À l’approche de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre, la commissaire européenne en charge de l’Égalité Helena Dalli livre son analyse dans une tribune en partenariat avec la Fondation européenne d’études progressistes (FEPS). Elle revient sur la proposition législative sur la lutte et la prévention des violences basées sur le genre et des violences conjugales que présentera la Commission, la première du genre.
L’un des obstacles à la lutte contre les violences basées sur le genre réside dans le fait qu’elles ne sont pas encore pleinement comprises comme un problème de société, une partie importante de la population européenne continuant de penser que cette violence est essentiellement un problème relevant de la sphère privée. Cela a des répercussions sur les victimes, qui peuvent choisir de ne pas parler et de ne pas signaler les faits de violence, ou qui, lorsqu’elles le font, peuvent même être blâmées pour cela.
Bien trop souvent, on reproche aux victimes l’existence d’un supposé élément déclencheur, que ce soit dans leur comportement ou leur tenue, comme si leurs agresseurs agissaient de la sorte pour une raison justifiable. Ce glissement de perspective n’est pas rare. En effet, 27 % des citoyens européens estiment que les rapports sexuels non consentis peuvent être justifiés dans certaines situations. Or, un rapport sexuel non consenti est un viol.
Il ne peut jamais y avoir de justification aux violences basées sur le genre et à la violence conjugale. Accroître la compréhension de la société à ce sujet est un défi, car ces « justifications » peuvent être profondément ancrées dans notre culture. Ainsi, certains chefs-d’œuvre de l’art et de la littérature, respectivement, nous compromettent par la beauté que dépeint le récit d’une tentative de viol.
Il suffit de penser au mythe de Daphné et Apollon. Dans la version d’Ovide, le dieu est touché par la flèche de Cupidon et est excusé parce qu’il ne peut s’empêcher de « tomber amoureux » de la nymphe. La version d’Ovide dépeint une Daphné effrayée, fuyant Apollon qui la poursuit. Si Daphné est sauvée de l’agression de sa forme humaine, elle n’en est pas moins contrainte au silence et réduite à l’état d’objet pour satisfaire le désir d’Apollon.
Pour changer les sociétés et combattre les idées fausses sur les violences basées sur le genre, il convient de promouvoir une éducation dès le plus jeune âge, y compris une éducation complète à la sexualité, et d’investir dans une politique publique de « tolérance zéro à la violence ». Les mouvements sociaux, tels que #MeToo, se sont révélés être de véritables forces du changement.
Ce mouvement a aidé des millions de femmes à trouver le courage de se lever et de s’exprimer. De son côté, la Commission européenne s’efforce de susciter une prise de conscience plus large par le biais de campagnes telles que #SayNoStopVAW et la campagne UNiTE, pilotée par les Nations unies. L’attention accrue dont les violences basées sur le genre font aujourd’hui l’objet n’a que trop tardé et doit être suivie d’un large éventail de changements.
Les hommes doivent être beaucoup plus nombreux à participer à cet effort. Ce n’est qu’avec la contribution de tous que nous parviendrons à transformer le discours. Il est tout aussi important de s’engager auprès des auteurs de ces violences, notamment pour les empêcher de récidiver. L’adoption de la bonne approche est ici cruciale. Les programmes destinés aux auteurs de violences doivent offrir une éducation plus large sur les violences basées sur le genre et leurs impacts, et limiter l’intervention à un traitement médical pour des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale.
Lorsqu’il s’agit de protéger les victimes, notre devoir est de prévenir la victimisation secondaire, qui est elle-même le résultat d’une mauvaise compréhension des violences basées sur le genre. Chaque État membre de l’UE doit investir davantage dans la formation des professionnels, y compris des juges, des services de police et des travailleurs sociaux, notamment pour qu’ils puissent poser les bonnes questions et identifier les bonnes pistes.
Le Réseau européen de formation judiciaire se voit attribuer onze millions d’euros du budget de l’UE par an et a organisé par le passé des séminaires sur le genre et la violence conjugale, sur l’exploitation sexuelle dans le cadre de la traite des êtres humains ainsi que sur les droits des victimes dans les cas de violences contre les femmes et les enfants.
Notre compréhension des violences basées sur le genre doit également tenir compte des nouvelles technologies. D’après une enquête réalisée par Plan international en 2020, 58 % des filles ont déjà été victimes de harcèlement en ligne, et 50 % ont déclaré qu’elles subissaient davantage de harcèlement en ligne que dans la rue, des chiffres qui n’ont fait qu’augmenter ces dernières années. La pandémie et les confinements successifs ont poussé beaucoup d’entre nous à se tourner vers Internet et ont mis en lumière le fait que nos réalités numériques doivent elles aussi faire partie d’un environnement en ligne sûr.
Les violences basées sur le genre peuvent se produire et se produisent n’importe où, que ce soit au travail, à l’école, dans la rue ou en ligne. Elles affectent la santé et le bien-être des personnes qui en sont victimes et limitent leurs possibilités de s’épanouir dans la société. Ces violences basées sur le genre ne sont ni une fatalité ni un élément inhérent à une culture et doivent donc être évitées. Pour les éliminer complètement, il convient dans un premier temps de les reconnaître pour ce qu’elles sont. C’est ce que fera la Commission européenne avec sa première proposition législative sur la lutte et la prévention des violences basées sur le genre et des violences conjugales.
À l’approche de cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, vous pouvez vous aussi contribuer à la lutte contre les violences basées sur le genre.
Faites preuve de vigilance face à ce problème, parlez-en dans votre entourage. Défendez votre point de vue contre ce type de violences. Nous avons besoin du soutien de tous pour lutter contre ce fléau.
La version originale en anglais est disponible sur le site de la Fondation européenne d’études progressistes (FEPS) ici.