Face au séisme politique dans l’histoire de la Ve République que représentent la dissolution de l’Assemblée nationale et la campagne éclair pour les législatives les 30 juin et 7 juillet prochains, Théo Verdier, co-directeur de l’Observatoire Europe de la Fondation, analyse le traitement médiatique de cette séquence électorale inédite autour de trois questions : quels sont les thèmes qui ont le plus occupé le débat public ? Qui a incarné la recomposition de la politique française ? Quels ont été les épisodes les plus visibles à la télévision et à la radio ?
« Déchaînement, nom masculin : fureur de ce qui n’est plus contenu ». La définition du Larousse peut utilement décrire l’emballement général qui a saisi la scène politique et médiatique depuis l’annonce de la dissolution. Par une allocution télévisée de moins de cinq minutes, le président de la République a lancé une campagne éclair de vingt-et-un jours que l’extrême droite aborde en position de force.
La pression qui en résulte a décadenassé l’équation partisane, accélérant la tripartition de la vie politique française. Elle a également condensé la couverture médiatique du scrutin, chaque journée de campagne offrant plusieurs événements d’ampleur. Au moment de se rendre aux urnes et de procéder à un renversement des hiérarchies installées à l’Assemblée nationale, on peut s’interroger sur ce que les Français ont perçu de la campagne. Quels sont les thèmes qui ont le plus occupé le débat public ? Qui a incarné la recomposition de la politique française ? Quels ont été les épisodes les plus visibles à la télévision et à la radio, qu’ils soient du domaine des partis, des programmes ou des événements qui ont jalonné l’actualité ?
En vue d’avancer une première série de réponses, la Fondation Jean-Jaurès a réalisé avec l’institut Onclusive une analyse de la médiatisation de la campagne des élections législatives portant sur les contenus diffusés ou publiés dans 117 médias généralistes (TV, radio, presse, web) entre le 9 et le 21 juin 2024.
Synthèse des résultats
Ces travaux portent sur un corpus de 16 124 sujets de TV et de radios ainsi que d’articles web et papier relatifs à la campagne des élections législatives depuis le soir de la dissolution. L’analyse de ces données met en lumière cinq constats.
- Le scrutin constitue l’événement politico-médiatique de la décennie. Sur une période similaire, les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 génèrent davantage de bruit médiatique que les deux dernières élections présidentielles, ou encore que les deux précédentes élections législatives et européennes.
- Au-delà de l’annonce de la dissolution elle-même et du suivi de l’actualité d’Emmanuel Macron, la séquence de cristallisation des deux blocs de gauche et d’extrême droite a constitué le principal sommet médiatique de la campagne. Quasiment absent des débats lors de la campagne des élections européennes, Éric Ciotti est la troisième personnalité la plus visible dans nos médias depuis le 9 juin dernier, avec une mise en lumière concentrée lors de la séquence de son ralliement au RN.
- Le bruit médiatique des législatives impose Jordan Bardella comme l’acteur central de la campagne. Il est la deuxième personnalité la plus visible aux yeux des Français derrière le président de la République et devant Marine Le Pen ainsi que le Premier ministre Gabriel Attal. À l’inverse, la médiatisation de la gauche s’est faite à travers plusieurs incarnations, Jean-Luc Mélenchon et Raphaël Glucksmann étant les deux voix les plus audibles, devant les autres chefs de parti du Nouveau Front populaire (NFP).
- Le contenu des débats se concentrent sur les thèmes sociaux. 11% du bruit médiatique de la campagne évoquent le sujet des retraites (premier thème cité), suivi par le pouvoir d’achat (7% du bruit médiatique). L’immigration (6%) et l’antisémitisme (6%) ont été les deux autres enjeux les plus débattus.
- La question de l’antisémitisme a été traitée sous un double prisme. En premier lieu, l’affaire du viol antisémite de Courbevoie (227 mentions dans des articles publiés et sujets diffusés du 19 au 21 juin) et des commentaires politiques qui s’y sont attachés ; en second lieu, les accusions d’antisémitisme à l’égard de La France insoumise, un cinquième (20%) du bruit médiatique lié aux contenus concernant Jean-Luc Mélenchon mentionnant cette question.
- Un relevé annexe a été effectué par la Fondation Jean-Jaurès sur une série de sept émissions de CNews, Europe 1 et C8 entre le 10 et le 21 juin. Il révèle que 35% des 91 invités politiques recensés sur les trois chaînes (TV et radios) représentent ou se disent proches du bloc d’extrême droite, qu’ils soient du Rassemblement national, de Reconquête ! ou de la ligne LR favorables à l’alliance avec le RN. Pour les deux émissions animées par Cyril Hanouna dans la période, Touche pas à mon poste sur C8 et On marche sur la tête sur Europe 1, 54% des invités politiques sont du bloc d’extrême droite. Seul le communiste Léon Deffontaines représente la gauche dans ces émissions (à deux reprises sur les 26 interviews politiques décomptées).
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Abonnez-vousL’événement politico-médiatique de la décennie
Le premier constat est celui de la puissance médiatique de la campagne. Nos relevés portent sur les deux premières des trois semaines de campagne, de l’annonce de la dissolution du dimanche 9 juin au vendredi 21 inclus. Sur une durée comparable, le bruit médiatique généré par le scrutin dépasse celui des deux dernières élections présidentielles, législatives et européennes depuis 2017.
Graphique n°1. Médiatisation comparée d’une série d’événements politiques
En unités de bruit médiatique. Médiatisation calculée sur une durée identique de treize jours se concluant au terme de l’avant-dernière semaine de campagne. (*) Exception faite des données relatives aux deux COP qui, sur une durée identique, couvrent le jour d’ouverture.
Sens de lecture : les élections législatives de cette année ont généré 20 195 UBM sur la période étudiée dans les médias dans les 117 médias généralistes du corpus (voir annexes).
Les législatives 2024 ont généré en treize jours un bruit médiatique proche de celui qu’avait provoqué la campagne présidentielle en cinq semaines en 2022 (23 373 UBM). À titre de comparaison, la couverture du championnat du monde de football au Qatar la même année avait généré 27 585 UBM.
La campagne a été omniprésente aux yeux des Français, quelle que soit leur manière de s’informer. On compte depuis le soir des élections européennes pas moins de 228 couvertures de titres de presse consacrées au sujet, dont 109 dans la presse quotidienne régionale. Ouest-France, premier titre de presse écrite en France, a mentionné les rendez-vous des 30 juin et 7 juillet en une de son journal dans six éditions sur deux semaines. Le 20H de TF1, premier journal télévisé de France, a consacré 68 sujets à la question entre le 10 et le 21 juin, soit une moyenne de plus de 5 sujets par édition quotidienne. Le JT du soir de France 2 totalise 86 sujets dédiés sur la même période, soit une moyenne de plus de 7 sujets par jour.
Autre élément qui contextualise l’impact médiatique de la campagne, les élections législatives ont généré près de six fois plus de contenus que les européennes dans la base de 117 TV, radios et médias web/papier suivis par Onclusive sur une période analogue.
Graphique n°2. Médiatisation comparée des élections européennes et législatives en 2024
Nombre de contenus publiés / diffusés. Médiatisation calculée sur une durée identique de treize jours se concluant au terme de l’avant-dernière semaine de campagne.
Une campagne courte, centrée sur la recomposition partisane
Le délai de 21 jours entre l’annonce de la dissolution et la tenue du premier tour des élections législatives en fait la plus courte des campagnes post-dissolution de la Ve République. Elle demeure comparable aux dissolutions de 1981 et 1988 (23 et 22 jours) mais est plus courte d’un tiers par rapport à celle de 1997 (34 jours).
Cette compression temporelle engendre une bataille électorale jouée dans l’urgence et monopolisée par la mise en lumière de la recomposition politique faisant suite à la dissolution.
Graphique n°3. Chronologie de la campagne
Visibilité des élections législatives calculée en unités de bruit médiatique du 9 (J-21 avant le premier tour) au 21 juin (J-9) 2024.
Sens de lecture : comparaison avec le bruit médiatique généré par la campagne des élections européennes sur une période analogue.
En premier lieu, la formation du bloc d’extrême droite constitue un séisme médiatique. L’annonce par Éric Ciotti d’une alliance entre les Républicains et le Rassemblement national ainsi que les tractations qui s’en suivent ont monopolisé les rédactions. 868 articles et sujets sont publiés ou diffusés. In fine, 6,6% du bruit médiatique occasionné par la campagne se centre sur cet épisode.
En parallèle, les négociations constitutives du Nouveau Front populaire constituent le second épisode le plus médiatique relevé dans le corpus, avec une visibilité similaire à la séquence LR-RN pour l’annonce de l’alliance puis le dévoilement du programme le 14 juin.
Enfin, dans la famille politique de la majorité présidentielle, les efforts de pédagogie d’Emmanuel Macron pour expliquer les raisons de la dissolution et poser les enjeux du scrutin lors de sa conférence de presse du 12 juin amplifient le bruit médiatique de la campagne lors de cette première phase.
Parmi les autres temps forts de la campagne, on compte la non-investiture de cinq députés de La France insoumise, dont Alexis Corbière et Raquel Garrido. L’appel à la mobilisation de plusieurs footballeurs de l’équipe de France dont Kylian Mbappé a également un retentissement national avant que la campagne ne regagne en intensité autour de deux actualités. Tout d’abord, le viol et l’agression antisémite d’une collégienne de douze ans à Courbevoie entrent dans la campagne à travers une série de commentaires politiques (Bruno Retailleau et Jean-Philippe Tanguy sur BFM TV, Olivier Faure sur RTL par exemple).
Enfin, le débat sur le contenu des programmes présentés par chaque bloc gagne en intensité – après plusieurs épisodes sur le programme du Nouveau Front populaire et les reculs du RN – avec le grand oral organisé par le Medef le 20 juin. À noter, cet angle du suivi de la campagne a très probablement perduré avec le dévoilement de son programme par Jordan Bardella le 24 juin (hors périmètre de notre étude).
Ceux qui font la campagne : Jordan Bardella fait face à Emmanuel Macron au centre du jeu médiatique, Éric Ciotti domine ses opposants sur le plan de la visibilité, la gauche est représentée par plusieurs figures
Graphique n°4. Les 30 qui font la campagne
En unités de bruit médiatique et en nombre de mentions dans les contenus diffusés ou publiés en lien avec les élections législatives.
Le classement des personnalités les plus mentionnées amène des enseignements sur la dynamique de campagne de chaque camp.
- Au centre : évidemment, Emmanuel Macron monopolise la conversation. 30% de l’UBM engendré par les législatives, soit 6360 UBM avec 2014 mentions, évoquent le président, sans qu’il s’exprime toutefois dans l’ensemble des contenus concernés. Le Premier ministre est quatrième du classement, derrière les deux porte-parole du bloc d’extrême droite, Jordan Bardella et Éric Ciotti – un statut qui devrait être toutefois modifié avec sa participation cette semaine aux débats télévisés du premier tour.
- À l’extrême droite : Jordan Bardella est la personnalité la plus médiatique de la campagne après Emmanuel Macron. L’ancienne tête de liste RN aux élections européennes dépasse la visibilité de Marine Le Pen. Il est mentionné dans 1005 contenus, générant 3760 UBM, ce qui signifie qu’il est associé à près de 18% des sujets diffusés et articles publiés du corpus.
En ce qui concerne Reconquête !, Marion Maréchal a éclipsé Éric Zemmour dans le récit de la campagne. Ancienne étoile médiatique de l’élection présidentielle de 2022, l’ancien journaliste occupe la vingt-sixième place du classement établi (quatorzième pour Marion Maréchal).
Graphique n°5. Évolution de la visibilité des porte-parole du bloc d’extrême droite
En nombre de mentions dans les contenus diffusés ou publiés en lien avec les élections législatives.
Au sein du bloc d’extrême droite, on constate que si Marion Maréchal et Éric Ciotti ont été mis en avant au début de la campagne du fait de leur ralliement au RN, ils laissent progressivement la place au dirigeant de l’ancien Front national (FN). Jordan Bardella est chaque jour la personnalité la plus visible de sa famille politique – étendue – depuis le 15 juin.
- À droite : Éric Ciotti mobilise l’attention accordée aux Républicains. Le président du parti est mentionné dans 635 contenus sur la période. Il éclipse intégralement ses opposants internes au sein de LR, Laurent Wauquiez stagnant à 80 mentions par exemple.
- À gauche : la visibilité est répartie à l’image des différentes parties prenantes qui composent le Nouveau Front populaire (NFP). Jean-Luc Mélenchon est la première personnalité la plus visible du NFP à la sixième place du classement avec 395 mentions soit 1560 UBM enregistrées. Il est talonné par les quatre autres personnalités fortes de l’alliance, Olivier Faure et Raphaël Glucksmann pour le Parti socialiste et Place publique, Marine Tondelier pour les Écologistes et Fabien Roussel pour le Parti communiste. Un état de fait probablement renforcé par la participation alternative des dirigeants du NFP aux débats télévisés, Manuel Bompard représentant la coalition sur TF1 avant qu’Olivier Faure ne le fasse sur France 2 cette semaine.
À ce stade, on peut établir que la campagne des élections législatives a avant tout été perçue par les Français sous le prisme de la recomposition politique. Les commentaires sur la dissolution, la formation des trois blocs, les séquences rocambolesques du rapprochement partiel des Républicains et du Rassemblement national ainsi que la formation du Nouveau Front populaire ont constitué le principal matériel médiatique de la période.
Les questions sociales sur le devant de la scène, l’immigration et l’antisémitisme en thèmes complémentaires
Réforme des retraites, premier sujet de la campagne
Le contenu des débats porte en premier lieu sur les questions sociales. Les scénarios potentiels de la réforme des retraites, selon la victoire des différents camps, occupent la première place des sujets de fond traités dans la campagne (sujet mentionné dans les contenus générant 11% du bruit médiatique du corpus). On note (voir ci-après) notamment que 25% du bruit médiatique produit par les contenus citant Jordan Bardella traitent de la question des retraites, sous l’angle du renoncement du RN à son programme de 2022 puis de ses dissensions avec Éric Ciotti sur ce thème.
Sur le plan des questions sociales, s’en suit dans le classement des enjeux les plus discutés la question du pouvoir d’achat (7% de l’UBM du corpus), priorité numéro 1 des Français. La question est connexe à celles du niveau du Smic (3%) et des salaires (2%), mises sur la table à travers le programme du NFP.
Graphique n°6. Partage thématique du bruit médiatique
En proportion du bruit médiatique total généré par les contenus diffusés ou publiés en lien avec les élections législatives.
L’immigration, second volet de la campagne, porté par Jordan Bardella
Le second thème du corpus traite des questions migratoires. Le thème de l’immigration est traité dans les contenus générant 6% de l’UBM global.
Graphique n°7. Les thèmes attachés aux porte-parole
Co-occurrences entre le thème et la personnalité politique en proportion du bruit médiatique généré par les contenus concernés vis-à-vis de l’ensemble de l’UBM rattaché à chacun.
Sens de lecture : 25% du bruit médiatique généré par des contenus citant Jordan Bardella le rattachent à la question des retraites.
Cet enjeu est principalement porté par Jordan Bardella, suivi de Gabriel Attal puis d’Éric Ciotti dans notre analyse des rapprochements thématiques effectués avec les premiers porte-parole de chaque bloc (Emmanuel Macron mis à part).
Antisémitisme : ligne de clivages et rattachement à Jean-Luc Mélenchon
L’antisémitisme occupe une place similaire à celle accordée à l’immigration dans la hiérarchie des sujets discutés dans la campagne (6%). Le sujet a vécu un pic dans son traitement, on l’a vu, à travers le traitement de l’affaire de Courbevoie. Il est également largement couvert sous l’angle des accusations d’antisémitisme contre La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon. Un cinquième (20%) du bruit médiatique ayant trait au fondateur de LFI évoque cette question de l’antisémitisme.
La question du positionnement vis-à-vis des « extrêmes » est enfin le cinquième enjeu le plus mentionné. Gabriel Attal est la personnalité politique à laquelle le terme est associé en lien avec l’unité de bruit médiatique. Plus généralement, la notion est omniprésente dans les prises de parole télévisées des représentants d’Ensemble pour la République (Yaël Braun-Pivet sur CNews le 16 juin, Édouard Phillipe sur BFM TV et Gabriel Attal sur RTL France Inter le 17).
Focus : les émissions d’Europe 1, de CNews et de C8, foyer médiatique du bloc d’extrême droite
Au cours de ces travaux, nous nous sommes penchés sur la programmation exceptionnelle par Europe 1 de l’émission quotidienne On marche sur la tête, diffusée de 16 à 18 heures, dont l’animation a été confiée à Cyril Hanouna. Ce dernier recevait pour inaugurer cette nouvelle émission radio Éric Zemmour pour Reconquête ! et Mathieu Valet pour le Rassemblement national (RN). La question posée est de savoir quelle photo du paysage politique et de la campagne est proposée aux Français qui regardent les émissions de l’animateur. La problématique peut être étendue au fait d’identifier la couleur partisane de l’expression politique sur les antennes de la sphère Bolloré, Europe 1, CNews et C8.
Graphique n°8. Proximité partisane des invités politiques d’Europe 1, CNews et C8
Relevé effectué entre le 10 et le 21 juin 2024 sur un panel de sept émissions : Europe 1 Soir (Europe 1), Face à l’info (CNews), L’heure des pros (CNews & Europe 1), On marche sur la tête (Europe 1), Pascal Praud et vous (Europe 1), Punchline (CNews & Europe 1), Touche pas à mon poste ! (C8). Total : 91 invités.
91 invités politiques ont été recensés sur la période. Cet ensemble se compose principalement de représentants officiels des partis ainsi que de manière marginale de personnalités de leur sphère d’influence (Rober Ménard ayant par exemple été décompté pour le total du bloc d’extrême droite, même si le maire de Béziers n’y tient pas de rôle officiel). Plus du tiers (35%) de ces personnalités, invitées seules ou au cours de tables-rondes, représentent le RN, Reconquête ! et les LR favorables à l’alliance LR-RN.
Parmi le panel des sept émissions, toutes n’abordent pas le scrutin avec la même répartition. Les plus neutres sont Europe 1 Soir, qui accueille sept invités du Nouveau Front populaire sur 22 invités. Punchline, l’émission de Laurence Ferrari, n’a accueilli aucun représentant du NFP, tout en ayant parmi ses chroniqueurs des personnalités qui ont eu un ancrage historique à gauche, comme Julien Dray ou André Vallini.
À l’inverse, les deux émissions animées par Cyril Hanouna sur C8 tout d’abord, Touche pas à mon poste !, puis, sur Europe 1, On marche sur la tête, accueillent plus d’une moitié d’invités du bloc d’extrême droite. Seul Léon Deffontaines y intervient deux fois sur les 26 invitations politiques, amenant la représentation du NFP à 8% du total.
Graphique n°9. Proximités partisanes des invités des émissions animées par Cyril Hanouna
Relevé effectué entre le 10 et 13 juin 2024 pour Touche pas à mon poste ! (C8) et du 17 au 21 juin 2024 pour On marche sur la tête (Europe 1). Total : 26 invités.
Un déchaînement politique, une crue médiatique
La dissolution a entraîné un déchainement de conséquences politiques, provoquant du même coup une crue médiatique. Les Français ont été pris par un raz-de-marée d’informations, la campagne étant omniprésente, quelles que soient leurs manières de s’informer.
La succession des événements liés à la recomposition partisane a monopolisé le premier tiers de la campagne, ce qui ne masque pas le fait que la visibilité globale donnée aux forces politiques a positionné le RN et sa nouvelle alliance avec une partie de la droite, au centre du débat public – là où les forces gouvernementales, hormis la personne d’Emmanuel Macron, sont moins bien présentes à l’écran et dans la presse.
Les priorités affichées des Français, le bilan du gouvernement et les différents programmes ont amené le débat public principalement sur le terrain social, par la question des retraites et du pouvoir d’achat. En conséquence, et également du fait de la compétence perçue d’abord comme nationale du poste de Premier ministre, les questions internationales – la situation en Ukraine et à Gaza – ont été bien moins traitées dans nos médias. Le sujet de société qui traverse le débat public de cette campagne demeure toutefois la question de l’antisémitisme, en lien avec le traitement de l’affaire de Courbevoie et les accusations portant sur les forces de gauche.
On sait que les Français continuent à s’informer massivement par le biais des médias traditionnels. Plus de 15 millions de personnes ont regardé en direct l’allocution du président le 9 juin dernier. Lors des élections européennes, 29% des Français déclaraient s’informer en premier lieu par les journaux télévisés, suivis des chaînes d’information (17%) et de la radio (12%)1Voir Théo Verdier, Une campagne de couloirs : informations et enjeux de la campagne des élections européennes, Fondation Jean-Jaurès, 4 juin 2024.. La médiatisation des élections législatives méritera une étude à froid pour analyser les contenus ayant appuyé les Français dans leurs choix. Toutefois, notre premier relevé met en lumière les thèmes qui dominent la campagne ainsi que ses principaux acteurs.
Notre focus sur les émissions d’Europe 1, de CNews et de C8 pose également la question du pluralisme sur les fréquences télévisées et radiophoniques, qui demeurent des biens publics dont l’exploitation est conventionnée avec l’État sous l’égide de l’Arcom. Lorsqu’un téléspectateur qui regarde chaque jour l’une ou plusieurs des émissions concernées est exposé à une majorité de porte-parole d’un seul bloc politique, quelle image se construit-il de notre société ? Quels thèmes sont priorisés dans les débats qu’il entend et répercute autour de lui ?
On sait à tout le moins que l’offre médiatique est généralement sujette à cette polarisation. Un sondage Ifop pour Marianne indiquait le 15 juin qu’un téléspectateur sur deux de Touche pas à mon poste ! votait pour le RN ou Reconquête ! (+13 points par rapport à leur score national). Et ce, alors que 38% de ceux de Quotidien sur TMC ont voté pour les listes de La France insoumise et du Parti socialiste (+14 points sur les résultats nationaux). Sur cette base, quels sont les lieux qui font encore commun dans le paysage médiatique français ? La question est à lire sous le prisme d’une perspective politique où le Rassemblement national arrivant au pouvoir se propose de bousculer plus encore le paysage de l’information hexagonale par la privatisation de l’audiovisuel public.
Annexe n°1. Note méthodologique
Les éléments relatifs à la médiatisation des élections législatives sont issus de l’exploitation des données produites par Onclusive. Onclusive, ex-Kantar, est la société spécialisée de référence en veille et conseil en relations publiques aux organisations publiques et privées.
Les données étudiées couvrent la période allant du 9 au 21 juin 2024 inclus. Elles sont fournies selon les cas en unités de bruit médiatique (UBM) ou en nombre de mentions, compilant les sujets TV/radios diffusés et les articles presse papier et web publiés.
L’UBM est une méthode de calcul propre à Onclusive qui donne un résultat indicatif alliant la mesure de l’audience et la durée d’exposition d’un contenu média en vue de mesurer sa visibilité par le public ainsi que son poids dans l’information.
Le corpus, analysé par Onclusive et donc couvert par les résultats de ces travaux, porte sur 117 médias généralistes, à la télévision, la radio, dans la presse papier et numérique. Le détail est présenté en annexe 2.
Les données spécifiques aux médias CNews, Europe 1 et C8 sont issues d’un relevé effectué manuellement par la Fondation Jean-Jaurès du 10 au 21 juin 2024 sur le panel d’émissions suivantes :
- Europe 1 Soir (Europe 1)
- Face à l’info (CNews)
- L’heure des pros (CNews & Europe 1)
- On marche sur la tête (Europe 1)
- Pascal Praud et vous (Europe 1)
- Punchline (CNews & Europe 1)
- Touche pas à mon poste ! (C8)
Annexe n°2. Corpus Onclusive
Liste des médias analysés sur la période du 9 au 21 juin 2024 inclus et couverts par les résultats donnés dans ces travaux en ce qui concerne la campagne des élections législatives du 30 juin et du 7 juillet prochains.
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- 1Voir Théo Verdier, Une campagne de couloirs : informations et enjeux de la campagne des élections européennes, Fondation Jean-Jaurès, 4 juin 2024.