Lettres sur la laïcité

Cet essai, qui prolonge l’échange épistolaire que Alain Bergounioux et Laurent Bouvet avaient entamé sur le site de Telos, est né d’une conviction : s’il est vain de tenter trouver un « compromis » sur ce qu’est la laïcité, il reste d’une criante utilité d’en parler. La Fondation Jean-Jaurès fait ainsi le pari que le débat public s’enrichira en montrant les points d’accord comme les pierres d’achoppement sur ce sujet brûlant.

Table des matières

La laïcité, trop libérale ?
Alain Bergounioux

La laïcité, un principe républicain avant d’être libéral 
Laurent Bouvet

En même temps… 
Alain Bergounioux

La liberté n’est pas l’apanage du libéralisme
Laurent Bouvet

État républicain 
Alain Bergounioux

Une nouvelle question laïque 
Laurent Bouvet

La laïcité au miroir de l’islam 
Alain Bergounioux

Les auteurs

Alain Bergounioux est administrateur de la Fondation Jean-Jaurès et directeur de La Revue socialiste. Il a été conseiller dans plusieurs cabinetsministériels ; il est membre de l’Observatoire de la laïcité, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale et ancien professeur associé à SciencesPo Paris. Il est notamment l’auteur de L’Ambition et le remords : les socialistes français et le pouvoir (1905-2005), avec Gérard Grunberg (Fayard, 2007), Les Socialistes (Éditions Le Cavalier bleu, 2010), Le Socialisme à l’épreuve du capitalisme, avec Daniel Cohen (Fondation Jean-Jaurès/Fayard, 2012), Léon Blum, le socialisme, la République (FEPS/Fondation Jean-Jaurès, 2016) et Les mots de Mitterrand (Dalloz, 2016).

Laurent Bouvet est titulaire d’un doctorat d’études politiques de l’École des hautes études en sciences sociales et agrégé de science politique. Il est aujourd’hui professeur de science politique à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Ancien secrétaire général de la République des idées en 2001 et 2002, il a également dirigé la collection « Régénération » aux éditions Michalon. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment Le Communautarisme. Mythes et réalités (Lignes de Repères, 2007), Dictionnaire de sciences politiques et sociales (directeur, Sirey, 2010), L’Insécurité culturelle. Sortir du malaise identitaire français (Fayard, 2015) et La nouvelle question laïque. Choisir la voie républicaine (Flammarion, 2019).

Avant-propos

À première vue, la tentative peut sembler vaine. À quoi bon, encore, tenter de trouver un « compromis » sur ce qu’est la laïcité ? Beaucoup ont essayé ; beaucoup ont échoué. La Fondation Jean-Jaurès également, par le passé.

C’est pourquoi cet ouvrage n’est pas une tentative de compromis.

Cet échange épistolaire – inédit à plusieurs égards –, sur une idée originale de Gérard Grunberg et du site Telos, est né d’une conviction : il doit être possible, dans notre pays, de débattre de ce sujet sans véhémence. Il faut pour cela répondre à trois conditions, que cet ouvrage a tenté de respecter.

D’abord, il faut deux intellectuels de renom, légitimes sur ce sujet, qui travaillent, lisent et écrivent sur la laïcité depuis des dizaines d’années : Laurent Bouvet, politologue, professeur de science politique à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, et Alain Bergounioux, historien, membre du Conseil d’administration de la Fondation Jean-Jaurès. Passant de l’histoire à la philosophie et de la politique aux enjeux contemporains, les deux auteurs, en mélangeant les disciplines, font le choix salutaire de se mettre, le temps d’un ouvrage, en marge des querelles passionnées sur la laïcité.

Ensuite, il faut un format qui permette de prendre le temps de naviguer, justement, d’une discipline à l’autre, d’avancer un argument après l’autre. Pour mettre cela en musique, l’échange épistolaire est un formidable instrument, entraînant chacun des auteurs à répondre précisément, sans possibilité de fuir le débat, à la lettre précédente, tout en prenant le soin de pousser ses idées. L’échange épistolaire est une ode au dialogue, qu’il conviendrait d’ailleurs de revaloriser dans nos sociétés de l’immédiateté et de l’anathème.

Enfin, il faut un certain ton, et un certain registre. Un échange courtois, évidemment, que respectent les deux auteurs. Et le registre interrogatif, dont ils font usage pour appréhender les questions complexes que pose le sujet : la laïcité est-elle d’abord définie par le cadre juridique qui découle de la loi de 1905, comme semble le penser Alain Bergounioux ? Ou ses fondements datent-t-ils d’une histoire plus ancienne, plus proche de la Révolution française, faisant de 1905 une partie de l’édifice seulement, comme le suggère Laurent Bouvet ?

Y a-t-il une évolution – positive ou négative – dans l’interprétation qu’on donne à la laïcité depuis un certain nombre d’années ? L’État doit-il promouvoir une société laïque ? Attendons-nous trop de la laïcité, ainsi que le déplore Alain Bergounioux ?

Y a-t-il une « nouvelle question laïque » avec l’islam, s’interroge Laurent Bouvet ? L’État républicain dispose-t-il aujourd’hui de tous les moyens nécessaires pour répondre aux enjeux posés par cette « nouvelle religion », comme le demande Alain Bergounioux ?

En toile de fond de toutes ces questions, celle qui est au cœur de leur échange et de leurs désaccords est celle de la liberté. Car cet échange est d’abord un dialogue entre deux conceptions de la laïcité qui se font face – et que les auteurs assument ici : la laïcité comme une liberté « libérale » pour Alain Bergounioux ; la laïcité comme une liberté « républicaine » pour Laurent Bouvet.

La liberté est en effet le fil rouge de ce dialogue, qui pose en filigrane une question centrale face à la montée de l’individualisme : comment choisir, et peut-on choisir, en somme, entre la liberté du citoyen et la liberté de l’individu ?

Ce qui est passionnant et enrichissant dans cet échange épistolaire, c’est que les deux auteurs semblent d’accord sur le fait que les conflits d’interprétation sur la laïcité ne se refermeront pas. Par ailleurs, ils se rejoignent sur le fait qu’il y a un choix à opérer entre deux conceptions de la liberté s’agissant de la laïcité, libérale ou républicaine, et qu’il est de la liberté de chacun de privilégier l’une ou l’autre pour construire l’espace commun politique.

Car il ne s’agit pas simplement d’un débat théorique. Ce débat, comme le montre l’échange qui suit, a des conséquences concrètes sur la manière dont peuvent s’appréhender les problèmes actuels dans la vie quotidienne des Françaises et des Français.

Ce qui est certain, c’est que les Français sont viscéralement attachés à la laïcité, et qu’ils en font l’un des socles de notre cohésion nationale. Prenant acte de cela, la Fondation Jean-Jaurès fait le pari, à travers cet ouvrage, qu’il est possible d’enrichir le débat public en donnant à voir ces désaccords courtois.

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