Le 6 octobre prochain, se tiendra à Rome l’Assemblée nationale du Parti démocrate (PD). C’est elle qui décidera d’abord de la tenue ou non des primaires, puis des règles qui les régiront. En attendant, les candidatures continuent à affluer.
Du côté du groupe des réformateurs qui avaient créé le mouvement des jeunes dirigeants, il semblerait que l’on ne parvienne pas à fournir un nom unique. Ainsi, après la candidature de Laura Puppato et celle, encore incertaine, de Giuseppe Civati, Sandro Gozi se déclare maintenant aussi prêt à concourir. Conseiller de Romano Prodi à la Commission européenne pendant de nombreuses années, Sandro Gozi est ensuite élu député sous la bannière du Parti démocrate et devient le responsable des affaires européennes du groupe PD à la Chambre des députés. On lui connaît un vif intérêt et une bonne expertise sur les questions internationales et européennes, un arrière-plan de tradition catholique (en France, il a d’ailleurs dans le passé entretenu, pendant longtemps, des liens étroits avec le MoDem de François Bayrou), une vision réformiste de l’économie et du marché du travail. Il est en somme très proche de Matteo Renzi pour la modernité de ses propositions et de Giuseppe Civati pour sa volonté de renouveler.
Pourtant, cette candidature isolée, lancée sans réelle coordination avec les autres du groupe contre les seniors du Parti, pourrait être de nature à affaiblir le front des rénovateurs. Et elle risquerait même de progressivement renforcer davantage Matteo Renzi qui, dans sa course folle dans les provinces italiennes, continue à connaître un succès croissant : plus de trois mille kilomètres parcourus avec son camping-car et des milliers de personnes présentes à chaque étape, parmi lesquels des jeunes, enthousiastes, des femmes, à nouveau passionnées par la politique, et des militants du PD, fatigués par les batailles internes.
Pier Luigi Bersani, crédité dans les sondages d’un point et demi de moins que Matteo Renzi, a donc du souci à se faire. Mais ce qui inquiète davantage encore son entourage, c’est la question de la liste des électeurs autorisés à s’exprimer aux primaires. Si celles-ci ont effectivement lieu et que les règles qui les régissent sont les mêmes que précédemment, elles seront ouvertes à tous les électeurs, donc même aux électeurs de centre-droit. Pour cette raison, le comité de soutien de Pier Luigi Bersani propose de créer un registre des électeurs (« albo degli elettori ») qui pourrait ensuite être publié, afin de dissuader ceux des électeurs qui ne seraient pas proches du PD. Cette proposition est un message à l’attention de Matteo Renzi : ceux qui voteraient pour ce dernier parmi les électeurs du centre-droit ne le feront pas si leur nom doit par la suite figurer sur le registre du PD. Or Matteo Renzi ne redoute pas ces nouvelles règles qui seront adoptées à Rome le 6 octobre prochain par l’Assemblée du parti et qui seront, probablement, à l’avantage de Pier Luigi Bersani, en garantissant un électorat fidèle et donc proche du Premier secrétaire.
Matteo Renzi continue son voyage. Il s’est assuré les services d’une équipe organisatrice composée de trois jeunes femmes responsables locales du PD dans des communes de la province de Florence et de l’ancien directeur de Mediaset, très habile dans le montage de vidéos. Une équipe qui travaille à plein temps sur le voyage en camping-car et contribue à son succès.
Pendant ce temps, Pier Luigi Bersani dévoile aussi son équipe de campagne. Elle sera également composée de trois jeunes inconnus et pleins d’enthousiasme. Faut-il y voir un signe de nouveauté et d’humilité ? Peut-être. Mais Pier Luigi Bersani met aussi en garde son adversaire : il faut renouveler, certes, mais sans oublier notre histoire et notre mission. « Sans racines, même les nouvelles feuilles meurent en une seule journée », déclare-t-il. Et il ajoute : « C’est le sentiment que je voudrais transmettre à l’ensemble du parti : commencer avec une nouvelle énergie, mais sans que le mécanisme nous éradique. Et lutter ensemble. Parce que l’adversaire nous l’avons déjà : c’est la droite ».
Exactement : la droite. Silvio Berlusconi attaque Mario Monti et Angela Merkel dans un entretien avec Lucia Annunziata, présidente-directrice du Huffington Post Italy, du groupe L’Espresso. Un Berlusconi un peu changé : il a maigri et dit espérer avoir un successeur. Mais il est quand même prêt à se présenter pour une nouvelle compétition avec une stratégie claire : supprimer les impôts et refuser la rigueur de l’Europe. Deux propositions qui sont aujourd’hui invraisemblables, même pour ceux qui ont soutenu Silvio Berlusconi dans le passé. D’autant plus que, maintenant, le gouvernement de la Région du Latium, à majorité de droite, et sa présidente Renata Polverini sont tombés sous le coup d’une scandaleuse affaire impliquant les conseillers des partis de centre-droit qui ont largement profité des fonds régionaux destinés aux activités politiques des différents groupes. Pendant ce temps, le Parlement peine à faire adopter un projet de loi anti-corruption, présenté par le PD et les radicaux, qui, si elle entrait en vigueur, empêcherait la moitié des députés élus du centre-droit de présenter de nouveau leur candidature.
Etant donné l’état de la droite italienne en ce moment, celui qui sera intronisé candidat du centre-gauche a de bonnes chances, à la faveur des élections de 2013, d’être le prochain chef du gouvernement. Un problème demeure : au sein du centre-gauche, il y a ceux qui veulent gagner les voix des électeurs du centre-droit (Matteo Renzi) et ceux qui n’en veulent pas (Pier Luigi Bersani). Or, sans ces voix, il serait difficile d’obtenir une majorité au Parlement. Ce sera le cas tant que la loi électorale ne change pas et, pour l’instant, elle ne change pas.