La fabrique des peurs : comment protéger l’enfance d’une vague transphobe ?

Alors que le Sénat s’apprête à examiner la proposition de loi du groupe Les Républicains visant à « encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre », Flora Bolter et Denis Quinqueton, de l’Observatoire LGBTI+ de la Fondation, Mika Alison1Autrice de Vivre sa transidentité à l’école (Éditions Double ponctuation, 2022)., Nathanaël Bignon2Membre de la coordination de HES LGBTI+, élu à la ville de Marseille. et M. A. Mahoudeau3Chercheuse indépendante, autrice de La Panique woke (Éditions Textuel, 2022). décryptent la genèse des mouvements ultra-conservateurs opposés aux droits des personnes trans et décortiquent point par point combien leur discours, sous couvert de scientificité et de protection des droits de l’enfant, porte atteinte aux droits des personnes trans, contrevenant aux recommandations médicales et aux préconisations des instances internationales en vigueur.

« Embrigadement idéologique » voire « mystification collective et contemporaine » aboutissant à un « scandale sanitaire »4Caroline Eliacheff, Céline Masson, La fabrique de l’enfant-transgenre, Paris : Éditions de l’Observatoire, février 2022. Expressions citées dans La Croix. pour les uns, « casse conceptuel du siècle »5Dora Moutot, Marguerite Stern, Transmania, Paris, Magnus, avril 2024. Expression utilisée dans la communication de l’éditeur. pour d’autres, l’ennemi principal de certains acteurs du débat public en France est, en ce début d’année 2024, tout désigné : les « transactivistes » ou autres « transgenristes », promoteurs de « l’idéologie transgenre » (ou sa variante la « théorie du genre »). Derrière ces néologismes et ces accusations hyperboliques, quelques essayistes abondamment relayées dans certains titres de presse disent alerter sur une « dérive » qui mettrait en danger les droits des enfants, ceux des femmes, ainsi que la démarche scientifique pour faire bonne mesure.

La transidentité, « ce douloureux problème »6Pour reprendre l’expression d’une émission restée célèbre de Ménie Grégoire le 10 mars 1971 sur « L’homosexualité, ce douloureux problème », qui fut interrompue par des militantes du MLF qui devinrent par la suite le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR). Voir la note de Denis Quinqueton, Il y a cinquante ans, le « commando saucisson » du MLF à l’assaut d’ « Allo Ménie » sur RTL, Fondation Jean-Jaurès, 10 mars 2021., sera même à l’ordre du jour du Sénat, le 28 mai7Dans les faits, nous rappelons que le texte en question, outrancier, n’est pas issu d’une « mission parlementaire » mais d’un groupe de travail interne au groupe de droite Les Républicains. Une mission parlementaire est nécessairement transpartisane et donne lieu à des auditions, souvent publiques, organisées par les services du parlement. Rien de tout cela dans la proposition de loi en question, comme l’a montré Mediapart., même si l’on peut espérer que cette proposition de loi particulièrement réactionnaire ne dépassera pas la première lecture. Les brûlots qui se multiplient envers les personnes trans et leurs droits ne font qu’attiser les vieilles peurs sur l’enfance, naguère entretenues plutôt à l’encontre des gays et des lesbiennes et aujourd’hui focalisées également envers une population encore méconnue du grand public, celle des personnes trans (la démonisation des gays et des lesbiennes continue néanmoins, de manière plus retorse, avec des campagnes organisées même en France envers les événements drag et toujours contre les enseignements relatifs à la sexualité et aux relations affectives à l’école). Cette vieille manipulation politicienne a des corollaires incontournables : écarter d’emblée la parole des personnes concernées ainsi que toute connaissance sur l’évolution du droit et des pratiques les concernant. On ne manipule jamais si bien que dans l’obscurité ! Pour ce faire sont convoqués, avec un aplomb déconcertant, des « travaux » étatsuniens financés et relayés par des groupes anti-LGBTI+ et anti-IVG, et dont les biais scientifiques sont majeurs ; le tout pour construire de toute pièce une « controverse scientifique » semant le doute sur le consensus en matière de santé des personnes trans, d’accompagnement des jeunes et de leur reconnaissance juridique. Tout cela se fait au détriment des personnes trans en général, des enfants et des jeunes en particulier, de leurs familles et des professionnels de santé qui souhaitent les accompagner correctement. Petit retour, en passant par les pays anglophones, sur la construction d’une « science » alternative qui capitalise sur les peurs sociales des années 2020, des réseaux sociaux à « Big Pharma », pour réinventer le mythe séculaire des LGBTI+ « dangereux » pour la jeunesse.

Les nouveaux habits de la croisade conservatrice étatsunienne

« Nous savions que nous devions trouver un sujet avec lequel les candidats seraient à l’aise. Et nous avons tout essayé. »
Terry Schilling,
président du think tank conservateur étatsunien American Principles Project8Cité par Adam Nagourney et Jeremy W. Peters dans « How a Campaign Against Transgender Rights Mobilized Conservatives », New York Times, 16 avril 2023.

Le 26 juin 2015, la Cour suprême des États-Unis ouvre, par sa décision Obergefell v. Hodges, l’institution du mariage aux couples de même sexe dans tous les États. L’opinion étatsunienne y est favorable (57%), comme l’indique une étude du Pew Research Center le même mois, et considère même encore plus largement (72%) que c’est « inévitable ». Toute l’opinion étatsunienne ? Non ! Une minorité d’irréductibles (39%) y reste opposée, et ses principaux activistes comptent bien entretenir une bataille politique, judiciaire et culturelle contre les droits des personnes LGBTI+. En 2016, en Caroline du Nord, un texte inédit introduit un nouveau cheval de bataille : sur proposition du corps législatif de cet État républicain, un Public Facilities Privacy and Security Act (« Loi pour garantir la protection de la vie privée et la sécurité dans les équipements publics ») propose de sanctionner l’usage des toilettes publiques pour femmes ou pour hommes par des personnes dont le « sexe biologique » (« biological sex ») ne correspondrait pas. Fortement décrié par les associations de défense des droits humains, notamment la puissante American Civil Liberties Union (ACLU), mais aussi par des célébrités comme Bruce Springsteen, ce texte a fini par être retiré.

Pour la session législative de 2024, tous États confondus, 489 initiatives législatives s’attaquent aux droits des personnes LGBTI+, dont 14 visant à empêcher le changement de la mention du sexe à l’état civil, 101 à limiter l’accès aux soins des enfants et des jeunes (parfois jusque 25 ans), et 25 à restreindre l’accès aux toilettes et autres espaces publics genrés aux personnes dont le « sexe biologique » est jugé conforme, soit 140 textes exclusivement focalisés sur les droits des personnes trans. Ces dernières sont également concernées par l’intégralité des autres initiatives décomptées, dont celles sur l’injonction au silence des personnes LGBTI+ travaillant avec des enfants. 489 projets ou propositions de loi, c’est beaucoup pour une population estimée à 1,6 million de personnes aux États-Unis, soit 0,6% des personnes de 13 ans et plus.

Que s’est-il passé entre 2016 et 2024 pour que le sujet prenne autant d’ampleur ? Tout simplement un benchmarking politique et son application méticuleuse. Car si l’opinion étatsunienne était globalement acquise sur les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bi, il n’en allait pas de même de la quatrième lettre de l’acronyme LGBTI+ : malgré une acceptation de principe des personnes trans, l’opinion étatsunienne du milieu des années 2010 sur les personnes trans révèle une connaissance concrète limitée et des appréhensions marquées9Philip Edward Jones, Paul R. Brewer, Dannagal G. Young, Jennifer L. Lambe, Lindsay H. Hoffman, « Explaining Public Opinion toward Transgender People, Rights, and Candidates », Public Opinion Quarterly, vol. 82, n°2, été 2018, pp. 252–278.. Viser les enfants plutôt que les adultes transgenres permet aussi de court-circuiter le principe d’autonomie personnelle qui sous-tend l’acceptation théorique et le respect des personnes trans dans l’opinion et permet d’introduire une « nuance » qui n’en est pas une dans le discours transphobe : « nous respectons les choix de vie des adultes, mais un enfant n’est pas en capacité de choisir », dit en substance cet argument, partant du principe que l’on choisit d’être trans.

Or l’identité de genre tout comme l’orientation sexuelle ne sont pas des choix, comme en atteste l’existence tout au long de l’histoire, et malgré l’exclusion sociale et la répression, de personnes qui ont aimé des personnes de même sexe ou ont vécu socialement comme un membre du « sexe opposé »10L’émergence des notions d’homosexualité/bisexualité/hétérosexualité, de même que celle d’identité transgenre/cisgenre, a une histoire (comme le démontrait Michel Foucault), et il serait anachronique d’utiliser ces concepts avant les XIXe-XXe siècles. L’histoire abonde cependant de personnes que l’on décrirait aujourd’hui comme LGBTI+, et de nombreux archéologues se spécialisent dans l’étude de ces histoires de vie (personnes ayant vécu dans une autre identité de genre que leur sexe biologique, couples et relations de même genre). Voir Sapiens.org.. L’étude de ces situations dans une optique de psychopathologie (à la suite de Krafft-Ebbing ou Magnus Hirschfeld) a permis de sortir d’une vision où ces existences étaient des infractions (à sanctionner) à l’ordre social, et en ce sens a pu contribuer à leur décriminalisation ; mais cela s’est fait au prix d’une pathologisation, c’est-à-dire que le fait d’être LGBTI+ a été perçu comme un dysfonctionnement par rapport à la norme, non intentionnel certes, mais indicatif d’un problème – et bien souvent d’un problème de santé mentale, comme en atteste l’histoire des expérimentations et traitements prétendument « thérapeutiques » pour « guérir » l’homosexualité11Outre le classique La Volonté de savoir de Michel Foucault, on peut se référer utilement à la synthèse faite par Daniel Borrillo de « l’homophobie clinique » au cours de l’histoire pour plus d’éléments : Daniel Borillo, « Les doctrines hétérosexistes et l’idéologie homophobe », dans Daniel Borrillo (dir.), L’homophobie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2001, pp. 55-83.. Or nos sociétés ne retiennent heureusement plus cette lecture s’agissant de l’homosexualité : depuis sa dépathologisation par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1993, bien du chemin a été parcouru et les personnes LGB, leurs couples et leurs familles sont aujourd’hui reconnus – par le droit tout du moins, et parfois du bout des lèvres, mais aussi par l’opinion – comme égaux aux autres. Il devrait en aller de même pour la transidentité, et c’est du moins aussi bien le constat de l’OMS (qui a dépathologisé en 2019, avec entrée en vigueur de la décision au 1er janvier 2022) que celui des organisations internationales de défense des droits humains (Principes de Yogyakarta12Principes juridiques portant sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre rédigés par une commission internationale, adoptés par le Conseil des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies en 2007 et mis à jour en 2017. dès 2007), et du législateur français (dépathologisation en 2010 ; le droit de la discrimination inclut par ailleurs les mêmes protections concernant « l’identité de genre » que concernant l’orientation sexuelle depuis 201613Dans le cas français, le législateur a agi en demi-teinte, les mesures concernant les personnes trans étant intégrées à des textes plus généraux, alors même que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme en 2017. Le côté ancillaire de ces aménagements explique peut-être en partie le manque de visibilité du grand public sur cette législation, et le manque de connaissance par la classe politique des enjeux de droit autour du traitement par l’état civil des situations des personnes trans.). La transidentité est un fait, les personnes transgenres ne sont pas dans une réalité parallèle, et le fait d’être trans n’est pas en soi porteur de souffrance : il n’y a donc aucune raison de vouloir les « soigner » ou de disqualifier leur parole – le raisonnement est exactement le même que pour l’homosexualité. Il devrait s’agir d’une évidence, mais l’accouchement de ce constat par le corps médical a été long, et a inclus de nombreuses « thérapies » inhumaines et leur échec patent. Le caractère relativement récent de ces évolutions au niveau des accompagnements en santé est souvent méconnu du grand public, et c’est sur ce point qu’a compté l’American Principles Project.    

L’opposition de la « protection de l’enfance » aux libertés individuelles et à l’autonomie (« mon corps, mon choix ») est un serpent de mer de la haine anti-LGBTI+ et sexiste, qui a été utilisé à de nombreuses reprises s’agissant de l’homosexualité, avec des implications plus ou moins nauséabondes (notamment la confusion homosexualité/pédocriminalité qui revient périodiquement). Le fait de choisir cette ligne argumentative envers les personnes trans permet de puiser dans le même vivier de représentations culturelles, les mêmes stéréotypes et la même peur, celle d’une société où les normes de genre et d’orientation sexuelle, piliers d’un certain ordre social, ne seraient plus là pour dire l’acceptable et l’inacceptable. « Ils viennent pour vos enfants », dit l’American Principles Project dans son dossier sur le « Léviathan transgenre »14Consultable ici (p. 20). Signalons par ailleurs que l’image du Léviathan est assez proche de celle de l’hydre ou de la pieuvre et que cette propagande a une histoire redoutable. : le malaise transphobe (et LGBTIphobe) se retrouve ainsi légitimé et glorifié au rang de noble préoccupation pour la protection de l’enfance.

L’efficacité de l’argument de « protection de l’enfance » a été testé par l’American Principles Project, notamment par des campagnes de robocalls (appels automatisés) visant les candidats LGBTI+ (particulièrement la démocrate Danica Roem en Virginie en 2017) ; ces expérimentations ont été confirmées par la suite pour tous les candidats trans (et certains candidats LGB). En 2022, Brianna Titone, parlementaire de l’État du Colorado en lice pour sa réélection, a ainsi fait l’objet de campagnes de robocalls du Colorado Families Victory Fund auprès des électeurs de sa circonscription la décrivant comme « trop dangereuse » pour les familles en raison de son soutien à des « politiques qui veulent forcer vos femmes et vos filles à partager des toilettes avec des hommes biologiques ». Ces attaques sont d’autant plus ubuesques que, dans le même temps, ce sont bien les républicains qui s’opposent à la ratification par les États-Unis de la Convention des droits de l’enfant au nom du « droit » des parents à la « correction » des enfants15Les États-Unis sont à l’heure actuelle le seul pays au monde à n’avoir pas ratifié cette convention. Voir ici sur les conséquences de ce choix et pour une courte explication de ses motivations politiques., bloquent dans les États conservateurs toute tentative d’interdire le mariage aux moins de 18 ans et, dans certains cas, y compris lorsque l’autre partenaire est adulte.

L’activation d’une internationale réactionnaire et ses bases dites « scientifiques »

« Il est essentiel que celles et ceux qui veulent sauvegarder une Europe moderne, inclusive et tolérante soient conscient·es de l’existence de ce mouvement ultra-conservateur et le comprennent. […] Les hommes et femmes politiques progressistes doivent se mobiliser pour ne se faire avoir par leurs tours de force juridiques et publicitaires ; nous devons envoyer le message fort que la vision du monde qu’ils veulent imposer par la force n’a pas sa place dans ce millénaire. »
Petra Bayr,
députée européenne (Autriche, SOC) lors de la présentation du rapport La partie émergée de l’iceberg : des financements issus de l’extrémisme religieux visent à faire reculer les droits humains en matière de santé sexuelle et reproductive en Europe 2009-2018 du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, juin 2021.

Si l’importance des mouvements ultra-conservateurs étatsuniens est réelle, il faut aussi se garder d’un modèle trop univoque qui ferait de ce pays le berceau unique du mouvement antigenre. Refus de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et de la contraception, de la reconnaissance des couples de même sexe et des droits des personnes trans forment le socle de nombreux mouvements politiques et para-politiques ; la vision du monde qui les sous-tend est ancienne et diffuse, la transnationalisation de ces mouvements autour de références et ressources communes a pris une ampleur forte depuis la fin des années 199016Voir par exemple l’article « Transnationalisation/mobilisations transnationales » de David Paternotte dès 2013 dans Catherine Achin (dir.), Dictionnaire. Genre et science politique. Concepts, objets, problèmes, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Références », 2013, pp. 504-516.. Dans le cadre européen, le choix assumé de la Russie poutinienne de faire des personnes LGBTI+ l’incarnation d’une « décadence »17Le Monde avec AFP, « La Russie ajoute le « mouvement international LGBT » à sa liste des « terroristes et extrémistes », Le Monde, 22 mars 2024. occidentale à éradiquer est par exemple un facteur marquant d’évolutions à l’est de l’Europe : pourtant, malgré le caractère ostensiblement anti-occidental de cette rhétorique (les États-Unis et l’Union européenne étant présentés comme la source de toute « décadence »), les traces des échanges transnationaux sont si évidents que le « drapeau de la famille » dévoilé par le parti de Poutine en 2015 ressemble à s’y méprendre à celui de la Manif pour tous en France18On peut néanmoins noter que le drapeau russe précise sous le logo ce que sous-entendait sans l’assumer complètement le mouvement français : il s’agit de la « vraie famille » (Настоящая Cемья) hétéroparentale, les autres étant par conséquent fausses. devenue depuis « Syndicat de la famille ».

Aujourd’hui, nombreux sont les conférences et forums internationaux permettant aux mouvements ultra-conservateurs d’échanger informations et ressources. Le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs a ainsi identifié en 2021 54 acteurs anti-genre transnationaux actifs en Europe (représentant un investissement total de 96 millions de dollars américains en 2018, contre 22 millions de dollars américains en 2009, pour la seule Europe19Voir aussi le rapport La partie émergée de l’iceberg, op. cit., p. 84 et suivantes, pour une liste de ces principaux réseaux et acteurs.).

Et si ces mouvements sont aussi, historiquement, connus pour leurs positions hostiles aux droits sexuels et reproductifs, il n’est pas étonnant de les voir endosser la croisade anti-trans : outre la continuité de ces enjeux dans leur vision du monde, accuser de tous les maux les « traitements hormonaux » que sont les bloqueurs de puberté et les traitements substitutifs revient aussi à accuser ces autres traitements hormonaux que sont les pilules contraceptives. De même, refuser la capacité des adolescents au consentement éclairé pour l’accompagnement des transitions est dans la continuité de l’interdiction des choix de ces derniers en matière d’IVG ou de contraception. C’est précisément pour cela que s’est développée toute une littérature visant à opposer féminisme et droits des personnes trans, clivage stratégique qui s’est avéré décisif dans l’exportation des ressources « scientifiques » étatsuniennes vers des pays aux sociétés plus séculières.

En effet, les ressources les plus fréquemment citées dans les ouvrages anti-trans à prétention scientifique rencontrent un étonnant succès dans les publications internationales compte tenu du caractère confidentiel et marqué politiquement de leur publication, et des profonds enjeux méthodologiques soulignés par les pairs. Sans qu’il soit possible dans un espace contraint d’en faire la liste, on peut évoquer brièvement deux de ces éléments fréquemment cités, notamment dans les ouvrages français.

Le premier chronologiquement est la notion d’« autogynéphilie »20R. Blanchard, « The concept of autogynephilia and the typology of male gender dysphoria », J Nerv Ment Dis, octobre 1989. introduite dans les années 1980 et 1990 par le sexologue canadien Ray Blanchard et classée dans le manuel américain DSM-521Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, publié par l’Association américaine de psychiatrie (États-Unis), définissant des critères standardisés pour la classification des troubles mentaux. Ce manuel est utilisé aux États-Unis et sert plus ou moins de référence (sans être exempt de critiques) partout dans le monde. parmi les « paraphilies »22Expression désignant des fantasmes et comportements sexuels souvent désignés dans l’usage courant comme des « perversions ». Voir Psychologies.com pour une présentation grand public de la notion., malgré l’opposition des professionnels de santé accompagnant les personnes trans au sein de la World Professional Association for Trangender Health (WPATH), et malgré la faible reconnaissance par la communauté scientifique. Ici encore, c’est par un ouvrage grand public, et non par le débat scientifique, que la notion s’est diffusée, avec la publication du livre The Man Who Would Be Queen en 2003 de J. Michael Bailey. C’est par ce terme que Ray Blanchard désigne les femmes transgenres (assignées mâles à la naissance) qui ne sont pas attirées par les hommes : elles seraient, à ses yeux, motivées par une forte attirance sexuelle envers l’idée d’être une femme. L’idée qu’il faille « expliquer » la transidentité, et que cette « explication » soit forcément de nature érotique/sexuelle, est profondément problématique à elle toute seule, notamment par rapport à la perception de l’homosexualité (on ne cherche plus à expliquer l’homosexualité et c’est tant mieux), et ne correspond pas au positionnement de l’OMS ou à sa classification internationale des maladies depuis 2022 (CID-11), qui l’a explicitement rejetée. Si le DSM 5-TR conserve le terme d’autogynéphilie, il ne classe en revanche plus la transidentité comme une maladie, ce qui interroge sur la pertinence de ce reliquat. Les résultats des tests utilisés par Blanchard pour étayer la notion d’autogynéphilie n’ont jamais pu être reproduits, et d’autres auteurs ont en revanche pu « mesurer » également, avec les mêmes critères définitionnels, l’existence supposée d’une « autogynéphilie » chez des femmes cisgenres et des hommes cisgenres23Voir Charles Moser, « Blanchard’s Autogynephilia Theory: A critique », Journal of Homosexuality, 57(6), 2010, pp. 790–809.. Il ne s’agirait donc pas d’une spécificité des femmes trans, même en accordant du crédit à la définition et aux mesures proposées par Blanchard. Plus profondément, il s’agit d’une pétition de principe qui part de l’existence d’une attirance (pour inférer une causalité là où il y a peut-être surtout une corrélation : les femmes transgenres peuvent aussi se représenter en femmes dans le domaine érotique… parce qu’elles s’identifient comme femmes)24Voir Julia Serano, « Autogynephilia: A scientific review, feminist analysis, and alternative ‘embodiment fantasies’ model », The Sociological Review, 68(4), 2020, pp. 763-778. On peut aussi souligner que les personnes cisgenres engagent souvent des modifications corporelles, notamment hormonales et chirurgicales, dans l’optique d’améliorer leur vie sexuelle, sans que ces modifications ne soient perçues comme un fétichisme disqualifiant leur existence.. Pour un obscur descripteur de paraphilies sans cohérence avec les cadres d’analyse utilisés aujourd’hui, le terme d’« autogynéphilie » a une surprenante actualité dans des ouvrages journalistiques comme celui de Dora Moutot et Marguerite Stern25Dora Moutot, Marguerite Stern, Transmania : enquête sur les dérives de l’idéologie transgenre, Paris, Magnus, 2024. où « Robert, l’autogynéphile » est présenté comme un repoussoir absolu et récurrent tout au long de l’ouvrage. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où cette notion a été largement relayée sur les premiers sites étatsuniens hostiles aux droits des personnes trans, 4thwavenow (auquel Blanchard a même fait une contribution directe), qui figure parmi le « réseau des pseudosciences » identifié par la très établie et respectée ONG étatsunienne Southern Poverty Law Center. Blanchard a par ailleurs donné en février 2021 un entretien à la chaîne The Jolly Heretic qui relaie habituellement des contenus racistes prétendument scientifiques, dans lequel il a pu démontrer sa vision pathologisante et méprisante de l’identité des personnes trans.

Une autre théorie à prétention diagnostique qui revient souvent malgré son rejet très majoritaire dans le champ scientifique est celle du « rapid-onset gender dysphoria » (ROGD, dysphorie de genre à apparition tardive). Cette théorie, issue en 2016 des forums de discussion de parents opposés à la transition de leurs enfants (dont 4thwavenow), a obtenu un vernis scientifique dans un poster puis un article publié par Lisa Littman en 201826Lisa Littman, « Rapid-onset gender dysphoria in adolescents and young adults: A study of parental reports / Parent reports of adolescents and young adults perceived to show signs of a rapid onset of gender dysphoria », PLoS ONE, 13(8), 2018., article depuis corrigé après investigation de l’éditeur, et dans une étude postérieure plus large sur 1655 répondants de Suzanna Diaz et J. Michael Bailey27Suzanna Diaz, J. Michael Bailey, « Rapid Onset Gender Dysphoria: Parent Reports on 1655 Possible Cases », Arch Sex Behav, avril 2023. C’est le même J. Michael Bailey que précédemment., retirée par l’éditeur pour manquements déontologiques. Ces autrices et auteurs avancent l’idée que l’identité de genre des enfants trans (le plus souvent assignés garçons à la naissance) se manifesterait généralement très tôt dans l’enfance, et que de plus en plus d’adolescents (souvent assignés filles) déclareraient leur identité de genre à l’adolescence ; ce phénomène serait à associer à une « contagion sociale ». Les articles de Littman reprennent de plus de manière surprenante des termes issus de l’épidémiologie des maladies somatiques (« cluster outbreak ») ou en comparant la transidentité avec des troubles autodestructeurs du comportement alimentaire. L’idée est qu’une transidentité affirmée aussi tardivement serait confusément moins authentique et qu’il y aurait à l’heure actuelle une recrudescence « anormale » de ces affirmations. Outre que le DSM-V (2013) comprenait déjà une catégorie « late-onset gender dysphoria », ce qui indique que le phénomène de transition à l’adolescence est attesté depuis bien plus longtemps que ne le prétendent ces articles (on trouve des traces dans la littérature dès les années 1990), rappelons que la transidentité n’est aujourd’hui plus identifiée comme une maladie mentale, et que la souffrance qui peut y être associée, la dysphorie de genre, ne peut en aucun cas être utilisée dans une optique de pathologisation des transidentités, ce que précisent aussi bien l’OMS, l’American Psychiatric Association (APA), éditrice du DSM, que la WPATH28Arjee Javellana Restar, « Methodological Critique of Littman’s (2018) Parental-Respondents Accounts of « Rapid-Onset Gender Dysphoria », Arch Sex Behav, janvier 2020. : poser négligemment un cadre théorique aussi pathologisant est donc parfaitement antithétique avec l’état de la science. C’est en revanche compréhensible au regard de l’absence de formation de l’autrice, certifiée en obstétrique et en médecine préventive, et qui n’avait pas particulièrement d’expérience ni en santé mentale ni dans l’accompagnement des personnes trans.

Mais le biais majeur de la « recherche » sur le ROGD est la pauvreté méthodologique de son terrain : disqualifiant la parole des enfants et adolescents eux-mêmes car « pas qualifiés à se diagnostiquer » (sic)29Florence Ashley, « Rapid-Onset Gender Dysphoria », GLAD!, 31 décembre 2022., et refusant d’interroger les professionnels de santé qui les accompagnent, Littman (de même que Diaz et Bailey) préfère se fier à un questionnaire auprès de parents… recrutés sur des sites et forums précisément dédiés aux parents qui refusent l’identité de genre de leurs enfants. Le biais de confirmation fonctionne donc à plein régime dans ce qui n’est au fond qu’une pétition de principe : l’étude de Littman confirme que les parents qui refusent l’identité de genre de leur enfant – voire sont hostiles aux personnes trans – ne reconnaissent pas la validité de ce que leur dit leur enfant et n’ont pris conscience de la situation que tardivement. Le questionnaire exclut par ailleurs très rapidement les parents qui ne souscriraient pas à l’idée d’une « contagion sociale ». Une telle approche contrevient fondamentalement aux principes les plus élémentaires de démocratie sanitaire (puisqu’elle disqualifie par principe la position des sujets) aussi bien que la « règle de Goldwater » (note éthique 7.3 de l’APA) qui interdit aux psychiatres de se prononcer sur l’état de santé d’une personne qu’ils n’ont pas examinée personnellement et dont ils n’ont pas obtenu l’autorisation de parler de sa situation. Cela n’a pas empêché le ROGD, pseudo-diagnostic non reconnu par les pairs et avec un étayage empirique insuffisant, de rencontrer un écho très large dans des ouvrages généralistes et journalistiques, si bien que 36 associations scientifiques étatsuniennes parmi les plus reconnues (et celles qui rassemblent le plus de membres, en particulier l’APA et la WPATH) ont été contraintes en 2021 d’émettre une mise en garde contre la prolifération de « désinformation concernant le ROGD ». Ici encore, le rejet quasi unanime des pairs et la déconnexion avec l’état de la recherche s’accompagnent pourtant d’une large diffusion des articles en question par des organismes mettant en avant une dimension scientifique discutable, comme la Society for Evidence-Based Gender Medicine (SEGM, « Société pour une médecine de genre informée par la preuve »), Genspect et la Gender Exploratory Therapy Association (GETA, « Association pour les thérapies exploratoires du genre »), trois groupes, peu ou pas reconnus par les grandes associations scientifiques, dont les membres sont proches voire identiques, et qui cachent parfois leur affiliation commune, comme l’indique le Southern Poverty Law Center. L’American College of Pediatricians (ACPeds, « Collège américain des pédiatres »), groupe anti-avortement promouvant la « pureté sexuelle » avant le mariage, créé en 2002 pour s’opposer au mariage et à l’adoption par les couples de même sexe, est un autre think tank ultraconservateur promouvant ces théories (il aurait en 2022 700 membres) et qui profite de la proximité de son nom avec l’American Academy of Pediatrics (AAP, Académie américaine de pédiatrie) créée en 1930 et forte de 67 000 membres, qui, elle, soutient les approches affirmatives dans l’accompagnement des enfants et jeunes trans. Rappelons par ailleurs que rien ne permet de dire que les transitions entamées pendant l’adolescence seraient moins « authentiques » ou « légitimes » que celles initiées dans l’enfance.

Paradoxalement, les auteurs issus de ces groupes prétendent souvent que leurs travaux sont les seuls à proposer une approche scientifique, contrairement à la grande majorité de la recherche existante. Ils partent pour cela du faible nombre d’études randomisées en double aveugle30On peut trouver une explication de ces termes ainsi qu’un échange sur la notion de biais dans l’échange entre les Pr. Costagliola et Vicaut sur le site de la Fondation pour la recherche médicale. concernant les traitements accordés aux jeunes, ce qui indiquerait un manque de « données probantes ». Mais l’absence de telles études est en fait assez courante, et beaucoup de recommandations consensuelles sont dans la même situation : c’est le cas par exemple des recommandations concernant l’avortement, l’appendicite aiguë ou les anévrismes31John Worrall, « Evidence and ethics in medicine », Perspectives in Biology and Medicine, 2008.. Et ce pour de très bonnes raisons : parce que dans ces cas-là, il ne serait pas éthique de refuser d’intervenir ou de donner un placebo, ce qui serait nécessaire pour réaliser une étude contrôlée. Par ailleurs, donner un placebo à des ados trans en grande détresse face au développement de leur corps à la puberté serait irréaliste (ils s’apercevraient rapidement de l’inefficacité du traitement), en plus d’être contraire à l’éthique32Florence Ashley, Diana M. Tordoff, Johanna Olson-Kennedy et Arjee J. Restar, « Randomized-controlled trials are methodologically inappropriate in adolescent transgender healthcare » International Journal of Transgender Health, 2023.. Parler d’une « mauvaise qualité » des études existantes – qui ont souvent beaucoup de recul et des échantillons considérables – induit donc délibérément en erreur, ce d’autant que les « études » mises en avant par les mouvements ultra-conservateurs ne comportent pas plus d’études randomisées contrôlées en grand nombre.

L’exemple français : l’offensive médiatique et législative dans le sillage de 2013

« (…) nous nous sommes limités aux pays d’Europe qui ont ou vont changer officiellement leurs prises en charge. »
Rapport des sénateurs LR sur La transidentification des mineurs, mars 2024, p. 85

Un des documents reprenant l’idée déconcertante que l’absence de double aveugle rendrait invalide la recherche en santé et ses conclusions sur les prises en charge, pour ensuite citer des recherches pour le moins biaisées reprenant des concepts non reconnus scientifiquement émises par SEGM et Genspect, est le rapport Cass33On pourra en trouver une présentation critique en français ici., publié le 10 avril 2024 au Royaume-Uni, écartant plus d’une centaine d’études dont certaines sont longitudinales et présentent de large échantillons (avec test de représentativité statistique). Le rapport Cass, qui ne promeut pour autant pas l’interdiction absolue des bloqueurs de puberté, fait partie des initiatives souvent mentionnées en France pour décrire le « revirement » de certains États face aux approches dites « affirmatives », c’est-à-dire celles qui encouragent les adultes à reconnaître sans jugement l’identité de genre qu’affirment les enfants (ce qui n’aboutit pas nécessairement à un quelconque accompagnement hormonal, car pour des enfants, il s’agit en premier lieu d’aménagements linguistiques et éventuellement vestimentaires). Ces exemples sont abondamment cités, à l’exclusion de tout autre exemple national.

Mais de même que la « controverse scientifique » est pour le moins exagérée, les études hostiles à l’approche affirmative sont peu nombreuses, en complet décalage avec le consensus scientifique34What We Know Project, Cornell University, « What Does the Scholarly Research Say about the Effect of Gender Transition on Transgender Well-Being? » (online literature review), 2018. et souvent inter-référencées, le « revirement » supposé des États concernés est parfois très territorialisé donc relatif (en premier lieu aux États-Unis), parfois exagéré comme au Royaume-Uni (ni le rapport Cass, déjà cité, malgré tous ses défauts, ni la décision finale de l’affaire Bell v. Tavistock ne demandent l’interdiction des accompagnements affirmatifs pour les enfants ou ne remettent en cause la compétence des adolescents à participer aux décisions médicales qui les concernent35Le test de Gillick renvoie en droit britannique à la manière d’évaluer la capacité d’un enfant de moins de 16 ans à consentir à des décisions concernant la contraception, et a été étendu à de nombreuses autres décisions médicales dont les bloqueurs endocriniens. C’est un terme juridique renvoyant à une affaire des années 1980 ; il est l’outil juridique qui permet d’établir le droit des adolescentes à la contraception et à l’IVG. Sa remise en cause par des personnes se réclamant du féminisme qui se sont félicitées de la décision de première instance de l’affaire Bell v. Tavistock est pour le moins inquiétante. Voir M. F. Moscati, « Trans* identity does not limit children’s capacity: Gillick competence applies to decisions concerning access to puberty blockers too! », Journal of Social Welfare and Family Law, 44(1), 2022, pp. 130–132.). En revanche, lorsque revirement il y a, il est toujours corrélé avec des assauts bien plus politiques que scientifiques. Car le revirement principal est avant tout médiatique : après des décennies d’amélioration dans la couverture des réalités vécues par les personnes trans, un très net retour de bâton a pu être démontré dans la presse dès le milieu des années 2010 au Royaume-Uni, particulièrement s’agissant des tabloïds ; aux États-Unis, la qualité de la couverture médiatique (mesurée notamment par l’inclusion de la parole de personnes trans dans les articles les concernant) a également été mesurée en chute libre sur certains médias généralistes. Face à des campagnes présentant l’interdiction des bloqueurs endocriniens et le rejet de la transidentité d’un enfant comme une évidence, surévaluant très largement la proportion de personnes ayant entamé puis arrêté un parcours de transition (estimé généralement à environ 1% s’agissant des opérations chirurgicales36Valeria P. Bustos et al., « Regret after Gender-affirmation Surgery: A Systematic Review and Meta-analysis of Prevalence », Plastic and reconstructive surgery. Global open, vol. 9,3 e3477, 19 mars 2021.) et niant la diversité des motivations des personnes qui sont revenues sur leur transition37S. E. James, J. L. Herman, S. Rankin, M. Keisling, L. Mottet, M. Anafi, The Report of the 2015 U.S. Transgender Survey, Washington DC, National Center for Transgender Equality, 2016. (qui incluent principalement la transphobie et le manque de moyens financiers pour recevoir les traitements nécessaires) les journalistes généralistes, peu au fait des réalités des personnes trans et de leur accompagnement, ont relayé des propos sensationnalistes et, parfois en toute bonne foi, les propos et études les plus problématiques.

En France, l’Association des journalistes LGBT (AJL) a largement étudié l’évolution de la couverture médiatique des personnes trans et retrouve les mêmes mécanismes qu’au Royaume-Uni. L’arrivée des discours anti-genre étatsuniens s’est faite graduellement, d’abord par le biais des mobilisations anti-mariage pour tous. La Manif pour tous, devenue entretemps « Syndicat de la famille », est ainsi opposée aux « transitions médicales avant l’âge de 18 ans », sujet qui se retrouve associé à la déploration de la lutte contre les stéréotypes de genre « au motif d’une égalité radicale entre les filles et les garçons, entre les hommes et les femmes ». Certaines initiatives anti-ABCD de l’égalité, lancées dans son sillage, comme Vigigender, semblent également en sommeil relatif, mais d’autres, comme SOS Éducation, ont pris fait et cause sur le sujet.

Cependant, alors que des associations militantes ultra-conservatrices sont en première ligne sur ces questions aux États-Unis et que certains mouvements « féministes » et personnalités populaires (dont J. K. Rowling) au Royaume-Uni permettent une grande visibilité dans la presse, la rue et les réseaux sociaux de leurs arguments, la mobilisation grand public est encore en demi-teinte en France, malgré l’essor relatif d’une certaine vision du féminisme convoquée pour opposer les droits des personnes trans à ceux des femmes, que l’on retrouve dans le « femellisme » de Dora Moutot et Marguerite Stern. Les institutions qui sont historiquement vectrices de mobilisation hostile aux droits des personnes LGBTI+ montent elles aussi peu au créneau publiquement, pour l’instant. Les « fiches-repères » publiées en 2023 par l’Enseignement catholique sur l’éducation affective, relationnelle et sexuelle, n’évoquent ainsi pas les questions de droit ou d’accès aux soins des enfants trans, se contentant de généralités sur l’anthropologie chrétienne et l’identité sexuée.

En revanche, ces groupes entretiennent une pression constante et continue, malgré l’absence de grandes manifestations publiques, depuis 2013, autour de la notion d’« idéologie du genre », visant à faire passer le constat qu’il existe des personnes LGBTI+ et qu’elles ont les mêmes droits que les autres pour une lubie dangereuse. Les enfants demandant à être respectés dans leur prénom et genre grammatical sont ainsi présentés comme « instrumentalisés par des associations militantes ». Le débat parlementaire autour de la loi interdisant les prétendues « thérapies de conversion » a également vu un recours important à cette rhétorique, ainsi qu’une découverte plus étonnante par une partie de la classe politique française que la notion d’identité de genre était présente en droit français depuis 2016.

Dénoncer comme une « idéologie » l’idée que les personnes transgenres existent et ne sont pas ipso facto en moins bonne santé mentale que les autres (comme le dit l’OMS) et qu’elles ont droit à la reconnaissance juridique et sociale de leur identité sans discrimination (comme le dit une jurisprudence croissante et de plus en plus stricte de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que le droit positif français) est très loin d’être une entreprise « neutre », car ce qui est ainsi critiqué est précisément ce qu’il y a de plus factuel, qui dispose du consensus le plus large. C’est bien le postulat inverse (c’est-à-dire celui des mouvements hostiles aux personnes trans et à ce qu’ils appellent « l’idéologie du genre ») qui est minoritaire et résulte d’un a priori particulièrement marqué par un rejet délibéré et principiel de l’état actuel des connaissances. Dans cette même rhétorique, tous ceux et toutes celles qui relaient simplement le consensus juridique et médical le plus large sur l’identité de genre se voient bombardés « militants » ou « activistes » pour mieux noyer le poisson de la transphobie. Plusieurs néologismes comme le « transgenrisme » ou le « transactivisme » sont ainsi apparus ces dernières années et permettent de désigner comme en-dehors du débat rationnel les personnes qui se mobilisent pour les droits des personnes trans. Et c’est peut-être là la spécificité du débat en France par rapport aux autres pays : cette focalisation sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, ce qui est raisonnable et ne l’est pas. En cela, la France se fait volontiers l’écho de la dénonciation, par les mêmes cercles ultra-conservateurs étatsuniens, du « wokisme » et de la « cancel culture », qui rencontre auprès de certains cercles intellectuels classés à gauche ici le même succès que la lutte contre le « politiquement correct » en son temps.

C’est précisément cet argument qui a permis de donner un écho à la première grande concrétisation en France du discours hostile à l’accompagnement des mineurs trans : l’ouvrage La fabrique de l’enfant-transgenre de Caroline Eliacheff et Céline Masson, qui postule que « la transidentité (le besoin de vivre dans un genre différent du « sexe assigné à la naissance ») relève d’une subculture idéologique contagieuse via les réseaux sociaux, se rapprochant par maints aspects de l’emprise sectaire » (p. 11), s’attaque à un documentaire et à la petite fille trans qui en est le sujet (chapitre 1), entièrement réduite à ce qui en est présenté ; présente le fait de choisir un prénom dans le genre ressenti non comme une banale nécessité sociale mais comme une « transition spirituelle » (p. 14) ; associe l’accompagnement des enfants et jeunes trans comme un « scandale sanitaire » lié à la recherche de profits des labos (chapitre 3) ; et compare les personnes trans à des patients souffrant d’anorexie en demande d’opération bariatrique (p. 36), le tout en citant presque exclusivement des auteurs de la constellation SEGM/Genspect/ACPeds (et des philosophes français opposés tantôt au « wokisme », tantôt aux droits de l’enfant). En d’autres termes, les autrices réduisent la transidentité à une maladie mentale qui disqualifie la parole des personnes concernées, accusent les soignants accompagnant les enfants et adultes trans de surmédicalisation par esprit de lucre et présentent l’ensemble des recommandations de l’OMS, de l’APA, de la WPATH comme autant de manipulations sectaires – ce qui est beaucoup pour aussi peu de pages, avec peu de cas concrets sinon des extrapolations sur la symbolique de tel ou tel élément dans un ordre présenté comme absolu et intangible. L’honneur est néanmoins sauf car « c’est ce phénomène qui nous interpelle et non les choix des adultes transgenres appelés auparavant transsexuelles : elles ont toujours existé de façon très minoritaire et, pas plus que d’autres minorités, elles ne doivent faire l’objet de discriminations » (p. 10). La distinction entre la situation de ces dernières et les personnes pour qui « il suffit de vouloir changer de sexe avec le blanc-seing du corps médical afin de le pouvoir » n’est cependant pas simple et semble pouvoir se résumer ainsi : les personnes trans clairement identifiées (si possible opérées comme pourrait le suggérer l’usage du terme « transexuelles » en italique) ont à leurs yeux le droit d’exister en paix, mais uniquement si elles sont peu nombreuses et adultes. Au lieu de considérer l’augmentation du nombre de personnes, adultes et enfants, affirmant leur transidentité comme le simple résultat d’une meilleure acceptation sociale (sachant que leur nombre reste toujours très minoritaire et qu’il est impossible, s’agissant d’une identité fortement discriminée, d’en estimer correctement la part « réelle » au sein de la population38L’augmentation du nombre de gauchers à partir du moment où cela n’a plus été contrarié a ainsi augmenté dans les mêmes proportions, comme le montre une comparaison relayée par Julia Serano.), comme le font la plupart des auteurs, cette augmentation est présentée par les tenants des discours anti-trans comme intrinsèquement problématique et illégitime, ce qui est en soi un postulat pour le moins biaisé. Cette notion se retrouve dans la présentation du désistement comme quelque chose de souhaitable, et si possible fréquent ; mais même en prenant les estimations les plus favorables à la thèse des mouvements anti-genre, les « détransitionneurs » représentent une toute petite minorité39Voir Bustos et al., op. cit., note 35., sur laquelle il ne serait pas légitime ou éthique de fonder une politique publique dans sa totalité (aussi légitime et respectable que soit leur parole – qui d’ailleurs est bien souvent opposée à l’instrumentalisation de leur situation par les mouvements anti-genre40C’est notamment le cas de Ky Schevers. Voir aussi cet article dans le Bulletin of Applied Trans Studies.). Comment donc interpréter la préconisation d’interdire les traitements les plus réversibles, les bloqueurs endocriniens, prescrits par ailleurs depuis des décennies aux petites filles menstruées trop jeunes sans que cela soit considéré problématique, comme autre chose que le souhait de privilégier des enfants « sains » (cisgenres) par rapport à des enfants « pathologiques » (transgenres) bien plus nombreux ? Cette dichotomie entre enfants « réellement » trans, pathologisés, et enfants « faussement » trans, qui devraient être remis sur le « droit chemin », est problématique à tous les égards, et en premier lieu contredit l’état de l’art. Même si les autrices ne justifient pas la « discrimination » à l’égard des personnes trans, le discours qu’elles promeuvent auprès des parents, travailleurs sociaux et soignants aboutit mécaniquement à la disqualification de la parole de tous les enfants en questionnement de genre et des personnes trans dans leur ensemble et à la légitimation d’approches visant à les « corriger » – ce qu’on appelle les « thérapies de conversion ». La démarche d’« attente vigilante » promue dans ce cadre, dont l’efficacité n’a jamais été démontrée41Florence Ashley, « Interrogating Gender-Exploratory Therapy », Perspectives on Psychological Science, 18(2), 2023, pp. 472-481., déconsidère par principe la parole de l’enfant sur lui-même, ne respecte pas la manière dont il se représente et veut être connu, et lui fait entendre que ce qu’il confie sur lui-même est en soi délirant. Pire, aux États-Unis, les mouvements anti-trans ont émis pour les parents un guide Desist, Detrans & Detox (désormais disponible en français) qui présente comme des méthodes éducatives parfaitement acceptables le fait de couper l’accès des enfants à Internet, à leurs amis et aux adultes (y compris enseignants) qui ont un discours acceptant leur transidentité – ce qui représente une mise à l’isolement violente. Ce guide, diffusé par le groupe Advocates Protecting Children (APC), proche de l’ACPeds, ne fait que reprendre l’idée de la dérive sectaire, en la menant à sa conclusion logique, c’est-à-dire à l’usage de pratiques de « déconditionnement », par définition brutales, sur des enfants – mais la vision de la « protection de l’enfance » qu’il prétend défendre ressemble dès lors fortement à de la violence.

Si donc le message anti-trans est passé, contrairement aux pays anglophones, plus par des ouvrages positionnés comme œuvres de spécialistes ou tout au moins de journalistes que par des mobilisations militantes d’ampleur, la vision d’ensemble que défendent ces ouvrages est tout aussi problématique que dans ces pays. Et il est sans rapport aucun avec la réalité des accompagnements des enfants trans en France. Comme l’a rappelé Claire Vandendriesche du Réseau santé trans, dans son audition sénatoriale, reprenant les données du service de la Pitié-Salpêtrière42Voir plus généralement C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d’Île-de-France », Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, vol. 71, n°5, septembre 2023, pp. 270-280. à Paris, « 11% seulement des jeunes admis ont bénéficié de bloqueurs de puberté, en moyenne à 14 ans, après en moyenne dix mois de consultations par l’équipe pluridisciplinaire (professionnels de santé mentale, endocrinopédiatres, biologistes de la reproduction). Les hormones sexuelles ont été prescrites pour moins de la moitié des jeunes trans admis, en moyenne à 17 ans, après quatorze mois de consultations par l’équipe pluridisciplinaire. Seuls 30 jeunes transmasculins admis, sur la période 2012-2022, ont bénéficié de torsoplastie, en moyenne à 18 ans et demi ». Par ailleurs, il faut le rappeler tant la focale sur les traitements médicaux et chirurgicaux des ouvrages anti-trans en France est assourdissante, toutes les personnes trans ne souhaitent pas bénéficier de tels accompagnements et cela n’invalide en rien leur existence ou leurs droits. Entre choix personnels et questionnements sur leur identité de genre, la grande majorité des adolescents trans n’est ainsi pas prise en charge par des services comme celui de la Pitié-Salpêtrière : seuls 2% des personnes trans de 15 à 17 ans ayant répondu à l’étude 2019 de l’Agence européenne des droits fondamentaux bénéficient ou ont bénéficié de soins trans-spécifiques.

Compte tenu du gouffre entre les description faite par les ouvrages antigenre et la réalité effective, de leur portée pathologisante et disqualifiante envers les enfants en questionnement de genre, des accusations à peines voilées de suivisme et d’opportunisme faites aux soignants qui les accompagnent et du complotisme généralisé qui les traverse, il n’est pas étonnant que les parents et adultes accompagnant des enfants trans, les personnes trans en général et les personnes qui défendent leurs droits ne reconnaissent aucune scientificité à ces ouvrages et s’opposent à leur diffusion, notamment dans le cadre académique. Si les mots et actes de certains opposants aux autrices sont maladroits ou violents, dans une société polarisée traversée par l’outrance verbale, c’est aussi, très massivement, le cas des mots et actes de leurs soutiens43Comme en attestent les accusations et propos violents reçus sur les réseaux sociaux par l’intégralité des auteurs et autrices de cette note sur cette question.. C’est pourquoi le succès des tribunes en soutien aux autrices des principaux ouvrages antigenre en France, nouveau genre littéraire à part entière, est particulièrement intrigant. On y lit par exemple, entre deux points Godwin, que les personnes qui sont en désaccord avec les autrices manient une « rhétorique radicale, intimidante, menaçante, invoquant la lutte contre les discriminations, véritable bouclier victimaire neutralisant toute contradiction » (faut-il comprendre que la question des discriminations doit être tue ?) et, sans transition, que les autrices seraient les seules garantes de la scientificité™ et devraient systématiquement être citées, alors même que leurs travaux sont très minoritaires dans la littérature, reposent sur l’exclusion par principe de la parole des personnes dont elles parlent et de la grande majorité des études récentes, tout en incluant a contrario des travaux bien plus contestés. Les « format[eurs] missionnés et rémunérés par l’Université » qui n’ont pas été convaincus du caractère scientifique des autrices sont donc priés, par le biais de tribunes prétendant défendre le débat scientifique, de « se faire l’écho de la controverse médicale » dans leurs interventions à l’université, au besoin en les menaçant des foudres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche44Dans la tribune de février 2024 du Point à ce sujet.. On ne peut à la fois réclamer la liberté académique pour présenter ses travaux et la refuser aux autres : en cherchant à intimider les personnes réellement connaisseuses des réalités vécues par les personnes trans et de l’accompagnement en santé et en droit des transitions, ces tribunes cherchent de fait à imposer par le tribunal médiatique une « controverse » rejetée par le champ scientifique – même si ce n’est sans doute pas l’intention de tous leurs signataires.

La pression sur les universitaires et professionnels qui ne se retrouvent pas dans ces thèses passe aussi par le champ contentieux, et c’est plus particulièrement le domaine de Juristes pour l’enfance, autre association montée en puissance pendant les débats du Mariage pour tous. Saisie par le ministre de la Santé, la Haute Autorité de santé (HAS) élabore actuellement les premières recommandations sur « le parcours de transition des personnes en questionnement sur leur identité de genre ou transgenres ». Comme toujours en pareil cas, l’identité des personnes participant au groupe de travail concerné n’est pas rendue publique pendant les travaux, pour éviter précisément toute pression. Le groupe de travail inclut également, comme de juste, des personnes elles-mêmes trans au titre de la participation des usagers : rendre ce statut public peut être un outing. Mais Juristes pour l’enfance a obtenu une condamnation enjoignant la HAS à rendre publiques ces informations. La HAS s’est pourvue en cassation.

Enfin, la disqualification des personnes soutenant les démarches affirmatives passe aussi par une conception bien étrange du conflit d’intérêt. C’est ainsi que le Rapport relatif à la santé et au parcours de soins des personnes trans, remis à Olivier Véran en 2022 par le Dr Hervé Picard et Simon Jutant avec l’appui de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), est présenté dans un guide rédigé par l’association Ypomoni comme « écrit par deux militants trans », ce qui poserait « la question du conflit d’intérêts, les seuls experts de la question étant les principaux intéressés » (p. 30). Les auteurs sont donc d’emblée exclus de la scientificité en raison de leur identité de genre vraie ou supposée, malgré leur parcours et leurs diplômes. Imagine-t-on un groupe de travail sur la santé des femmes où les femmes seraient d’emblée disqualifiées ?

La plainte en diffamation est aussi parfois utilisée contre les associations qui dénoncent la portée transphobe des propos de l’Observatoire de la petite sirène, groupe de personnes proches d’Eliacheff et de Masson. La commission LGBTQI+ des Verts a ainsi été inquiétée pour son ABC Queer pendant de longs mois : des associations sans moyens n’auraient pas pu faire face à un tel procès qui aurait donc eu l’effet d’une procédure-bâillon. Enfin, Mediapart a également révélé la stratégie utilisée par l’association Ypomoni pour encourager la multiplication des recours au procureur de la République.

Conclusion

À l’heure où paraît cette note, le versant parlementaire de ce débat ne fait que commencer, et de ce débat dépendra en grande mesure non seulement l’accompagnement en santé des personnes trans mais aussi la perception plus large de leur participation à la cité et de leurs droits.

Le débat, délibérément présenté comme une « controverse scientifique », alors même que le champ spécialisé ne reconnaît pas cette dernière (mais dans lequel s’autoconvoquent des médecins qui « n’[ont] pas de consultation spécialisée, car il[s] s’y oppose[nt] par principe »), paraît technique. Grande est la tentation de se contenter de rejeter les anathèmes et de laisser le débat se faire « entre spécialistes ».

Mais ce serait une erreur, et pas uniquement parce qu’une bonne partie des « spécialistes » sont éminemment contestables. Car derrière la question de la médecine, il y a la question du droit des personnes à disposer de leurs corps, à participer aux décisions qui les concernent, et à être protégées des violences (ce qui implique de ne pas être publiquement outé à chaque mention de son nom ou de ses pronoms). Il y a aussi, s’agissant d’enfants, la question de la détermination de leur intérêt, sur laquelle la Défenseure des droits a publié un avis très clair. Ce sont les droits qui tiennent en l’état la médecine et non l’inverse, principe qu’a reconnu théoriquement le législateur français avec la loi Justice du XXIe siècle en 2016 qui a supprimé la nécessité de certificats médicaux – notamment de stérilisation totale, exigence pour laquelle la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme – pour obtenir le changement de la mention du genre à l’état civil. Si cette évolution n’est pas encore complète en France, plusieurs pays européens ont entièrement démédicalisé et déjudiciarisé cette procédure (Belgique, Danemark, Irlande, Islande, Malte, Norvège, Portugal et Suisse – ainsi que l’Allemagne depuis avril 2024).

En jouant avec les stéréotypes et les peurs, les campagnes de désinformation sur les réalités des personnes trans, leur accompagnement en santé et leurs droits créent un climat délétère pour toutes les personnes trans : elles ont profondément dégradé, au détriment de la santé des personnes concernées, les soins apportés par le système de santé publique au Royaume-Uni, elles ont contraint des centaines de familles étatsuniennes à l’exil vers un autre État. Surtout, elles légitiment le stéréotype faisant des personnes LGBTI+ un danger pour l’enfance, et donc l’émergence de « justiciers » autoproclamés : en 2022, l’hôpital pour enfants de Boston a ainsi fait l’objet de trois alertes à la bombe dans la même semaine au nom de l’opposition aux accompagnements en santé des jeunes trans.

La « controverse scientifique » qui est montée en épingle par les opposants à l’état actuel des recommandations n’est au fond pas réellement une question de scientificité contre scientificité, même si on y retrouve des conflits de méthode entre interprétation clinique non réfutable (et donc non scientifique au sens de Popper) fondée sur une observation plus ou moins directe et un référentiel freudien d’une part et une approche empirique quantitative de tradition plus anglophone de l’autre. Car il n’y a pas de débat possible entre deux postulats de départ, deux façons aussi éloignées d’envisager la question : entre une position qui considère d’emblée et irréfutablement le fait d’être transgenre comme un élément négatif, une pathologie mentale qui se traite, ou une tare sociale tolérable en faible nombre – en tous les cas un ressenti erroné des personnes qui entraîne leur disqualification comme sujets de droit et de discours – ; et celle qui considère la transidentité comme une façon d’être au monde comme une autre, qui peut être accompagnée lorsqu’elle est source de souffrance mais qui ne justifie jamais de dessaisir les personnes qui la vivent de leur capacité à dire leur ressenti et à être respectées comme telles.

Il ne s’agit en dernière analyse pas plus d’un débat scientifique que lorsque la phrénologie prétendait dire les personnes mieux qu’elles-mêmes, que lorsque les raisonnements à prétention scientifique prétendaient déterminer la valeur de chaque personne à l’aune de sa couleur de peau indépendamment de ses accomplissements. Une « science » qui disqualifie par ses postulats l’existence ou la valeur des uns ne présente pas à ces derniers un champ de débat scientifique à égalité d’armes. Si une « idéologie » est à trouver dans cette affaire, ce serait bien plutôt du côté de la vision surplombante et disqualifiante, à qui revient par ailleurs la charge de la preuve. Le véritable débat, ici, n’est pas interne à la science : il est sur l’éthique de la science, ses limites, et sur les principes les plus fondamentaux des droits humains, et il doit se faire en incluant avant tout la parole des personnes trans, premières concernées.

Car notre société est encore très loin d’avoir accordé aux personnes trans le respect minimal qui leur permettrait de participer pleinement, comme tous les autres citoyens et toutes les autres citoyennes, à la vie de la cité. Malgré les progrès (relatifs) de la loi Justice du XXIe siècle, qui facilite le changement de la mention du sexe et celle du prénom à l’état civil, la démarche reste inutilement lourde et longue ; elle n’est pas fondée sur l’auto-détermination (c’est-à-dire sur la base de la déclaration de la personne concernée), alors que c’est le principe vers lequel devraient tendre les législations nationales en la matière selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme45Le devenir d’une autre proposition de loi sénatoriale, celle de Mélanie Vogel, sur la simplification de la reconnaissance du genre à l’état civil, sera particulièrement intéressant à suivre dans cette optique.. Plusieurs initiatives importantes sont actuellement en cours pour déjudiciariser le changement de la mention du sexe à l’état civil et le fonder sur l’auto-détermination, en particulier la campagne Juge pas mon genre, de l’association Toutes des femmes : cette évolution est très attendue et nécessaire. De plus, à l’heure actuelle, il faut noter que les évolutions de 2016 ne sont pas toujours maîtrisées ou acceptées par l’ensemble des services dédiés sur le territoire français, comme en attestent les situations accompagnées par les associations. Le droit français se hâte lentement de faire droit aux changements d’état civil, alors même que ne pas disposer de documents d’identité adaptés est un frein à l’intégration sociale et professionnelle et expose aux violences.

Les discriminations et violences en lien avec l’identité de genre sont également une réalité omniprésente vécues par les personnes trans au quotidien, comme le montrent les enquêtes en victimation sur ce public souvent négligé. Et c’est également le cas à l’école : permettre de reconnaître le prénom et le genre d’usage de l’enfant dans les écoles (sans obligatoirement en passer par l’état civil), comme le fait la circulaire dite Blanquer, donne aux enfants trans une chance d’échapper au harcèlement. En référer systématiquement aux parents est par ailleurs discutable, dans la mesure où cela peut dans certains cas (sur-) exposer l’enfant à des violences intrafamiliales. Pourtant, même l’aménagement permis par cette circulaire suscite l’ire des mouvements ultraconservateurs, et se trouve ainsi visée par la proposition de loi réputée concerner l’accès aux soins des mineurs trans. En Italie, le dispositif « Carriera alias » mis en place dans des centaines d’universités dans la même optique que la circulaire « Blanquer » se retrouve de même mis en cause, à l’initiative… de Fratelli d’Italia, le parti de Giorgia Meloni.

En matière de santé, les parcours de soins adaptés ne sont pas accessibles à tous, particulièrement pour les personnes qui ne disposent même pas de l’aide médicale d’État (AME). Les traitements hormonaux, même lorsqu’ils sont prescrits, ne sont pas toujours disponibles en nombre suffisant. Pour ceux qui en bénéficient ou souhaitent en bénéficier, ces traitements relèvent de la santé et ont fait la preuve de leur utilité, notamment s’agissant de la réduction du risque suicidaire pour les adultes46Anthony N. Almazan, Alex S. Keuroghlian, « Association Between Gender-Affirming Surgeries and Mental Health Outcomes », JAMA Surg, 2021. comme pour les enfants et les jeunesDiana M Tordoff et al., « Mental Health Outcomes in Transgender and Nonbinary Youths Receiving Gender-Affirming Care », JAMA network open, vol. 5, 2, février 2022.. Ils relèvent de la santé globale et nécessaire, tout blocage ou ralentissement dans leur accès représente une possible maltraitance.

Enfin, rappelons qu’il existe, en France, une population d’enfants à qui des opérations mutilantes sur les organes génitaux sont pratiquées sans nécessité vitale alors qu’elles pourraient sans dommage être remises à une période où l’enfant avec ses parents aurait la capacité d’émettre s’il le souhaite un consentement éclairé. Il ne s’agit pas des enfants transgenres, mais des enfants intersexes47Flora Bolter, Anne-Lise Savart, Défendre les droits des personnes intersexes, Fondation Jean-Jaurès, 26 juin 2020.. Quiconque souhaite se préoccuper de protéger réellement des enfants, souvent en très bas âge, contre des opérations que dans l’écrasante majorité des cas ils vont regretter devrait se préoccuper de faire réellement interdire ces interventions-là – et pourtant, comme il s’agit d’imposer par une violence médicale la dichotomie homme/femme à une réalité biologique qui se dérobe, le sujet peine à émerger dans le débat public.

En dernière analyse, ce qui est en débat ici, c’est aussi une manière de voir le droit et la médecine dans notre société. Là où l’approche par les droits humains pose le respect de l’autodétermination et du vécu des personnes au nom des libertés individuelles, l’approche antigenre érige le respect d’un ordre absolu et transcendant comme supérieur au débat politique et juridique. Le fait que ce soient des personnes réputées investies de la science (y compris lorsque le consensus scientifique ne va pas dans leur sens) qui soient les passeurs de cet ordre transcendant plutôt que des religions révélées ou un monarque de droit divin ne change pas substantiellement la grammaire de ce rapport à la loi ou à la norme : l’opposition entre ces deux paradigmes est ancienne et bien plus large que ce seul enjeu. La gauche a traditionnellement choisi la voie des droits humains et du débat démocratique. Il serait dramatique, au nom d’une protection de l’enfance invoquée à tort, qu’elle se range aujourd’hui, à la faveur des pièges parlementaires posés par LR et le RN, du côté qui n’est pas le sien.

Pour aller plus loin

Sur les recommandations françaises et internationales en termes de droits fondamentaux
Défenseur des droits : avis 24-05 du 6 mai 2024 relatif à la proposition de loi n°435 visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, déposée au Sénat le 19 mars 2024.
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe : document thématique « Droits humains et identité and expression de genre » (mars 2024). Texte anglais (traduction en cours).

Sur l’état des lieux en France et recommandations internationales en termes d’accompagnement en santé des parcours de transition
Hervé Picard (Dr) et Simon Jutant, Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans remis à M. Olivier Véran, ministre de la Santé. Paris, janvier 2022.
E. Coleman, A. E. Radix, W. P. Bouman, G. R. Brown, A. L. C. de Vries, M. B. Deutsch, R. Ettner, et al., « Standards of Care for the Health of Transgender and Gender Diverse People, Version 8 », International Journal of Transgender Health 23, n° sup. 1 (2022), S1–259 (Standards de soin de la WPATH, version 8).

Sur l’état de la recherche concernant les effets de la transition sur le bien-être des personnes trans
What We Know Project, Cornell University, « What Does the Scholarly Research Say about the Effect of Gender Transition on Transgender Well-Being? » (online literature review), 2018.

Sur les mouvements anti-genre
Sara Garbagnoli et Prearo Massimo, La croisade « anti-genre » : du Vatican aux manifs pour tous, Paris, Textuel, coll. « Petite encyclopédie critique », 2017.
Roman Kuhar, David Paternotte, Campagnes anti-genre en Europe. Des mobilisations contre l’égalité,  Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2018.
Mediapart, Mineurs trans : la fabrique d’une panique. Série d’enquêtes, mai 2024.

  • 1
    Autrice de Vivre sa transidentité à l’école (Éditions Double ponctuation, 2022).
  • 2
    Membre de la coordination de HES LGBTI+, élu à la ville de Marseille.
  • 3
    Chercheuse indépendante, autrice de La Panique woke (Éditions Textuel, 2022).
  • 4
    Caroline Eliacheff, Céline Masson, La fabrique de l’enfant-transgenre, Paris : Éditions de l’Observatoire, février 2022. Expressions citées dans La Croix.
  • 5
    Dora Moutot, Marguerite Stern, Transmania, Paris, Magnus, avril 2024. Expression utilisée dans la communication de l’éditeur.
  • 6
    Pour reprendre l’expression d’une émission restée célèbre de Ménie Grégoire le 10 mars 1971 sur « L’homosexualité, ce douloureux problème », qui fut interrompue par des militantes du MLF qui devinrent par la suite le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR). Voir la note de Denis Quinqueton, Il y a cinquante ans, le « commando saucisson » du MLF à l’assaut d’ « Allo Ménie » sur RTL, Fondation Jean-Jaurès, 10 mars 2021.
  • 7
    Dans les faits, nous rappelons que le texte en question, outrancier, n’est pas issu d’une « mission parlementaire » mais d’un groupe de travail interne au groupe de droite Les Républicains. Une mission parlementaire est nécessairement transpartisane et donne lieu à des auditions, souvent publiques, organisées par les services du parlement. Rien de tout cela dans la proposition de loi en question, comme l’a montré Mediapart.
  • 8
    Cité par Adam Nagourney et Jeremy W. Peters dans « How a Campaign Against Transgender Rights Mobilized Conservatives », New York Times, 16 avril 2023.
  • 9
    Philip Edward Jones, Paul R. Brewer, Dannagal G. Young, Jennifer L. Lambe, Lindsay H. Hoffman, « Explaining Public Opinion toward Transgender People, Rights, and Candidates », Public Opinion Quarterly, vol. 82, n°2, été 2018, pp. 252–278.
  • 10
    L’émergence des notions d’homosexualité/bisexualité/hétérosexualité, de même que celle d’identité transgenre/cisgenre, a une histoire (comme le démontrait Michel Foucault), et il serait anachronique d’utiliser ces concepts avant les XIXe-XXe siècles. L’histoire abonde cependant de personnes que l’on décrirait aujourd’hui comme LGBTI+, et de nombreux archéologues se spécialisent dans l’étude de ces histoires de vie (personnes ayant vécu dans une autre identité de genre que leur sexe biologique, couples et relations de même genre). Voir Sapiens.org.
  • 11
    Outre le classique La Volonté de savoir de Michel Foucault, on peut se référer utilement à la synthèse faite par Daniel Borrillo de « l’homophobie clinique » au cours de l’histoire pour plus d’éléments : Daniel Borillo, « Les doctrines hétérosexistes et l’idéologie homophobe », dans Daniel Borrillo (dir.), L’homophobie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2001, pp. 55-83.
  • 12
    Principes juridiques portant sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre rédigés par une commission internationale, adoptés par le Conseil des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies en 2007 et mis à jour en 2017.
  • 13
    Dans le cas français, le législateur a agi en demi-teinte, les mesures concernant les personnes trans étant intégrées à des textes plus généraux, alors même que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme en 2017. Le côté ancillaire de ces aménagements explique peut-être en partie le manque de visibilité du grand public sur cette législation, et le manque de connaissance par la classe politique des enjeux de droit autour du traitement par l’état civil des situations des personnes trans.
  • 14
    Consultable ici (p. 20). Signalons par ailleurs que l’image du Léviathan est assez proche de celle de l’hydre ou de la pieuvre et que cette propagande a une histoire redoutable.
  • 15
    Les États-Unis sont à l’heure actuelle le seul pays au monde à n’avoir pas ratifié cette convention. Voir ici sur les conséquences de ce choix et pour une courte explication de ses motivations politiques.
  • 16
    Voir par exemple l’article « Transnationalisation/mobilisations transnationales » de David Paternotte dès 2013 dans Catherine Achin (dir.), Dictionnaire. Genre et science politique. Concepts, objets, problèmes, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Références », 2013, pp. 504-516.
  • 17
  • 18
    On peut néanmoins noter que le drapeau russe précise sous le logo ce que sous-entendait sans l’assumer complètement le mouvement français : il s’agit de la « vraie famille » (Настоящая Cемья) hétéroparentale, les autres étant par conséquent fausses.
  • 19
    Voir aussi le rapport La partie émergée de l’iceberg, op. cit., p. 84 et suivantes, pour une liste de ces principaux réseaux et acteurs.
  • 20
    R. Blanchard, « The concept of autogynephilia and the typology of male gender dysphoria », J Nerv Ment Dis, octobre 1989.
  • 21
    Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, publié par l’Association américaine de psychiatrie (États-Unis), définissant des critères standardisés pour la classification des troubles mentaux. Ce manuel est utilisé aux États-Unis et sert plus ou moins de référence (sans être exempt de critiques) partout dans le monde.
  • 22
    Expression désignant des fantasmes et comportements sexuels souvent désignés dans l’usage courant comme des « perversions ». Voir Psychologies.com pour une présentation grand public de la notion.
  • 23
    Voir Charles Moser, « Blanchard’s Autogynephilia Theory: A critique », Journal of Homosexuality, 57(6), 2010, pp. 790–809.
  • 24
    Voir Julia Serano, « Autogynephilia: A scientific review, feminist analysis, and alternative ‘embodiment fantasies’ model », The Sociological Review, 68(4), 2020, pp. 763-778. On peut aussi souligner que les personnes cisgenres engagent souvent des modifications corporelles, notamment hormonales et chirurgicales, dans l’optique d’améliorer leur vie sexuelle, sans que ces modifications ne soient perçues comme un fétichisme disqualifiant leur existence.
  • 25
    Dora Moutot, Marguerite Stern, Transmania : enquête sur les dérives de l’idéologie transgenre, Paris, Magnus, 2024.
  • 26
  • 27
    Suzanna Diaz, J. Michael Bailey, « Rapid Onset Gender Dysphoria: Parent Reports on 1655 Possible Cases », Arch Sex Behav, avril 2023. C’est le même J. Michael Bailey que précédemment.
  • 28
  • 29
    Florence Ashley, « Rapid-Onset Gender Dysphoria », GLAD!, 31 décembre 2022.
  • 30
    On peut trouver une explication de ces termes ainsi qu’un échange sur la notion de biais dans l’échange entre les Pr. Costagliola et Vicaut sur le site de la Fondation pour la recherche médicale.
  • 31
    John Worrall, « Evidence and ethics in medicine », Perspectives in Biology and Medicine, 2008.
  • 32
    Florence Ashley, Diana M. Tordoff, Johanna Olson-Kennedy et Arjee J. Restar, « Randomized-controlled trials are methodologically inappropriate in adolescent transgender healthcare » International Journal of Transgender Health, 2023.
  • 33
    On pourra en trouver une présentation critique en français ici.
  • 34
    What We Know Project, Cornell University, « What Does the Scholarly Research Say about the Effect of Gender Transition on Transgender Well-Being? » (online literature review), 2018.
  • 35
    Le test de Gillick renvoie en droit britannique à la manière d’évaluer la capacité d’un enfant de moins de 16 ans à consentir à des décisions concernant la contraception, et a été étendu à de nombreuses autres décisions médicales dont les bloqueurs endocriniens. C’est un terme juridique renvoyant à une affaire des années 1980 ; il est l’outil juridique qui permet d’établir le droit des adolescentes à la contraception et à l’IVG. Sa remise en cause par des personnes se réclamant du féminisme qui se sont félicitées de la décision de première instance de l’affaire Bell v. Tavistock est pour le moins inquiétante. Voir M. F. Moscati, « Trans* identity does not limit children’s capacity: Gillick competence applies to decisions concerning access to puberty blockers too! », Journal of Social Welfare and Family Law, 44(1), 2022, pp. 130–132.
  • 36
    Valeria P. Bustos et al., « Regret after Gender-affirmation Surgery: A Systematic Review and Meta-analysis of Prevalence », Plastic and reconstructive surgery. Global open, vol. 9,3 e3477, 19 mars 2021.
  • 37
    S. E. James, J. L. Herman, S. Rankin, M. Keisling, L. Mottet, M. Anafi, The Report of the 2015 U.S. Transgender Survey, Washington DC, National Center for Transgender Equality, 2016.
  • 38
    L’augmentation du nombre de gauchers à partir du moment où cela n’a plus été contrarié a ainsi augmenté dans les mêmes proportions, comme le montre une comparaison relayée par Julia Serano.
  • 39
    Voir Bustos et al., op. cit., note 35.
  • 40
    C’est notamment le cas de Ky Schevers. Voir aussi cet article dans le Bulletin of Applied Trans Studies.
  • 41
    Florence Ashley, « Interrogating Gender-Exploratory Therapy », Perspectives on Psychological Science, 18(2), 2023, pp. 472-481.
  • 42
    Voir plus généralement C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d’Île-de-France », Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, vol. 71, n°5, septembre 2023, pp. 270-280.
  • 43
    Comme en attestent les accusations et propos violents reçus sur les réseaux sociaux par l’intégralité des auteurs et autrices de cette note sur cette question.
  • 44
    Dans la tribune de février 2024 du Point à ce sujet.
  • 45
    Le devenir d’une autre proposition de loi sénatoriale, celle de Mélanie Vogel, sur la simplification de la reconnaissance du genre à l’état civil, sera particulièrement intéressant à suivre dans cette optique.
  • 46
    Anthony N. Almazan, Alex S. Keuroghlian, « Association Between Gender-Affirming Surgeries and Mental Health Outcomes », JAMA Surg, 2021.
  • 47
    Flora Bolter, Anne-Lise Savart, Défendre les droits des personnes intersexes, Fondation Jean-Jaurès, 26 juin 2020.

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