En Italie, la course pour les primaires du Partito Democratico voit un sixième candidat entrer en lice : Pippo Civato. Il se veut un représentant du « changement réel ».
Après Laura Puppato, conseillère régionale de la Vénétie, pendant dix ans maire d’une ville arrachée à la Ligue du Nord, c’est au tour de Pippo Civati de se déclarer lui aussi prêt à participer aux primaires du Parti Démocrate (PD). Les candidats déclarés sont donc maintenant au nombre de six. Ils sont divisés en deux groupes : les « anciens » Nichi Vendola, Pier Luigi Bersani et Bruno Tabacci et les « nouveaux » Matteo Renzi, Laura Puppato et Pippo Civati. Politiciens experts contre jeunes rottamatore, « metteurs à la casse ».
Pippo Civati est un compagnon de voyage de Matteo Renzi dans la lutte contre la « caste » et rottamatore de la première heure. Agé de 37 ans comme Matteo Renzi, élu au Conseil régional de Lombardie pour le PD, Pippo Civati est philosophe et fondateur du mouvement « Prochain arrêt Italie ». Si pendant une longue partie de sa carrière il a partagé les thèmes et fait équipe avec Matteo Renzi, il se veut un représentant du « changement réel ». Parce que « Matteo », explique Pippo Civati, « continue de représenter une façon de faire de la politique qui divise alors que nous nous voulons unir ». Certes, on se demande à quoi bon Laura Puppato et lui présentent deux candidatures. Mais il est possible que de ces deux candidatures il n’en demeurera finalement qu’une.
Pippo Civati est connu pour les batailles sur la légalité, les droits civils, l’investissement dans l’énergie verte. Il a été l’un des invités du programme français Personnalités d’avenir du Quai d’Orsay en 2011 à Paris, où il a rencontré Harlem Désir et d’autres dirigeants du Parti socialiste français, se faisant connaître comme un interlocuteur européen de confiance.
La semaine politique a été caractérisée aussi par la « présence / absence » du Cavaliere. Silvio Berlusconi a fait connaître son avis sur Matteo Renzi. « Renzi soutient nos contenus sous la bannière du Parti Démocrate. C’est bien ! S’il gagne, nous gagnerons ! » : presque un endorsement, que toutefois Matteo Renzi renvoie à l’expéditeur en disant que, s’il gagne, « le premier à être mis à la casse sera M. Berlusconi ». Et puis, il promet de ne plus utiliser le mot « démolition » à l’égard des dirigeants de son parti : à la « Fête démocratique » de Florence (la ville dont il est le maire), aux côtés de Walter Veltroni pour la présentation du dernier roman de celui-ci (où Matteo Renzi a dit préférer le Veltroni écrivain au Veltroni politicien !), il promet d’abandonner les tons guerriers de la semaine dernière.
En effet, quelle différence par rapport à son discours d’il y a quatre jours, le 13 septembre dernier, à l’ouverture de sa campagne à Vérone ! Sur le podium, debout sur un grand MAINTENANT !, logo et devise de sa campagne, au cœur de la région des petites et moyennes entreprises mises à dure épreuve par la crise et jusqu’à hier gouvernées par la Ligue du Nord, Matteo Renzi a présenté son équipe en parlant au pluriel : « J’annonce ma candidature, qui est la nôtre, pour guider l’Italie pendant les cinq prochaines années ». « Matteo est l’avenir », avait dit un jeune maire de la région, auparavant fidèle à la ligne du Parti Démocrate et maintenant inscrit dans les rangs des amis de Matteo Renzi, qui recueille de plus en plus de soutiens dans le cœur profond de l’électorat classique du PD.
Matteo Renzi parle de « patriotisme doux », donne un élan vers l’avenir. Et il se peut que les anciens électeurs du Parti aient vu en lui un avenir pour leurs enfants, qu’ils y voient un espoir pour leurs petits-enfants, plutôt que pour eux.
Matteo Renzi ne s’arrête pas là : il est à la recherche des déçus par la droite, subtilise les électeurs à Beppe Grillo, cherche des soutiens parmi les catholiques. Il cite Dante Alighieri, son concitoyen, que refusa le pardon qu’on lui offrait et la possibilité de rentrer à Florence pour garder sa dignité. Promet fidélité au vainqueur des primaires. Mais il ne peut pas s’empêcher de diviser le parti.
Massimo D’Alema, sur la scène d’une autre Fête démocratique, rit sous ses moustaches : « Renzi a dit qu’il nous anéantira tous, en faisant un grand geste de son bras, comme pour balayer quelque chose. Je dis qu’il lui faudra un bras très fort ! ». Rires et applaudissements dans la salle. A Florence, Pier Luigi Bersani, que Matteo Renzi n’a pas voulu rencontrer en considérant qu’il était plus stratégique pour son image de ne pas être vu avec le Premier secrétaire, réaffirme son attachement à la réforme de la loi électorale.
Les mauvaises langues affirment qu’il s’agit de la dernière tentative pour éviter à Pier Luigi Bersani la course des primaires. Se rendre aux urnes avec le système actuel (appelé Porcellum (« cochonnerie ») : proportionnelle sans préférences avec une prime de majorité même avec un seul vote en plus, souhaité par Silvio Berlusconi en 2005 pour assurer sa coalition) signifie réaffirmer la nécessité des primaires pour le centre-gauche pour choisir le leader de la coalition. Mais si la loi électorale est changée, peut-être que la course aux primaires pourrait-elle encore être évitée ?
Les électeurs du Parti Démocrate croient dans les primaires et s’apprêtent à vivre une campagne électorale mouvementée. Mais c’est bien au moment des élections que se présente l’occasion de faire de la vraie politique et de tenter d’offrir une alternative après 25 ans de berlusconisme déchaîné. Et ce bien que le journal La Repubblica continue de définir ces primaires comme « sans identité ».
Sans identité : ces primaires risquent de l’être pour ceux qui ont depuis quelques temps déserté les bureaux de vote. Ce sont les ouvriers des usines comme Fiat ou les travailleurs des mines, l’ancien électorat du Parti communiste qui depuis longtemps ne fait plus de politique du tout.
Le 6 octobre 2012 se tiendra l’assemblée nationale du Parti Démocrate, à Rome, où les règles pour les primaires seront négociées et validées. Après quoi, une date sera annoncée. Mais il faut d’abord penser aux règles, chose qui ne s’annonce pas facile et pour laquelle déjà les comités des candidats sont au travail.