L’opinion publique européenne et le nucléaire après Fukushima

L’accident nucléaire du 11 mars 2011 à Fukushima marque une étape importante dans l’histoire du nucléaire civil et réactive le débat sur les risques liés à cette technologie. Quelles en ont été les conséquences sur les représentations citoyennes dans les principaux pays européens ?

Le 11 mars 2011, un accident nucléaire de niveau sept se produit à Fukushima, marquant une étape importante dans l’histoire du nucléaire civil et réactivant le débat sur les risques inhérents à cette technologie. Depuis lors, Tchernobyl ne fait plus figure de tragique exception. Et la question de l’acceptation du risque par les populations se pose avec une acuité nouvelle pour l’industrie nucléaire. Quelles ont été les conséquences de Fukushima sur les représentations citoyennes dans les principaux pays européens ? Peut-on véritablement considérer cet accident comme marquant un tournant inédit dans les perceptions relatives à l’énergie nucléaire civile ? L’analyse de Laure Bonneval et Cécile Lacroix-Lanoë se propose de répondre à ces interrogations.
Au lendemain de Fukushima, le premier élément remarquable concernant l’opinion publique européenne est la grande hétérogénéité des représentations et des attentes en matière de politique énergétique. Il est ainsi possible d’opérer une classification assez nette : en France, où le nombre de réacteurs sur le territoire national est parmi les plus élevés au monde, ceux qui soutiennent l’atome sont plus nombreux que ses opposants. C’est le cas aussi, plus étonnamment, au Royaume-Uni. A l’inverse, l’opinion publique allemande est beaucoup plus critique et, en Allemagne comme en Italie, la majorité absolue des personnes interrogées se déclare opposée au recours à l’atome. Tout se passe comme si en France, malgré une hostilité perceptible, l’opinion ne parvenait pas véritablement à imaginer une sortie réaliste du nucléaire.
Si la catastrophe de Fukushima a véritablement provoqué un choc, on ne peut toutefois pas parler de retournement des opinions publiques européennes. Ce dernier semble avoir plutôt réveillé des craintes latentes. Et si l’on constate des différences importantes selon les pays, révélant que les opinions sur le nucléaire sont en grande partie déterminées par les politiques nationales, le rejet de l’énergie nucléaire était déjà ancré dans la population européenne avant l’accident. Mais, ce qui a changé avec la catastrophe de Fukushima n’est pas tant la perception de risques associés à l’énergie nucléaire que la hiérarchie de ces risques. Le terrorisme contre les centrales nucléaires constitue ainsi désormais la première crainte au niveau européen. Le stockage ultime des déchets radioactifs apparaît également comme un facteur de risque important.
Il est donc clair que les craintes liées à la technologie nucléaire existaient bien avant la catastrophe de Fukushima et que l’épisode a plutôt eu tendance à cristalliser des tendances déjà à l’œuvre dans l’opinion. Si la complexité du sujet et ses implications économiques font que les avis restent partagés, l’accident n’a fait que renforcer des positions de l’opinion déjà observables précédemment. En revanche, il n’en va pas de même dans le débat politique français. Ici, chose nouvelle, le débat sur la sortie du nucléaire s’impose sur la scène politique et tous les candidats à l’investiture se trouvent obligés de se prononcer sur le sujet. Le dogme de l’atome, sur lequel la politique énergétique hexagonale s’est fondée depuis l’après-guerre, en sera de toute évidence ébranlé.

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