de très nombreux électeurs se sont sentis floués par la politique présentée comme de gauche et de droite (même écologique par la nomination de Nicolas Hulot comme ministre d’État) alors qu’elle ne fut qu’une politique libérale favorable à la finance et aux riches, anti-écologique, hautaine et distante de peuple !

Après avoir fragilisé une partie de la gauche, Macron a sciemment cassé la droite en favorisant l’émergence médiatique de Zemmour, puis cassé la candidate Pécresse en reprenant à son compte, comme elle l’a elle-même dénoncé, les deux propositions phares de son programme : la retraite à soixante-cinq ans et le travail obligatoire pour les bénéficiaires du RSA. C’est donc bien une politique de droite qui était annoncée par le président sortant avant le premier tour, pour arriver en tête, et qui se concrétise depuis quelques jours par l’alliance Macron/Sarkozy, laissant ainsi les électeurs de gauche, ou simplement démocrates, désemparés.

Lors des élections de 2002 et 2022, c’est le nom de Le Pen lui-même, du père ou de la fille, qui faisait barrage au vote Le Pen. Mais aujourd’hui, c’est peut-être le nom de Macron qui fait barrage au vote pour Macron !

S’en tenir à cette observation, c’est admettre la possible élection de Le Pen qui, en cinq ans – c’est la marque de l’échec le plus retentissant et préoccupant de ce quinquennat –, est passée d’une impossibilité absolue à une réalité envisageable. Il y a vingt ans, et même cinq ans, on pouvait se permettre de voter nul, blanc ou de s’abstenir, car il n’y avait pas de réel danger d’une victoire de l’extrême droite, ce qui n’est plus véritablement le cas aujourd’hui.

Ne pas se servir du bulletin de vote Macron, c’est en fait laisser le choix à d’autres, et ce choix aujourd’hui peut être celui de l’extrême droite.

C’est cette année, plus exactement le 24 avril prochain, qu’il faut empêcher la victoire de Le Pen devenue possible, en utilisant le bulletin de vote Macron qui n’est pas et ne sera pas un choix pour sa politique. Bien plus, la séquence politique ne s’arrêtera pas au second tour de l’élection présidentielle, car le renouvellement de l’Assemblée nationale, qui vote les lois et les budgets de l’État, se fera les 12 et 19 juin prochain. Ce sera l’occasion pour tous les électeurs de se réapproprier la démocratie confisquée par nos institutions, en empêchant le futur président Macron d’obtenir les pleins pouvoirs – comme il y a cinq ans – grâce à un groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, composé par lui et dévoué à lui seul, quelle que soit la politique qu’il engagera, puisqu’après avoir détourné à son profit le projet politique de Pécresse, il essaie aujourd’hui, entre les deux tours, de détourner, en apparence, celui de Mélenchon !

Le rendez-vous politique de la gauche et des démocrates aura bien lieu en juin prochain après que, par le vote Macron le 24 avril, on a ensemble affirmé un non franc et massif à la présidence Le Pen.

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