«Qu’elle ose paraître ce qu’elle est» : c’est par cette invective qu’Edouard Bernstein recommande en 1899 à son parti, le SPD, d’abandonner ses dogmes révolutionnaires pour assumer sa pratique réformiste, ouvrant ainsi le débat révisionniste.
Mars 1899. Edouard Bernstein (1850-1933), ami de Marx et exécuteur testamentaire d’Engels, grande figure de la social-démocratie allemande, jette un pavé dans la mare. Et du congrès de Stuttgart en 1898, qui en voit les premières manifestations, à celui de Bad Godesberg en 1959, où le SPD renonce définitivement à ses ambitions révolutionnaires, la social-démocratie allemande fait l’apprentissage d’une nouvelle approche du socialisme : progressif plus que révolutionnaire, démocratique plus qu’insurrectionnel.
Quelles ont été les répercussions de cette querelle en France ? Alors qu’il est généralement admis que le révisionnisme n’y rencontre aucun écho, que le credo révolutionnaire s’impose aux socialistes français, Emmanuel Jousse montre dans cet ouvrage que les idées de Bernstein passent en France, mais au prix de déformations qui en altèrent considérablement le sens. Entre interprétations et traductions se dessine un révisionnisme à la française, qui constitue un apport fondamental à la définition du socialisme réformiste d’Albert Thomas et de ses partisans avant 1914.
La social-démocratie n’est donc pas une impasse en France, elle est un moyen pour la jeune SFIO de concilier l’idéal socialiste avec le système républicain, l’émancipation des plus modestes avec le bien-être général, l’exigence de justice avec une réalité économique et sociale complexe et changeante.
Cet ouvrage reprend en grande partie le master de recherche mention histoire et théorie du politique soutenu par Emmanuel Jousse à l’Institut d’études politiques de Paris, lauréat du prix de la Fondation Jean-Jaurès 2006.
Emmanuel Jousse, Réviser le marxisme ? D’Édouard Bernstein à Albert Thomas 1896-1914, coll. Des poings et des roses, L’Harmattan, janvier 2008