Alors que l’épidémie due au coronavirus questionne notre modèle économique et sociétal, cette crise et ces épreuves doivent être l’occasion de transformer notre société pour préserver notre humanité et rétablir l’équilibre de notre planète. Pour y parvenir, l’Agenda 2030 est un outil à exploiter, par la concertation et par une prise de conscience collective. C’est ce que proposent Jennifer De Temmerman et Alain Dubois en s’appuyant sur les expertises d’une vingtaine de personnalités ; celles-ci sont à retrouver dans quatre rapports dont le premier, présenté ici, porte sur les enjeux de gouvernance et développement durable.
Retrouvez :
- le deuxième rapport Économie et finances durables (13 novembre 2020)
- le troisième rapport Regards sociétaux pour un avenir durable (19 novembre 2020)
- le quatrième rapport Préservation durable de notre patrimoine naturel (27 novembre 2020)
Table des matières
Préface
Le jour d’après : par où commencer ?
Bettina Laville et de Brice Lalonde
Par où commencer ?
Quelle transformation pour répondre à cette période de basculement ?
Quels chantiers choisir ?
En bref, les propositions
Réfléchir au monde de demain, vers un partenariat global
Charles-Benoît Heidsieck, Luc Bellière
Jouer collectif pour répondre aux défis communs
L’ODD 17 : une nécessité ou une opportunité ?
Trouver chez les autres partenaires une capacité d’action
Quels sont les signes visibles de faire du « jouer collectif » une nouvelle philosophie politique ?
Alors, comment agir aujourd’hui ?
Le bassin montargois, un cas pratique de co-construction entrepreneuriale pour une performance globale
Les ODD pour l’entreprise, pour quoi faire ?
Peut-on appliquer les ODD dans les entreprises agricoles ?
Les ODD : des stratégies internationales et nationales à la mise en œuvre territoriale
Faut-il intégrer l’ensemble des ODD pour parvenir à transformer en profondeur et faire évoluer un projet territorial ou entrepreneurial ?
En bref, les propositions
Nous avons un plan, l’Agenda 2030. Et vous ?
Béatrice Héraud, Vaia Tuuhia
Un peu d’histoire
Comprendre les défis à relever au travers des lunettes ODD
À une crise systémique, réponse systémique
En bref, les propositions
Conclusion
Les coordinateurs :
Jennifer De Temmerman est députée du Nord – 15ème circonscription, membre de la commission des finances à l’Assemblée nationale et de la commission des affaires sociales, de la santé et du développement durable à l’Assemblée, parlementaire du Conseil de l’Europe.
Alain Dubois est président des Acteurs régionaux du développement durable et membre du Comité 21. Il a été secrétaire national des Amis de la Terre (1983-1992), chargé de mission au ministère du Développement durable (1992-2006), conseiller développement durable au cabinet du maire de Valenciennes (2006-2010) et délégué RSE Orange Nord-de-France (2010-2017).
Les intervenants :
Bettina Laville : Conseillère d’État honoraire, directrice de cabinet de Brice Lalonde puis conseillère sur les questions d’environnement auprès de deux Premiers ministres, Pierre Bérégovoy et Lionel Jospin, et du président de la République François Mitterrand, elle a présidé le conseil scientifique des solutions de la COP21. Elle est membre du conseil scientifique de l’Institut Mines-Télécom, présidente fondatrice du Comité 21 et rédactrice de la revue Vraiment Durable.
Brice Lalonde : Brice Lalonde a été candidat à la présidence de la République (1981), ministre de l’Environnement (1988-1992) et maire de Saint-Briac-sur-Mer (1995-2008). Il a été sous-secrétaire de l’ONU chargé de la conférence Rio+20, puis ambassadeur à l’ONU et chargé du climat (2008-2011). Ancien président des Amis de la Terre France dans les années 1970, il est aujourd’hui président de EDEN (Équilibre des énergies) pour la décarbonation de l’économie française.
Charles-Benoît Heidsieck : Diplômé de l’École supérieure de commerce, il est président du Conseil d’orientation du Rameau qu’il a fondé en 2006. Le Rameau est un laboratoire de recherche empirique sur les alliances innovantes au service du bien commun.
Luc Bellière : Ingénieur et docteur en sciences, il est membre du CJD et a fondé en 2008 Ana Bell Group (groupe d’entreprises partagé avec les salariés). Il est président fondateur de Persée 3C (pour l’engagement et la responsabilité sociétales des entreprises, l’économie circulaire, coopérative et collaborative).
Vaïa Tuuhia : Elle est déléguée générale de l’Association 4D, membre du Conseil national pour la solidarité internationale et le développement, membre du collège sur la transition énergétique.
Béatrice Héraud : Elle est rédactrice en chef RSE chez Novethic.
Préface : Remettons ensemble notre monde en question pour mieux construire demain
Jennifer De Temmerman et Alain Dubois
Depuis plusieurs mois, la France, comme la plupart des pays, est soumise au rythme du coronavirus.
La pandémie qui frappe le monde depuis la fin 2019 a bouleversé nos quotidiens. Nos frontières ne sont que constructions chimériques et personne n’est réellement épargné. Partout, les soignants, les forces de l’ordre et de sécurité, toute sorte de personnels auxiliaires souvent « invisibles » sont en première ligne. Les producteurs, les artisans, les transporteurs et les commerçants assurent la continuité de l’approvisionnement. Mais dans quelles conditions ?
Des premières alertes lancées par la Chine en décembre 2019 à la déclaration de pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) début mars 2020, notre société a été ébranlée par l’émergence de cette menace invisible, jusqu’à l’état de confinement comme une parenthèse improbable de nos certitudes. Ce confinement pourrait d’ailleurs être une nouvelle fois imposé, comme en Israël.
Alors que chacun a tenté, depuis, de s’adapter à sa manière, le coronavirus a mis en lumière nos fragilités autant que nos forces. Nous voyons encore aujourd’hui des réseaux d’entraide se créer et l’humanité révéler le meilleur d’elle-même. Mais nous constatons aussi, malheureusement, une fois encore le manque de résilience de notre organisation sociétale et la fragilité de nos modèles économiques et financiers. Nous ne savons pas quand nous en aurons fini avec cette crise.
Pourtant, ce n’est pas la première épidémie à portée internationale. Ces dernières décennies ont été marquées par les virus H1N1, Ebola et Zika, mais la propagation est demeurée relativement restreinte à certains continents et les autorités sanitaires ont souvent réussi à les circonscrire à certaines espèces animales avant la transmission (possible toutefois) à l’homme sur nos territoires. D’autres épidémies nous sont tellement familières qu’elles ne sont plus perçues comme telles (grippe ou sida).
Aussi ces menaces n’ont-elles peut-être pas suffisamment été prises au sérieux comme le suggérait pourtant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2016 à travers la voix de Sílvia Eloïsa Bonet, rapporteure, parlementaire de la principauté d’Andorre : « Certains experts sont convaincus que la prochaine menace de contamination à l’échelle internationale proviendra d’un autre virus, très probablement transmis par voie respiratoire ou aérienne comme le SRAS, et susceptible de se propager sur de grandes distances et plus rapidement, à l’image de la flambée épidémique survenue en République de Corée en mai 2015, avec un schéma comportemental totalement différent de l’épidémie d’Ebola. »
Cet extrait aux accents prophétiques souligne malheureusement une fois encore le manque de crédit accordé par les autorités politiques, et parfois l’opinion publique, à la parole des experts et scientifiques. Il en est de même pour les alertes lancées depuis des décennies au sujet de l’urgence climatique ou, plus récemment, sur la perte de biodiversité.
Le temps semble suspendu, mais il ne s’agit pas de refaire le passé et de s’étendre sur ce qui n’a pas été fait, même si l’on peut le regretter. Il s’agit au contraire de tirer des leçons de ces échecs et de mettre à profit cette situation inédite pour réfléchir au monde de demain.
Si nous ne devions avoir qu’une certitude, ce serait qu’il ne faut surtout pas reprendre la course antérieure. Les scientifiques alertent. Les associations, les organisations syndicales, de nombreuses personnalités multiplient les interventions en ce sens. Nous devons faire bloc face à l’ennemi invisible. Le confinement et son après doivent être mis au profit de la réflexion. Aucune épidémie ne nous prendra notre liberté de penser. Refusons les théories de l’effondrement et du désespoir. Remettons ensemble notre monde en question pour mieux construire demain.
Ce qui est sûr, c’est que cette épidémie met en lumière nos faiblesses : inégalités sociales, territoriales, fragilité de notre système de santé en raison du manque de moyens, fracture numérique, dépendance énergétique ou sanitaire, interdépendance de nos systèmes économiques et de nos appareils de productions, conséquences néfastes de la désindustrialisation.
Elle met aussi en valeur la solidarité des populations au niveau local avec la mise en place de réseaux de couturières pour produire des masques en tissu, ou encore l’organisation autour des sans-abri qui n’ont plus eu de lieu pour s’approvisionner en eau durant le confinement. Au niveau international, on peut noter le don par Taiwan de 10 millions de masques aux pays les plus touchés par la Covid-19.
Cette épidémie questionne notre modèle économique et sociétal. Une fois encore, comme lors de la crise de 2008, nos gouvernements sont obligés de prendre des mesures économiques fortes afin de préserver l’emploi et les entreprises. Pour la première fois, les ministres européens des Finances ont décidé d’activer la clause dérogatoire générale prévue par le Pacte de stabilité et de croissance et qui permet de déroger pendant un temps limité à la célèbre règle de 3% de déficit public et de 60 % de dette publique. Ce qui n’avait jamais été envisagé pour l’urgence écologique alors que les conditions climatiques, les bouleversements de la biodiversité ou encore la déforestation sont identifiés depuis des années comme des facteurs pouvant favoriser l’apparition et accélérer la propagation de potentielles épidémies, capables de mettre à mal l’économie.
Le coronavirus marque une crise dans notre société. L’histoire est jalonnée de crises qui ont accompagné des tournants et qui ont permis l’émergence du pire comme du meilleur. La Révolution française, avec sa part d’horreurs et de vicissitudes, a construit en partie notre modèle démocratique. La Première Guerre mondiale a conduit à une seconde guerre, bien pire. Mais celle-là a donné naissance à de grandes institutions internationales, comme le Conseil de l’Europe, gardien des droits humains sur notre continent, et l’ONU.
Cette crise et ces épreuves doivent être l’occasion pacifique de transformer notre société pour préserver notre humanité et rétablir l’équilibre de notre planète. Pour y parvenir, nous devons profiter de cet outil fabuleux qu’est l’Agenda 2030.
Cela se fera par la concertation et par une prise de conscience collective. De nombreux spécialistes et chercheurs ont déjà commencé à explorer les pistes et à élaborer des plans. De nombreux citoyens, individuellement ou réunis en associations, portent leurs propres propositions et actions quotidiennes. Nous avons souhaité, au travers des « Rendez-vous de la transition », en recueillir quelques-unes pour les rassembler et les mettre en lumière afin qu’elles puissent éclairer nos décideurs et chaque acteur qui voudra bien construire l’avenir.
Les paroles d’experts que nous vous proposons ne traitent pas les sujets de la transformation nécessaire dans son entièreté, mais ils cherchent à éclairer sur des questions essentielles. Puissent-elles vous éclairer et enrichir vos propres retours d’expériences et d’opinion.