La réalisation de la ville intelligente passe aussi par une transformation « de l’intérieur », par la réinvention de ses services publics. C’est ce que prône François Rebsamen, maire de Dijon, président de Dijon Métropole, ancien ministre, dans une note pour l’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales où il analyse OnDijon, une démarche inédite de métropole intelligente.
Nous rêvons tous des promesses faites par la ville intelligente : une ville connectée mais ancrée dans la réalité, flexible mais résiliente, technologique mais humaine. Demain, la gestion des données nous permettra de mieux relever les grands défis auxquels les villes sont confrontées : en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, en améliorant la mobilité urbaine ou encore en redynamisant la démocratie. Mais si, au fond, l’essentiel était ailleurs ?
Il me semble que parfois la ville intelligente passe à côté de l’essentiel : la transformation de la ville doit aussi se faire « de l’intérieur », en modernisant nos administrations et en réinventant le service au public. Je suis convaincu que la ville intelligente ne pourra se construire qu’en transformant sa propre structure, son squelette et en devenant plus agile.
OnDijon : une démarche inédite de métropole intelligente
À Dijon, nous sommes en train d’imaginer le territoire du futur avec le projet OnDijon de gestion connectée de l’espace public qui prévoit la création, fin 2018, d’un poste de pilotage pour gérer à distance les équipements urbains des 24 communes de la métropole. Il remplacera les six postes de contrôle actuels (PC Sécurité, PC Police municipale, Centre de supervision urbaine, PC Circulation, Allô mairie et PC Neige).
Grâce aux données numériques issues des équipements publics, ce poste de pilotage permettra de gérer à distance, de coordonner et d’entretenir les équipements urbains (feux de circulation, éclairages, vidéoprotection, services de voirie, etc.) afin de faciliter la gestion de l’espace public.
OnDijon est une initiative inédite de métropole intelligente qui s’appuie sur l’open data et associe les citoyens à la création de nouveaux services publics (informations en temps réel, mobilité connectée, éclairage adapté à la fréquentation…).
Ce projet est né de la nécessité de rationaliser, d’optimiser et de mutualiser les différents équipements urbains afin de faciliter la gestion de l’espace public et de proposer des services publics plus modernes et plus performants aux habitants.
La transversalité des services publics au cœur de la métropole 3.0
C’est une véritable petite révolution qui se prépare puisque pour la première fois, les services de la ville vont travailler de manière transversale. C’est probablement là une des plus grandes innovations de ce projet. Mais c’est presque un paradoxe puisque cette transformation sera invisible pour les citoyens ! Bien sûr, ils en verront le résultat en bénéficiant de services publics rénovés mais peu imagineront la mutation profonde qui s’est opérée.
La transversalité entre les directions et les services n’existait pas ou peu jusqu’à maintenant. Aujourd’hui, lorsque les différentes directions sont sollicitées pour des interventions, elles ne connaissent pas les besoins ou les programmes des unes et des autres. Demain, grâce au projet, nous allons pouvoir mettre en place des collaborations plus simples et plus efficaces qui vont simplifier le quotidien des agents et des services et leur faire gagner du temps. Ces procédures transversalisées vont révolutionner la coordination des services puisque les agents seront informés en temps réel. Cela veut dire, par exemple, que lorsqu’une équipe est en intervention sur la voirie, elle peut être contactée sans délai pour une autre intervention ou une urgence à proximité alors qu’auparavant cette information devait transiter entre plusieurs services. Les délais d’intervention vont être fortement diminués et les citoyens en seront les premiers bénéficiaires.
OnDijon, un projet de métropole intelligente pour :
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Le numérique, on le voit là, n’est qu’un moyen, un outil pour nous permettre de progresser, mais au fond c’est d’abord notre transformation intérieure en tant que service public qui va nous permettre d’améliorer l’efficience des services. La ville ne devient pas intelligente en se dotant de capteurs. La ville devient intelligente parce que les hommes et les femmes qui y vivent ont de nouveaux besoins et font un nouvel usage de l’espace public auxquels nous devons nous adapter, nous, service public, service « au public ».
La métropole intelligente : le terrain du renouveau des partenariats public-privé
Je suis de ceux qui croient que le service public est essentiel, qu’il sait être moderne et qu’il a toujours su évoluer pour répondre aux besoins des usagers. J’ai pourtant souvent entendu que le service public manquait d’efficacité, qu’il coûtait trop cher et qu’il faudrait changer de modèle. Tirer à boulets rouges sur le service public, c’est méconnaître ce qui a fait la grandeur de la France.
Aurions-nous des fleurons mondiaux du ferroviaire sans l’ambitieux Plan Freycinet de 1878 ? La médecine française serait-elle reconnue comme la meilleure du monde si l’État n’avait pas mis en place un service public de qualité ? Serions-nous l’un des pays leaders dans le secteur des télécommunications si les pouvoirs publics n’y avaient pas fortement contribué ? La puissance publique a tenu un rôle décisif dans le développement de notre pays et le service public a souvent permis à la France de devenir une référence mondiale dans de nombreux domaines.
Mais je suis aussi conscient que le service public ne peut pas tout. Dans la ville intelligente en particulier, la collaboration entre public et privé est essentielle. Nous avons en France parmi les plus belles entreprises au monde. C’est une fierté et un atout sur lesquels nous devons nous appuyer. Je crois que la ville intelligente peut être le terrain d’expression d’une nouvelle collaboration entre nos deux mondes.
C’est la raison pour laquelle la réalisation de notre projet de gestion connectée de l’espace public a été confiée à des entreprises privées. Nous avons donc lancé il y a plus de deux ans un appel d’offres pour la conception, la réalisation, l’exploitation et la maintenance (CREM) du poste de pilotage connecté.
Nous avons fait le choix d’un contrat de prestation de services plutôt que d’une délégation de service public pour permettre à chacun des acteurs de tenir son rôle de manière équilibrée : la collectivité garde le pouvoir de décision sur la politique publique et les partenaires privés mettent à son service leurs expertises et leurs capacités d’innovation. Je crois profondément que c’est de cette collaboration que nous réalisons des projets d’intérêt général de grande qualité. La puissance publique amène sa vision de l’avenir de nos concitoyens, son pouvoir de planification et de contrôle et les entreprises privées mettent leur capacité d’innovation au service de notre ambition.
Ce projet en est l’illustration. Nous, Ville de Dijon et Dijon Métropole, finançons les investissements mais utilisons la capacité d’innovation de nos grandes entreprises pour réaliser un projet ambitieux.
Toutes les grandes entreprises françaises ont participé à cet appel d’offres et au dialogue compétitif que nous avons mené pendant près de deux années. Ce temps était nécessaire pour nous permettre à nous, collectivité, de définir avec précision notre vision et nos besoins et aux entreprises elles-mêmes pour qu’elles imaginent une solution technique qui réponde à nos attentes.
C’est une grande fierté parce que nous avons réussi à mobiliser autour de notre projet tout le savoir-faire français. La réalisation du poste de pilotage a ainsi été confiée à un groupement composé des plus grandes entreprises du territoire : Bouygues Énergies & Services et Citelum (filiale d’EDF), associés à Suez et Cap Gemini.
Le partenariat public-privé est dans notre ADN à Dijon et je crois pouvoir dire que nous savons en tirer le meilleur. Mais c’est aussi parce que nous savons innover sur le plan contractuel pour adapter les modèles économiques à notre ambition en matière de politique publique. C’est ce que nous avons fait une nouvelle fois avec le projet OnDijon avec un contrat particulièrement innovant.
Nous n’en sommes pas à notre coup d’essai puisque nous avions déjà été précurseurs des contrats de délégations de services publics (DSP) de gestion de l’eau intégrant des indicateurs de performances pour indexer la rémunération du délégataire à ses résultats opérationnels.
Il y a un peu plus d’un an, nous avons également innové en lançant la première DSP « mobilités » qui intègre à la fois la gestion des transports collectifs (tramways, bus, vélos,…) et le stationnement. Là où les appels d’offres découpaient le service public et les usages « en tranches », nous avons fait la preuve de la pertinence d’adapter les marchés publics à la vision politique d’un territoire.
Avec le projet OnDijon, nous avons encore une fois essayé de sortir des sentiers battus à travers deux innovations contractuelles principales :
- un contrat global qui permette de développer une gestion intégrée de l’espace public, en rassemblant dans un même contrat les grandes fonctions urbaines
- et un mécanisme de financement basé sur un effet de levier des investissements.
Le pilotage des grandes fonctions urbaines représente un coût d’investissement important pour les collectivités et nous avons pensé que si nous pouvions lancer un appel d’offres intégrant l’ensemble des fonctions urbaines qui se gèrent habituellement de manière distincte, alors nous pouvions optimiser les coûts et réaliser des économies importantes. Le contrat que nous avons passé intègre donc à la fois l’éclairage public (dont le contrat arrivait à échéance) mais également la maintenance et l’exploitation des équipements urbains. C’est la première fois qu’un contrat permet de gérer de manière intégrée les grandes fonctions de l’espace public.
La gestion intégrée de l’espace public et l’optimisation de la maintenance des équipements nous permettent de générer des économies très importantes, notamment grâce aux économies d’énergie attendues avec l’installation d’un éclairage 100% LED. Les investissements pour gérer ces équipements étaient déjà prévus dans le budget. Il ne s’agit donc pas de nouveaux investissements et ces économies réalisées vont nous permettre de financer la création de nouveaux services de la métropole intelligente. Par ailleurs, nous avons souhaité mettre en place un contrat de performance qui permettra d’évaluer en continu le groupement d’entreprises sur des critères objectifs de résultats (65% d’économies d’énergie attendues sur l’éclairage public, délais d’intervention sur l’espace public, disponibilité à 99% des systèmes informatiques, etc.).
Autre innovation : sur le plan managérial, nous allons privilégier une collaboration étroite entre public et privé qui se traduira notamment par la constitution d’équipes « mixtes » au sein du poste de pilotage connecté qui associeront nos agents et des collaborateurs des entreprises privées. Nous garderons cependant, à chaque instant, le contrôle des opérations puisque la supervision du poste de pilotage sera assurée par la Police municipale, en vertu des pouvoirs du maire.
Je pense sincèrement que ville intelligente est synonyme de coopération : la collectivité peut bénéficier de la capacité d’innovation des entreprises tout en gardant le contrôle de ses missions essentielles sur l’organisation de l’espace urbain. Je suis convaincu que les projets de métropoles intelligentes qui naissent un peu partout en France et dans le monde marquent le début d’une nouvelle ère pour les partenariats entre le secteur public et le secteur privé.
Les données : un bien commun créateur de valeur
Les données collectées, nos « datas », sont aujourd’hui le cœur d’une nouvelle révolution industrielle, d’une nouvelle société, comme le fut l’imprimerie ou l’électricité à d’autres époques. Mais elles requièrent une attention particulière. Ces données sont très convoitées parce qu’elles ont une valeur et elles doivent être protégées. C’est pour moi, en tant qu’élu, le cœur même de notre mission de service public que d’assurer pour les citoyens la diffusion de ces données – de leurs données – sans en perdre le contrôle. Dans le cadre de notre projet, la collectivité de Dijon facilite l’accès aux données par l’open data tout en gardant à chaque instant la maîtrise de ces données.
Avec ce projet, nous souhaitons contribuer à l’émergence d’une véritable gouvernance locale de la donnée. Dijon Métropole reste ainsi la seule propriétaire des données produites ou collectées dans le cadre du projet et s’engage à ce qu’aucune donnée personnelle ne puisse être vendue.
Parallèlement, la collectivité entend associer les partenaires publics et privés et la société civile afin qu’ils contribuent à la création de la métropole intelligente à travers différents dispositifs :
- la mise en place d’un comité de gouvernance de la donnée, ouvert aux parties prenantes (associations, entreprises, citoyens…) pour définir les enjeux, répondre aux besoins liés à l’ouverture des données et élaborer la politique d’open data,
- La création d’une plateforme de concertation pour coconstruire le projet OnDijon avec les citoyens,
- la réalisation d’une application citoyenne dans laquelle les habitants deviennent des acteurs de la gestion de l’espace public,
- et la mise à disposition des jeux de données sur une plateforme d’open data.
L’open data va permettre la mise en place d’un programme d’innovation ouverte, pour que les données puissent être valorisées par et pour les acteurs du territoire. Ce programme va transformer Dijon Métropole en « Living Lab » dont les rues, les quartiers pourront servir de lieux d’expérimentation.
Je voulais donner l’opportunité à tous de participer : les citoyens, les écoles, les universités, les entreprises, les collectivités, les incubateurs et les start-ups sont des acteurs clés dans le processus de valorisation des données. Ce programme représente l’aboutissement de ma vision d’une ville intelligente : l’intelligence collective au service de l’intérêt général.
Nous entendons donc mener une politique volontariste en matière d’open data, mais avec vigilance et responsabilité. Nous aurons donc une exigence absolue et une attention particulière à la sécurité des données. Dans le cadre du projet, nous nous sommes engagés à rester les seuls propriétaires des infrastructures et des données produites ou collectées dans le cadre du projet, à garantir à chaque instant l’anonymat des données issues des services publics et, enfin, à ce qu’aucune donnée personnelle ne puisse être vendue.
L’open data va dans le sens de l’histoire et c’est l’avenir du développement de nos entreprises, petites et grandes. Les données publiques sont un bien commun dont la diffusion relève de l’intérêt général. À travers ce projet, nous allons contribuer, je l’espère, à définir les contours d’une gouvernance locale de la donnée. C’est essentiel pour toutes les collectivités qui sont et vont être confrontées aux mêmes questions de leurs concitoyens sur leurs données personnelles et aux mêmes demandes pressantes des entreprises sur l’ouverture des données pour dynamiser leurs activités.
Un modèle reproductible pour les collectivités de taille moyenne
Je crois que l’une des grandes forces du projet de métropole intelligente pour Dijon se trouve dans sa « réplicabilité », sur les questions des données, mais également sur celles liées à la gestion de l’espace public. Ce projet est tout à fait accessible à d’autres collectivités parce qu’il s’appuie sur un élément commun à toutes : la gestion de l’espace public. Même si chaque territoire a ses spécificités, la gestion des grandes fonctions urbaines reste similaire.
Or, la gestion de l’espace urbain coûte cher. Aujourd’hui, les collectivités manquent de capacité d’investissements pour mener à bien des projets ambitieux. Les élus tentent de sortir des sentiers battus pour pouvoir concilier deux impératifs qui sont la gestion raisonnable des finances publics et le maintien d’un service public efficace.
Le modèle contractuel que nous avons développé repose sur l’idée simple mais efficace qu’en générant des économies nous allons pouvoir investir dans de nouveaux services. Le contrat que nous développons à Dijon est particulièrement innovant puisqu’il développe des investissements à travers un effet de levier innovant des économies : les économies générées par le projet (économies d’énergie sur l’éclairage public, optimisation des équipements et des services, etc.) vont financer la création des nouveaux services de la métropole intelligente.
Ce modèle contractuel est, j’en suis sûr, tout à fait reproductible par d’autres collectivités. Nous avons d’ailleurs déjà des contacts avec plusieurs d’entre elles qui envisagent de développer un projet de ville ou de métropole intelligente.
Je ne peux qu’être fier quand je vois que notre vision de la ville intelligente est reconnue en France mais aussi à l’étranger. Il y a encore beaucoup à faire mais Dijon est d’ores et déjà tournée vers l’avenir et cet avenir s’annonce plein de promesses. Désormais, nous sommes des précurseurs dans notre domaine et j’espère que notre projet inspirera d’autres collectivités.
OnDijon en chiffres :
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