Face aux dangers d’un secteur financier hypertrophié, dont le monde a récemment fait les frais, l’idée d’une taxation des transactions financières internationales resurgit dans le débat politique. Pierre-Alain Muet démontre le bien-fondé d’une telle proposition.
Conséquence heureuse des ravages de la crise financière de 2008, l’idée d’une taxation des transactions financières internationales réapparaît dans le débat politique. Très étonnamment, le secteur financier demeure aujourd’hui très peu taxé. John Maynard Keynes, qui mettait déjà en garde contre les dangers et effets pervers de la spéculation financière, et d’autres économistes à sa suite, avaient pourtant suggéré depuis longtemps l’idée d’une taxe pour réduire la spéculation. Mais jusqu’à la crise financière, qui l’a vue brutalement resurgir, cette revendication est restée pour l’essentiel le fait des mouvements altermondialistes.
Depuis la déréglementation des activités financières à partir des années 1980, l’explosion des transactions internationales a considérablement creusé l’écart entre le monde de la finance et les besoins véritables de l’économie. On assiste à l’hypertrophie du secteur financier devenu prédateur sur l’économie réelle. Pour contrecarrer cette logique, la taxation, entraînant une augmentation du coût, génèrerait aussi une diminution des échanges et par conséquent une réduction de la spéculation. Cette mesure inciterait nécessairement les opérateurs à plus de prudence, en affectant particulièrement le trading haute fréquence. Une incertitude demeure cependant quant au lien entre la taxation et la volatilité des cours : selon certains économistes en effet, la première pourrait accroître la seconde.
L’objectif de la taxation étant la régulation financière, il serait cohérent de taxer l’ensemble des transactions, quelle qu’en soit la nature. En revanche, la question du taux de la taxe doit tenir compte de plusieurs éléments. En premier lieu, le niveau de la taxe ne doit pas constituer un obstacle à la totalité des transactions financières, mais seulement dissuader de réaliser des transactions spéculatives sans utilité économique réelle. Ensuite, les études sur la réduction du montant de transaction selon le taux de la taxe révèlent que le taux optimal pour réduire assez fortement les transactions les plus risquées sans nuire aux transactions sur actions et obligations est de 0,05 % au comptant.
Etant donné la faible probabilité d’un accord international, la taxe pourrait s’appliquer à l’échelle européenne. L’idéal serait que la taxe s’applique de la même manière à tous les Etats membres même si, en cas d’échec, elle pourrait être mise en place par un nombre réduit d’Etats. La taxation des transactions financières est avant tout justifiée par l’impact de la crise sur la situation des finances publiques et les sommes considérables qu’il a fallu débourser pour le sauvetage du système financier. Une taxe portant sur l’ensemble des transactions ne serait en somme qu’un juste retour – au demeurant modeste – des charges qu’ont supportées les contribuables pour éviter l’effondrement du système bancaire.
Dans ce contexte, la taxe sur les transactions financières a trouvé une place évidente dans l’agenda politique mondial et figure désormais dans l’agenda du G20. Le Parti socialiste et le SPD ont présenté conjointement à l’Assemblée nationale et au Bundestag une proposition législative commune visant à introduire cette taxe. Malgré les réticences des pays européens sur cette question, les opinions publiques européennes ont considérablement évolué. 61 % des Européens sont aujourd’hui favorables à la taxation des transactions financières.
Pierre-Alain Muet appelle donc la gauche européenne et internationale à mener ce combat citoyen et politique jusqu’au bout, pour donner le premier signe d’une vraie réponse politique à la crise née de trois décennies de mondialisation libérale.