Réforme du Conseil supérieur de la magistrature : le chemin escarpé du compromis

Comment réformer le Conseil supérieur de la magistrature, afin de garantir l’indispensable indépendance de l’autorité judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif ? Pour Thémis, Jean-Jacques Urvoas propose un compromis pour relancer un processus législatif actuellement bloqué.

La présente note part du constat que le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est dans l’impasse. Les divergences inconciliables entre les textes adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat à l’été 2013 ont rendu illusoire toute perspective de rapprochement en seconde lecture, ce qui a conduit le gouvernement à suspendre le processus législatif. Un certain nombre de propositions sont donc développées pour contribuer à la levée de ce blocage et dépasser des aspirations parfois contradictoires. Cette note invite à la reprise du débat dans un esprit constructif afin de créer les conditions d’un compromis de nature à relancer le processus législatif.

Le seul point d’entente entre l’Assemblée et le Sénat a concerné le renforcement des pouvoirs de nomination et de discipline du CSM à l’égard des magistrats du parquet. L’adoption de ces dispositions ne devrait donc poser de difficulté insurmontable. Il est ainsi proposé qu’à l’instar des magistrats du siège, les magistrats du parquet soient nommés sur l’avis conforme du CSM, qui statuerait à leur égard en tant que conseil de discipline. Cette avancée consacrerait, enfin, l’autonomie du parquet par rapport au pouvoir exécutif, dans le sens souhaité par la jurisprudence européenne.

Pour conforter l’indépendance de notre système judiciaire, il est également suggéré de réécrire les deux premiers alinéas de l’article 64 de la Constitution qui disposent que « le Président de la République est garant de l’indépendance judiciaire » et qu’« il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature ». Au nom d’une saine conception de la séparation des pouvoirs, il paraîtrait logique de supprimer toute référence au chef de l’Etat et d’ériger le CSM lui-même en tant que garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

D’autres évolutions semblent souhaitables concernant l’organisation ainsi que le champ de compétences du Conseil définies à l’article 65 de la Constitution : alors qu’aujourd’hui son rôle se réduit à la formulation d’avis à la demande du président de la République ou du garde des Sceaux, il convient de le doter d’une véritable faculté d’auto-saisine sur toute question relative à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats.

Bien que somme toute secondaire, la question de la composition du Conseil a toujours donné lieu à des polémiques sans fin. L’option ici promue est celle de la parité entre magistrats et non-magistrats. Un autre point en suspens est celui de la procédure de désignation des six personnalités qualifiées. Il est suggéré de confier aux deux présidents des assemblées le soin de proposer chacun trois candidats, leur choix devant ensuite être validé par les commissions parlementaires compétentes selon la règle dite des « trois cinquièmes positifs ».

Enfin, la question du mode de désignation du président du CSM revêt une dimension stratégique. La conviction défendue dans la présente note est que si l’on souhaite que l’institution soit réellement indépendante, alors il faut lui reconnaître l’entière faculté d’élire à sa tête, à sa convenance, un magistrat ou un non-magistrat. Toutefois, il serait préférable que les chefs de cour, sans être membres du CSM, conservent la présidence des conseils de discipline, la sanction disciplinaire étant infligée par des pairs il paraîtrait cohérent que l’autorité compétente dans ce domaine soit présidée par un haut magistrat.

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