Pour mieux comprendre les logiques de la décision électorale et dans la perspective des élections présidentielle et législatives de 2022, l’Enquête électorale française, mise en place dans le cadre d’un partenariat entre la Fondation, Ipsos, le Cevipof et Le Monde, suit un panel de 16 000 Français pendant quinze mois, puisqu’ils sont interrogés douze fois entre avril 2021 et juin 2022. Alors que les candidatures se précisent, la vague 5 livre des résultats éclairants.
Sept enseignements
1) Le pouvoir d’achat, priorité écrasante. Le pouvoir d’achat continue de progresser dans la hiérarchie des préoccupations des Français : +12 points depuis décembre (52%). Il devance désormais de 22 points la deuxième priorité, la santé (30%), et davantage encore l’environnement (29%), l’immigration (28%) et la délinquance (25%).
2) Le pouvoir d’achat, priorité de tous : il rassemble entre 40% et 60% dans tous les électorats (et toutes les sociologies) alors que les autres priorités sont politiquement très clivées. Immigration : 73% chez les électeurs de Zemmour, 15% chez ceux de Macron. Environnement : 75% chez Jadot, 14% chez Le Pen. Inégalités sociales : 49% chez Mélenchon, 9% chez Pécresse.
3) L’intérêt pour la campagne : limité. 71% des Français disent s’intéresser à la campagne – c’est 10 points de moins qu’en 2017. Surtout, de manière significative, la campagne n’a été le mois dernier un sujet de conversation que pour 50% des Français – c’était 80% à la même période en 2017.
4) Le niveau de certitude d’aller voter : modeste et différencié.
- modeste : il stagne à 65% – c’est 5 points de moins qu’en 2017 (élection qui n’a connu un bond de participation que dans les quinze derniers jours) et 15 points de moins qu’une présidentielle « normale » ;
- différencié sociologiquement avec un écart de 32 points entre les plus jeunes (47% chez les 18-24 ans) et les plus âgés (79% chez les plus de 70 ans) ; différencié politiquement avec une mobilisation plus faible de 10 à 15 points à gauche et une surmobilisation dans les électorats de Macron et Zemmour.
5) La mobilité électorale demeure brownienne – ce sont encore 23% des électeurs qui ont changé d’avis (dont 11% qui sont passés d’un candidat à un autre) en à peine trois semaines mais, paradoxe, les intentions de vote sont relativement stables. Le seul mouvement significatif est la progression de 1,5 point d’Éric Zemmour – qui a pris des électeurs à Pécresse et à Le Pen – et l’incertitude de la qualification pour le second tour – les candidats se tenant en un point derrière Valérie Pécresse.
6) Emmanuel Macron est, avant le délicat exercice de son entrée en campagne, plus que jamais favori.
- avance dans les intentions de vote : il garde une avance importante au premier tour (9 points derrière le deuxième) et plus nette encore dans les différentes hypothèses de second tour (de 54/46 face à Valérie Pécresse jusqu’à 62/38 face à Éric Zemmour)
- faveur des pronostics : 59% des Français pensent qu’il va être élu (38 points de plus que Valérie Pécresse)
- force de la stature présidentielle : Emmanuel Macron est de loin le candidat qui a le plus « l’étoffe d’un président » – même si, de manière constante, il est derrière beaucoup d’autres candidats sur la proximité et, de manière nouvelle, en recul sur la volonté de changer les choses.
7) Le système des parrainages est soutenu, mais faiblement, par une majorité de Français (53% contre 47%)
> retrouvez l’analyse de Gilles Finchelstein sur ce sujet
8) L’incertitude concernant le premier tour de l’élection est maximale. Deux facteurs concourent à cela. D’une part, derrière Emmanuel Macron les trois candidats de la droite et de l’extrême droite sont dans un mouchoir de poche (14,5% pour Éric Zemmour, 15% pour Marine Le Pen et 15,5% pour Valérie Pécresse). D’autre part, 46% des Français estiment qu’ils peuvent encore changer leur vote d’ici l’élection.l’analyse de Jérémie Peltier, « La France des satisfaits »
Retrouvez également l’analyse de Jérémie Peltier, La France des satisfaits