Retracer l’histoire de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, étape clé dans l’émancipation de l’individu, éclairer le débat, préparer les discussions à venir : c’est le rôle de cet abécédaire qui aide à comprendre ce qui s’est joué en France, dans le tumulte, fin 2012 et début 2013.
Qu’est-ce qui relie Alan Turing, l’un des pères de l’informatique, Christopher Street à New York, le consul Cambacérès et Jean Jaurès ? Peut-être la loi française du « mariage pour tous » !
Les mutations de la société, au cours du XXe siècle notamment, ont radicalement changé l’appréhension de l’homosexualité. La structure du modèle familial dominant hérité du XIXe siècle a laissé place à des modèles pluriels, indépendamment de nos lois civiles. Progressivement, et alors que l’homosexualité n’était plus considérée comme une maladie, ni comme étant répréhensible, les couples de même sexe purent alors assumer socialement leur union.
De conquête sociale en conquête juridique, ces avancées furent concrétisées, les institutions accompagnant et scellant ce que la société vivait et portait déjà. C’est le sens du mouvement social qui vit le jour, militant d’abord pour la reconnaissance des couples homosexuels, avec le Pacs, puis pour l’ouverture du droit au mariage pour les couples de même sexe. Le mariage représente en effet une étape majeure dans la vie des familles et demeure un rite social signifiant. Dès lors, le rendre accessible à tous était nécessaire, tant pour matérialiser que pour « normaliser » la réalité des couples de même sexe parmi les différents modèles de couples.
Le cœur de cette lutte tient dans l’émancipation qu’elle cherche à obtenir ; il s’agit ainsi de donner à chacun la possibilité de maîtriser sa propre vie. Cette émancipation est cruciale en ce qu’elle recèle les enjeux essentiels que sont la liberté de conscience et l’égalité.
Ce combat est celui de la gauche et celui des socialistes, qui ne sauraient tolérer que l’ordre des choses demeure immuable. Et c’est cette recherche de l’émancipation qui articule le clivage entre ceux qui y voient une forme de laxisme coupable, et ceux qui saisissent l’opportunité de prendre la responsabilité de leur existence. C’est, en outre, un combat mené dans le respect de l’éthique républicaine, et qui contribue au progrès de celle-ci puisqu’elle intensifie l’intégration d’un certain nombre de citoyens au cœur de l’État de droit.
Alors qu’une étape symbolique et légale vers l’émancipation a été conquise en mai 2013 avec l’adoption du mariage pour tous, celle-ci s’est accompagnée de la libération et la prolifération d’une parole stigmatisante et haineuse. Celle-ci n’a que trop souvent couvert les moments forts d’éloquence parlementaire et les propos porteurs d’espoirs. Ces mots stigmatisants et haineux ont d’autant mieux proliféré dans notre société qu’elle est en crise, fatiguée de polémiques parfois dépourvues de sens. À l’heure où les mutations sociétales se révèlent être aussi rapides que profondes, le mariage pour tous est apparu comme une cible facile, un changement qui n’échappait pas à la maîtrise du citoyen, et auquel il était simple de s’opposer.
Cet abécédaire propose des pistes de réflexion et, partant, des éléments de compréhension pour appréhender les enjeux du débat qui s’est tenu en France sur la question du mariage pour tous. Il fournit des éclairages, en admettant le temps long de l’histoire des sociétés, sur les personnes qui ont influé sur ces questions par leurs travaux ou leurs propos, leur choix personnels ou leurs engagements, mais également sur certains point juridiques ou sociétaux. Il évoque la gauche, son système de valeurs qui s’effrite et sa nécessaire restructuration qui permettra à tous les progressistes de s’y retrouver et de se rassembler.