Relations entre les deux pays, perceptions réciproques, relations politiques et économiques, avenir de l’Europe : tous les résultats de la grande enquête franco-allemande lancée par Radio France et les analyses des experts rassemblés dans un livret bilingue et ludique. Jean-Louis Bianco apporte son éclairage pour la Fondation Jean-Jaurès.
Un même désir d’Europe
L’enquête analysée par Sabine von Oppeln est passionnante, même si elle est en pratique adressée plutôt aux élites. Ainsi, l’adhésion inconditionnelle à l’euro est sans aucun doute beaucoup moins partagée chez les citoyens de nos deux pays que ne le laisseraient croire les résultats du questionnaire.
Cette enquête nous apporte plutôt de bonnes nouvelles, pour certaines inattendues. Je n’aurais pas imaginé que plus de la moitié des Français consultés aimeraient vivre et travailler en Allemagne ! Peu avant la réunification, ils n’étaient que 28% à considérer que l’Allemagne méritait qu’on s’y rende. Je n’aurais pas imaginé non plus que 82% des Allemands aient écouté l’an passé un chanteur ou un musicien français et vu un film d’un cinéaste français.
Pour les qualités attribuées au voisin, on reste largement dans les stéréotypes.
Peu prévisible, mais rassurant, le fait que pour chacun le voisin d’outre-Rhin soit le pays avec lequel on partage le plus d’affinités. On a oublié qu’en 1977 les Français consultés n’avaient mis l’Allemagne qu’en cinquième position, tandis que la France occupait pour les Allemands la quatrième place. Que de chemin parcouru malgré les difficultés présentes de l’Europe et du couple franco-allemand !
En revanche, pour les qualités attribuées au voisin, on reste largement dans les stéréotypes. Les Allemands sont rigoureux, disciplinés et travailleurs et les Français sont jouisseurs, individualistes, créatifs, séducteurs et charmants. Évidemment, et ce n’est pas surprenant au vu des débats actuels, seuls 22% des Allemands attribuent à la France un caractère de modèle, alors qu’une courte majorité des Français reconnaissent en l’Allemagne un modèle. Autre bonne nouvelle: pour l’immense majorité des sondés, la « relation privilégiée » entre les deux pays est une nécessité pour l’avenir, en même temps qu’une réalité et un héritage du passé.
Relative surprise, 78% des Allemands voient la France et l’Allemagne comme «deux partenaires à égalité», alors que le chiffre pour les Français n’est que de 53%. Enfin, une question centrale : quelle Europe voulons-nous ? Les Français souhaitent en premier lieu une Europe «forte» et en second une Europe « solidaire ». Pour les Allemands la paix reste la première des préoccupations, suivie par une Europe forte. Parmi les axes que la politique européenne doit privilégier, figure pour tous au premier rang l’Europe sociale. Au total, de bonnes bases: une relation franco-allemande forte, un désir d’Europe. Reste à faire le travail: refonder la relation franco-allemande par des échanges beaucoup plus larges dans la société civile (jumelages d’hôpitaux, d’instituts infirmiers, de sections de partis politiques…), par l’accroissement des échanges scolaires (une semaine par an, par exemple), nécessité d’avoir fait un semestre d’études dans un autre pays européen pour l’obtention du baccalauréat…
Reste aussi à redonner confiance dans l’Europe, à lui donner un sens. Vaste programme !
Retrouvez les résultats de l’enquête
Retrouvez l’analyse de Jean-Louis Bianco en vidéo :
L’Allemagne, la France et vous ? Jean-Louis Bianco par EspacePublic