Le 19 janvier 1919 porte toutes les ambiguïtés de la République de Weimar et du rôle qu’y joua la social-démocratie allemande. Quelques jours à peine après la répression sanglante de la révolution spartakiste, dont Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht furent les victimes, les élections à l’Assemblée constituante consacrèrent la prééminence du SPD avec 38% des voix, et ouvrirent la voix à l’élection de Friedrich Ebert à la présidence de la République le 11 février. Cent ans après, Emmanuel Jousse revient sur le parcours de Friedrich Ebert, les enjeux de cette période et ses implications ultérieures pour la social-démocratie allemande.
L’élection de Friedrich Ebert concluait logiquement le cycle ouvert par l’abdication de Guillaume II le 9 novembre 1918, mais ce choix n’en constitua pas moins une rupture. Jamais, même pendant la trêve des partis durant la guerre, un social-démocrate n’avait exercé la moindre responsabilité ministérielle. Jamais en Europe – à l’exception si particulière de la Russie bolchevique – un parti de la Deuxième Internationale n’avait exercé la magistrature suprême. Un tel événement rompait donc autant avec l’extériorité du SPD par rapport au Reich wilhelminien – qu’on la décline sous le vocable de « l’attentisme révolutionnaire » ou de la « contre-société » – qu’avec les règles de l’Internationale que le SPD lui-même avait contribué à forger. Mais cette rupture, si riche de promesses, s’alourdissait de graves hypothèques car elle s’opérait dans un contexte de guerre civile, dans laquelle les sociaux-démocrates jouaient le mauvais rôle du philistin réactionnaire.
En raison d’un tel état d’exception, il serait aisé de faire de Friedrich Ebert le responsable d’un pacte faustien que la social-démocratie aurait conclu avec le pouvoir, fatal à la démocratie et au socialisme en Allemagne. Les communistes et l’extrême gauche ne lui pardonnèrent jamais le meurtre de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht le 15 janvier 1919. Les forces hostiles à la République de Weimar n’admirent pas non plus qu’il ait incarné un socialisme devenu enfin compatible avec une Allemagne démocratique, dont il devint le premier président. Ebert ne se faisait aucune illusion sur la tâche écrasante qui l’attendait, écrivant le 6 février 1919 « nous étions au sens propre du terme les liquidateurs judiciaires de l’ancien régime », mais il fait aussi figure de testateur, puisque les choix qu’il trancha dans les mois décisifs qui suivirent l’armistice furent cruciaux pour la République de Weimar, qu’il porta sur les fonts baptismaux.
Revenir sur la trajectoire de Friedrich Ebert, sur les raisons qui l’ont amené à la magistrature suprême et sur les choix qu’il y a fait permet de mieux comprendre les difficultés et les contradictions dans lesquelles la social-démocratie allemande s’est débattue au cours de sa présidence, entre 1919 et 1925. Ces quelques années montrent que le parti, devenu pendant tout le XXe siècle le parangon d’un socialisme assumant le pouvoir, a payé cette expérience au prix fort : celui d’une République.
La social-démocratie au pouvoir
Pour occuper la chancellerie puis la présidence de la République, le choix d’Ebert s’imposait parce qu’il incarnait l’histoire même du SPD, le premier parti d’Allemagne avant la guerre.
Né à Heidelberg le 4 février 1871 dans une famille modeste (son père était maître tailleur), Ebert fit l’essentiel de sa carrière dans le parti dont il gravit tous les échelons. Sellier de profession, il entra au SPD en 1889 et devint responsable syndical, ce qui le condamna à l’itinérance de Hanovre à Kassel, en raison des discriminations et renvois auxquels s’exposaient les militants comme lui. À Brême, où il s’installa en 1891, il devint rédacteur du journal social-démocrate Die Bremer Bürger-Zeitung, tout en tenant une auberge, rapidement transformée en point névralgique d’un réseau où les militants trouvaient conseils et soutiens. Alors que son influence grandissait, Ebert fut élu membre de la municipalité en 1900 et membre de la direction du parti à Brême en 1902. En 1905, il entra au Parteivorstand, l’organe directeur du parti. Désormais autonome, il s’installa à Berlin, fut élu député au Reichstag en 1912. Le 20 septembre 1913, après la mort de Bebel, il fut élu président du SPD conjointement avec le chef du groupe parlementaire Hugo Haase, plutôt favorable à la gauche du parti. Cette ascension, quoique rapide, reflètait en réalité la naissance et les transformations de la social-démocratie elle-même, dont Ebert devint le produit idéal-typique ; importance des milieux syndicaux et de la gestion concrète des questions ouvrières pour l’implantation militante, croissance du parti à partir des mandats locaux et professionnels, bureaucratisation progressive… Ebert n’avait rien d’un doctrinaire, mais tout d’un praticien : il restait étranger aux controverses doctrinales qui agitaient le parti, que ce soit la controverse révisionniste après 1898 ou la relance de l’extrême gauche après 1905. Il ne faut guère se tromper sur le sens du choix du dernier chancelier de Guillaume II, Max de Bade, de nommer de sa propre initiative cet homme à la tête de la chancellerie : il s’agissait de placer au pouvoir le SPD qui avait fait ses armes de gestionnaire et remporté un large soutien populaire avant 1914, et non un fourrier de la révolution.
Mais là s’instaura une première faille dans ce choix apparemment parfait. Lorsque l’Allemagne eut déclaré la guerre à la Russie le 1er août 1914, les sociaux-démocrates s’étaient placés sous le signe du Burgfrieden et avaient voté les crédits de guerre le 4 août. Dans un premier temps, le soutien à l’effort de guerre semblait unanime et la mobilisation fut encouragée par les syndicats, même si, à la différence de leurs camarades français, les socialistes allemands ne furent pas associés au gouvernement. Mais cette unanimité se fissura dès le 2 décembre 1914, lorsque Karl Liebknecht rompit la discipline du parti et refusa de voter les crédits de guerre. Pendant des mois, Ebert s’efforça de maintenir l’unité et de ne pas céder aux vociférations de la droite qui, derrière Eduard David, exigeait l’expulsion de Liebknecht. Mais lorsque Hugo Haase, qui codirigeait le parti, publia avec Eduard Bernstein et Karl Kautsky un article critiquant les buts de guerre allemands le 19 juin 1915, la scission sembla inéluctable. Les députés hostiles à la guerre constituèrent leur propre groupe parlementaire et en avril 1917 fut fondé le Unabhängige Sozialdemokratische Parti Deutschlands (USPD). Ebert, resté à la tête de la majorité, joua le jeu de l’union sacrée pour obtenir des avancées sociales significatives et devint l’une des grandes figures de la réunion des groupes parlementaires avec les catholiques du Zentrum et les libéraux du Fortschrittspartei, qui s’efforcèrent d’obtenir la démocratisation de l’Empire. Tous étaient convaincus que la défaite inéluctable imposerait de profonds changements constitutionnels, et un accord fut même trouvé le 28 octobre 1918 par le Reichstag, exigeant la suppression du régime électoral censitaire en Prusse et concédant la participation du SPD au gouvernement du Reich. Une course de vitesse s’engagea alors pour obtenir l’abdication de Guillaume II, alors que l’insurrection menaçait ; et c’est devant l’urgence de la situation que Max de Bade finit par abandonner la chancellerie. Il n’en reste pas moins qu’en novembre 1918, le SPD était toujours divisé. Ebert apparut comme le meilleur choix possible pour sauvegarder ce qui pouvait l’être, sans tourner le dos aux revendications populaires, mais il se trouvait pris en étau entre ceux qui l’accusaient de trahir l’Allemagne en soldant les comptes de l’Empire et ceux qui l’accusaient de trahir la Révolution mondiale en assumant ses dettes.
Le choix de la démocratie
Friedrich Ebert et la social-démocratie qu’il incarnait furent donc sur la corde raide en 1918. Leur souhait aurait été de remplacer pacifiquement l’Empire monarchique et autoritaire par une démocratie parlementaire, mais le parcours semblait semé d’embûches au moment de l’armistice. Depuis fin octobre, des mutineries éclataient dans les ports militaires. À Kiel, des conseils d’ouvriers et de soldats prirent le pouvoir, imités les 7 et 8 novembre à Munich où les Wittelsbach prirent la route de l’exil, et où Kurt Eisner proclama la République. Le régime impérial s’effondra alors que se constituèrent spontanément des conseils de soldats et d’ouvriers, qui s’occupèrent davantage de gérer au jour le jour les immenses difficultés soulevées par la défaite que d’organiser une insurrection. Moins d’un an après la révolution bolchevique, la menace d’une spirale révolutionnaire semblait réelle et Ebert s’efforça avant tout de maintenir l’équilibre de l’Allemagne pour qu’elle soit en position de négocier la paix. Avant même de constituer un gouvernement, il tenta de trouver un accord avec l’administration, et surtout avec l’état-major, pourtant loin d’être favorable à la social-démocratie. Mais il s’entendit avec Groener, second de Hindenburg : en échange de son soutien au nouveau régime, le général obtint l’obéissance des troupes à leurs chefs, le maintien des règles du service et la continuité de l’approvisionnement. Un tel accord semblait essentiel pour assurer l’avenir de la République, mais il introduisit une ambiguïté fondamentale sur le rôle tenu par l’armée dans l’Allemagne républicaine : celle-ci ne se comporterait pas comme la subordonnée du gouvernement démocratique, mais comme un pouvoir parallèle qui pourrait – ou voudrait – soutenir les autorités légales. Cette ambiguïté pesa particulièrement lourd après les négociations et la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919, qui associa Ebert et la République au diktat de la défaite.
Que faire des aspirations révolutionnaires qui semblaient déborder en Allemagne ? Le 10 novembre, les deux fractions du SPD – majoritaires et indépendants – s’entendirent pour constituer un gouvernement provisoire de six membres, sous la direction conjointe d’Ebert et de Haase. Le 12 novembre, il proclama tirer sa légitimité de la révolution et vouloir réaliser le programme socialiste. Officiellement, Ebert n’était plus chancelier, mais sa prééminence semblait incontestable. Ce Conseil des commissaires du peuple n’avait cependant pas de légitimité démocratique, mais cette fiction fut nécessaire pour parer au plus urgent : calmer les aspirations populaires en garantissant les droits fondamentaux, la journée de huit heures, le suffrage universel et direct – y compris pour les femmes. La priorité d’Ebert fut de donner une base légale au nouveau régime, d’autant plus que les indépendants se divisèrent : le 11 novembre, le lendemain de la formation du Conseil des commissaires du peuple, la ligue spartakiste que Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht avaient fondé en janvier 1916 s’affranchit définitivement de l’USPD. Ils radicalisèrent les aspirations ouvrières en exigeant la socialisation de l’économie et la fondation d’une république révolutionnaire sur la base des conseils d’ouvriers et de soldats. Pour stopper la dynamique insurrectionnelle, il fallut convoquer au plus vite une Assemblée constituante. Pour l’extrême gauche, l’échéance dut être repoussée pour mieux organiser le travail de propagande et faire des conseils d’ouvriers et de soldats les fondements d’un nouvel ordre révolutionnaire. Finalement, le congrès national des conseils, supposé exprimer les attentes populaires, se réunit le 15 décembre 1918 et fixa les élections au 19 janvier 1919. La Ligue spartakiste et l’extrême gauche n’entendirent pas s’avouer vaincus : ils fondèrent le KPD le 31 décembre 1918 et saisirent la première occasion pour allumer l’insurrection. Celle-ci ne se fit guère attendre. Le préfet de police de Berlin, Eichhorn, très apprécié des conseils de soldats et d’ouvriers, fut destitué le 5 janvier. L’insurrection fit rage jusqu’au 12 janvier, avant la répression féroce menée par le ministre de la Guerre, le social-démocrate Gustav Noske, qui fit plus d’un millier de victimes, dont Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Les élections à l’Assemblée constituante, élue le 19 janvier, donna à la social-démocratie 38% des voix, Ebert devint président de la République le 11 février, et Scheidemann chancelier. La social-démocratie avait préservé l’ordre à la veille d’un scrutin essentiel à la légitimité de la nouvelle république, mais au prix d’une rupture profonde et durable avec l’extrême gauche. Contre la surenchère révolutionnaire, Ebert fit donc le choix de la légalité républicaine et prit parti pour une répression brutale de la révolution.
Le choix du parlementarisme obligea Ebert à ménager les alliances avec les partis et les groupes qui, bien que non socialistes, étaient essentiels à la survie de la République, en particulier le Zentrum et les libéraux du parti démocrate allemand. Beaucoup de militants attendirent du nouveau régime qu’il entamât un programme ambitieux de réformes. Les accords passés le 15 novembre 1918 entre Carl Legien, le chef du syndicat ADGB et Hugo Stinnes, chef du patronat allemand, avaient permis d’éviter les nationalisations en échange de la journée de huit heures, et de la reconnaissance des syndicats. Mais les projets de nationalisation ne furent guère poursuivis et, dès le 4 février 1920, une loi ôta aux conseils d’entreprises chargés de la concertation tout rôle d’orientation. Par la suite, le contexte politique troublé et la crise économique qui déboucha sur une hyperinflation bloquèrent les initiatives sociales. Les attentes ouvrières furent donc déçues alors que l’agitation entretenue par le parti communiste ne faiblissait pas. La grève générale gagna la Ruhr et Berlin en mars, la Bavière devint une république rouge en avril 1919. Ebert et Noske choisirent de s’appuyer sur l’armée pour réprimer les insurrections et installèrent une méfiance réciproque et durable avec la classe ouvrière. Celle-ci trouva une autre expression dans le parti communiste, qui réunit 10% des suffrages aux élections législatives à partir de 1924, et qui concurrença sérieusement la social-démocratie jusqu’à la fin de la République en 1933. Mais loin de rester la garante de l’ordre, l’armée elle-même devint une menace, en particulier lorsque le gouvernement accepta la dissolution des corps francs, entraînant la tentative de putsch organisée par Wolfgang Kapp et le général von Lüttwitz en mars 1920. L’armée refusant de mettre fin à cette tentative de coup d’État, Ebert et le gouvernement se réfugièrent à Dresde puis à Stuttgart, avant qu’une grève générale dans toute l’Allemagne ne sonne la fin de l’aventure. Le jeu de bascule, par lequel Ebert et son gouvernement s’efforcèrent de préserver l’ordre en Allemagne, contribua à radicaliser les oppositions et à creuser le fossé entre le président et les organisations ouvrières dont il était pourtant issu. Les élections de 1920 marquèrent le désaveu dont le SPD fut frappé après ces mois troublés, puisque le parti passa de 38% à 22% des voix ; dorénavant le parti refusa de participer aux gouvernements successifs.
Le premier président de la République de Weimar
De sorte que, peu à peu, Ebert se campa au-dessus des partis, symbole de la reconstruction de l’Allemagne. Il déclara ainsi : « je veux agir et j’agirai en tant que chargé de mission par le peuple allemand tout entier, et non comme chef d’un seul parti ». Le choix de Friedrich Ebert, dans un régime à l’orientation présidentielle, conféra une place centrale au chef de l’État dans l’Allemagne politique de Weimar, à la fois par son rôle constitutionnel et par sa pratique du pouvoir, au point que certains, comme le député USPD Oskar Cohn, mirent en accusation une « monarchie républicaine ».
De fait, le président du Reich, élu pour sept ans, occupait une place dominante dans la Constitution de Weimar. Son détenteur représentait l’Allemagne sur le plan international, promulguait les lois et les traités, nommait les fonctionnaires et dirigeait l’armée. Il nommait le chancelier et les ministres, sans être obligé de recueillir l’assentiment du Reichstag ni même consulter les partis dominants. Il était simplement tenu de nommer une personnalité susceptible d’obtenir le soutien d’une majorité parlementaire. Mais comme les élections législatives étaient basées sur un scrutin proportionnel et que les partis étaient considérablement émiettés, il devint très difficile de constituer une majorité stable. Ainsi, le président, dont le rôle d’initiative fut particulièrement important, devint un garant de la stabilité du régime alors que les changements de gouvernement furent fréquents. De plus, ses prérogatives en cas d’exception étaient très étendues : il pouvait ainsi autoriser le chancelier à gouverner par décrets-lois sans l’aval du Reichstag, recourir à la force et suspendre l’exercice des droits fondamentaux lorsque l’ordre public était menacé. Ainsi, le rôle du président, bien qu’encadré par la constitution, pouvait prendre une dimension particulièrement importante en fonction de sa personnalité et des circonstances. Et dans les premières années de la République de Weimar, l’une et l’autre firent d’Ebert une personnalité marquante. Le premier chancelier nommé par Ebert fut Scheidemann, son adversaire politique mais aussi son second au sein du conseil des commissaires du peuple. Une hiérarchie tacite, déjà confirmée par la pratique, se reproduisit donc une fois la constitution votée et donna la prééminence à Ebert. Et les circonstances exceptionnelles, celles de l’insurrection ouvrière, celles des corps francs, mais aussi la crise économique, donnèrent à la figure du président une stabilité qui n’existait pas dans les autres sphères de la vie publique allemande.
C’est surtout le style personnel qu’Ebert donna à la présidence qui justifiait cette critique aux yeux des contemporains. Ebert considérait en effet que sa position et les circonstances très particulières de la naissance de la République de Weimar lui donnaient des responsabilités particulières, comme de satisfaire une partie des revendications sociales-démocrates (il déclara ainsi être « issu du milieu ouvrier… élevé dans le monde des idées socialistes », et assimila son élection à « la très grande importance de la classe ouvrière pour les tâches de l’avenir »), ou de préserver la coalition qui avait fondé le régime. Ebert s’informait soigneusement de toutes les questions en cours, en constituant un appareil de techniciens. Une information aussi précise lui permis d’exercer son influence en nourrissant des contacts directs avec les ministres ou leurs cabinets. Quoi qu’il en soit, Ebert n’essaya jamais de constituer un cabinet secret, circuit parallèle aux canaux officiels : il entendait rester le symbole d’une Allemagne unie et démocratique.
Et c’est précisément à ce titre qu’il fut attaqué, autant par l’extrême gauche communiste que par la droite conservatrice ou nationaliste. Rarement président aura été aussi conspué que Friedrich Ebert : les caricatures le représentaient en maillot de bain rouge, en empereur « Frédéric le Gros » trônant avec un parapluie en guise de sceptre et une pomme en guise de globe… Le président du Reich s’efforçait à la fois de défendre son honneur personnel et de préserver la dignité de sa fonction, et intenta 173 procès en diffamation. L’un d’eux, tenu à Magdeburg en décembre 1924, visa un journal ayant accusé Ebert de haute trahison en soutenant les grèves ouvrières de janvier 1918, conduisant à l’arrêt de la production d’armes. Le tribunal conclut à la culpabilité pénale du président du Reich et limita la condamnation du diffamateur à trois mois de prison avec sursis. Les attaques furent violentes et Ebert dut se tenir prêt à intervenir en tant que témoin, ce qui le força finalement à repousser une opération de l’appendicite à laquelle il succomba le 28 février 1925.
La présidence de Friedrich Ebert montre donc les difficultés que traversa la social-démocratie allemande dans les années qui suivirent la guerre, alors qu’elle était considérée comme le parti le plus populaire d’Allemagne. Elle dut trancher des dilemmes parfois cornéliens, sacrifier la révolution pour sauvegarder la démocratie, immoler la réforme sociale pour garantir l’ordre et l’unité allemandes. Les choix réalisés par le premier président de la République de Weimar montrent que le pragmatisme et le légalisme du SPD, si souvent prisés comme des modèles, ont d’abord été les réponses partielles, urgentes, improvisées, face à une situation dramatique imposée du dehors.