« Mon Solfé » : rendez-vous avec l’huissier

À la demande de l’Observatoire de la vie politique de la Fondation, des personnalités nous ont livré certains de leurs souvenirs ou de leurs liens avec le « 10 rue de Solférino ». Sébastien Roy, directeur général operationnel du Parti socialiste, n’est pas celui qui a l’antériorité la plus longue à Solférino puisqu’il y entre en 2016, mais il y vécut les tout derniers moments : ceux de l’état des lieux avec le nouveau propriétaire. 

Lorsque mon ami Émeric Bréhier m’a demandé de participer à cette rubrique « Mon Solfé », j’ai hésité. Que raconter ? Je ne suis arrivé à Solférino qu’il y a peu finalement et, avant mon arrivée comme permanent le 25 mai 2016, je n’y étais entré que deux fois sans jamais aller plus loin que le local du service d’ordre. D’abord, j’ai pensé à une anecdote issue de la primaire, à laquelle j’ai beaucoup œuvré. Puis à ce soir de vote du congrès d’Aubervilliers où je tenais le bureau de vote de Solférino, soirée pendant laquelle j’ai fait voter entre autres François Hollande, Bernard Cazeneuve, Pierre Moscovici, et soirée pendant laquelle il n’a plu sur Solférino que durant la période où François Hollande était présent dans le bâtiment. Cet homme a-t-il vraiment un pouvoir sur la pluie ? Je ne tranche pas cette énigme ici mais les faits sont têtus.

Puis les jours de réflexion passant sur ce que j’allais raconter nous rapprochaient de la date où nous devions définitivement quitter les lieux. Partir de Solférino. 

Durant le Conseil national du samedi 13 octobre 2018 à la Bellevilloise, je me dis que finalement je raconterai ici comment avec Frédéric Bonnot, le secrétaire général adjoint du Parti, nous rendrons les clés lundi 15 octobre. Finalement, par un souci de clés et de disponibilité des uns et des autres, nous faisons l’état des lieux comme convenu avec Frédéric lundi 15 octobre à 9h mais la remise des clés et la sortie définitive du bâtiment ne se feront que le lendemain, le mardi 16 donc. Rendez-vous est pris avec M. Seban, l’huissier, et un représentant du nouveau propriétaire pour 12h15. Je sais aussi que Frédéric Bonnot ne pourra être là car il quitte ses fonctions le soir même. Dernier départ du plan social. 

Le 16 octobre 2018, 12h15, je suis arrivé en avance. J’avoue que, après avoir arpenté seul, la veille, le bâtiment dans tous les sens, l’émotion est forte. Je ne voulais pas laisser Frédéric Bonnot faire cela seul. Je me retrouve moi-même dans la situation que je ne lui souhaitais pas. M. Seban et le représentant du propriétaire sont ponctuels. Nous repassons rapidement dans toutes les salles représentant, de par leur architecture et leur décor, un intérêt patrimonial. Tout est en ordre. Ils me posent des questions sur l’histoire du bâtiment. Je répond à leurs interrogations en faisant le tour avec eux et j’ai une pensée pour Michel Bordeloup, permanent historique parti à la retraite juste avant le plan social et qui était le préposé aux visites de Solférino lorsque des camarades montaient à Paris et souhaitaient visiter.

12h30, nous descendons au sous-sol effectuer le relevé des compteurs d’eau, d’électricité et de la CPCU.

12h45, nous procédons enfin à la remise des clés. C’est long et fastidieux. Qui est déjà allé à Solférino sait combien de portes, de recoins et de salles techniques peuvent contenir les 3467 mètres carrés de la vieille bâtisse qui fut la maison commune de tous les socialistes depuis 1980. 

13h09, les deux représentants du nouveau propriétaire ouvrent la grille à M. Seban, l’huissier et moi. Je ne me retourne pas pour jeter un dernier coup d’œil au bâtiment. Je salue les nouveaux occupants. En saluant M. Seban, j’entends la lourde grille se refermer. Il me demande si ça va, si ce n’est pas trop d’émotion. Je répond vite un « ça va, ça va », arborant un sourire de circonstance. Il me le rend. Je sens une vrai empathie, nous nous serrons la main et prenons congés l’un de l’autre. Je me dirige vers la passerelle Léopold Sédar Senghor. Machinalement, je vérifie qu’il n’y a pas de journaliste – pas envie de cette image. Je marche toujours sans me retourner, je vois le jardin des Tuileries qui prend de belles couleurs d’automne. Il fait très beau et chaud, le ciel est azur. J’accélère, le jardin sera un bel endroit pour sentir des larmes couler…

 

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