Le parti social-démocrate allemand (SPD) tenait les 13, 14 et 15 novembre 2013 son congrès national. L’occasion de lancer définitivement la candidature de Martin Schulz comme candidat social-démocrate européen à la tête de la Commission européenne et d’apaiser les tensions internes au parti.
Le congrès a été également l’occasion de valider définitivement au sein du parti la candidature de Martin Schulz comme candidat allemand pour la présidence de la prochaine Commission européenne (97,7 %). À défaut d’autres candidatures dans la famille du Parti socialiste européen, Martin Schulz sera validé avant Noël comme candidat de tous les partis socialistes et sociaux-démocrates européens.
Le SPD avait sorti l’argenterie européenne pour accompagner publiquement cette candidature. En organisant un atelier de travail sur les thématiques européennes précédent le congrès et en permettant aux militants du Parti socialiste européen en Allemagne de discuter directement avec Martin Schulz, le parti souhaitait mettre ses militants en ordre de marche pour les élections européennes de mai prochain.
Cet excellent signal européen qui montre que la thématique européenne au sein du SPD n’est pas uniquement un faire-valoir sympathique ne dissimule cependant aucunement les inquiétudes de la grande partie de la base militante européenne. La candidature de Martin Schulz peut apparaître en définitive comme un choix tout aussi cornélien que la décision d’intégrer un gouvernement de coalition avec les conservateurs, dont immanquablement le plus petit coalisé sortira politiquement perdant. En effet, comment cet opposant européen historique à la politique économique d’austérité d’Angela Merkel pourrait-il incarner de manière crédible la gauche européenne contre la droite que la chancelière allemande incarne au niveau européen, alors que son propre parti serait lui-même dans un gouvernement de coalition avec cette même Merkel ? Cela relève de l’exercice d’équilibrisme, voire, diront les mauvaises langues, d’un peu de schizophrénie.
De ce problème fondamental découle une série incontrôlable d’effets collatéraux et de possibles conséquences funestes pour la famille politique européenne. Comment faire campagne contre une droite qui se prétendra être le parti européen par excellence suite au changement de cap politique impliqué par la grande coalition ? Comment faire comprendre au citoyen européen la différence qui existe entre le Martin Schulz du SPD, partenaire de Merkel, et le Martin Schulz champion de la gauche européenne ? La politique du XXIe siècle n’a-t-elle pas pour principales caractéristiques la transparence et la simplicité ? C’est bien là un point sur lequel Martin Schulz sera immanquablement toujours sur la défensive et toujours questionné.
Par sa verve, son profond et sincère engagement européen, son charisme et l’aura d’homo europeus qui émane de lui, Martin Schulz fait partie de cette nouvelle génération d’hommes et femmes politiques qui ouvrent la voie à l’Europe sociale et pré-fédérale de demain. Cette Europe doit cependant se faire par la conviction dans la clarté. Sans approbation populaire au projet européen et une forme de réaffection de l’idéal de rapprochement des sociétés européennes, il ne se passera jamais rien. Les populismes se nourrissent des réductions simplistes voire mensongères. Ils alimentent cela par l’incapacité des gauches à formuler des messages clairs et adaptés aux évolutions sociétales. Intégrer une grande coalition en critiquant son partenaire national au niveau européen n’aidera certainement pas à la clarté du scrutin européen. Il faudra donc à la famille social-démocrate et socialiste européenne bien du courage ; il faudra aussi toujours considérer avec une saine lucidité que, comme aurait pu le dire Nietzsche, quand on regarde l’abîme, l’abîme nous regarde à son tour.