Au-delà de la définition formelle de la démocratie – le pouvoir du peuple –, qu’est-ce qu’une démocratie véritable ? Julien Rabachou propose un diagnostic de la pratique politique française et signale qu’elle s’éloigne, malgré les apparences, du sens authentique de la démocratie.
Etymologiquement, la démocratique signifie, comme chacun sait, le pouvoir du peuple. Mais au-delà de cette définition purement formelle, qu’est-ce qui fait une démocratie véritable ? Partant d’une distinction fondamentale entre un sens purement abstrait de la démocratie, renvoyant simplement au système électoral, et un sens concret, renvoyant à l’authentique exercice démocratique impliquant échange d’idées et action publique véritablement commune, Julien Rabachou propose un diagnostic de la pratique politique française et signale qu’elle s’éloigne, malgré les apparences, du sens authentique de la démocratie.
Il y a certes un décalage inévitable entre le modèle théorique qu’est le régime démocratique et la pratique politique réelle, et on pourrait à la limite affirmer qu’il n’existe pas, en ce sens, de démocratie complète. Reste qu’il est possible de dégager, en ce qui concerne la pratique politique française et européenne, une exigence de démocratisation, à rebours du mouvement de présidentialisation (qui tend à donner davantage de pouvoir à un seul homme) et de médiatisation du débat public (débat public qui semble ainsi perdre toute teneur idéologique) que la France connaît actuellement.
Le problème fondamental de toute démocratie tient à la question de la représentation. La taille des nations modernes empêche l’exercice direct du pouvoir par le peuple et exige l’élection de représentants de celui-ci. Au-delà du problème classique de la représentation qu’est l’impossibilité d’une coïncidence absolue entre volonté populaire et action des représentants, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure les citoyens conservent ou non une influence réelle sur les décisions politiques.
Or l’évolution actuelle de la démocratie en France semble se caractériser avant tout par une restriction de l’influence des citoyens. D’un point de vue institutionnel, cette restriction s’explique par la mutation souterraine qu’a constitué le passage au quinquennat ; d’un point de vue sociologique, elle est la résultante d’une conjonction d’évolutions de fond telles que la « peoplisation » du personnel politique ou la réduction de la représentation à l’image privée de toute profondeur dont le « berlusconisme » constitue en Italie la manifestation paroxystique.
Comment retrouver l’exigence démocratique ? L’idée de « démocratie participative », timidement avancée lors de l’élection présidentielle de 2007, doit, sous une forme ou sous une autre, réapparaître et être approfondie. Il s’agit de solliciter en permanence la participation citoyenne aux grands débats, et non pas seulement à l’occasion des grands rendez-vous électoraux. La démocratisation doit apparaître comme une priorité absolue pour notre pays et passer aussi par des changements institutionnels profonds et durables, impliquant de revenir sur l’inversion du calendrier électoral de 2002, voire de remettre en question l’élection présidentielle au suffrage universel.
Aux citoyens de s’intéresser aux affaires de leur pays ; aux représentants de permettre cet engagement. La portée du droit de vote reste virtuelle tant que l’exercice de la citoyenneté reste lui-même abstrait et coupé des décisions politiques concrètes.