Largement médiatisée, la catastrophe de Fukushima a rappelé au monde entier les dangers que représente le nucléaire. Les opinions sur cette question ont été ébranlées, si bien que nombreux sont nos voisins à s’engager vers une sortie de l’atome. Quelles sont les positions défendues par la gauche européenne sur l’avenir du nucléaire ?
Comment la social-démocratie européenne se positionne-t-elle vis-à-vis du nucléaire civil ?
C’est à cette question que nous nous proposons de répondre à travers les exemples du Parti socialiste européen (PSE) et de quelques grands partis nationaux situés dans des pays dotés d’un parc nucléaire significatif.
Il y a trente ans, les sociaux-démocrates européens campaient sur une position favorable au nucléaire civil et plusieurs gouvernements engagèrent la construction de centrales, comme ce fut le cas en Allemagne, en Autriche, en Suède ou encore au Royaume-Uni. En France, les socialistes ne parvinrent au pouvoir qu’en 1981, mais ils assumèrent totalement le choix stratégique opéré sous Pompidou.
Aujourd’hui, le choix du nucléaire est de plus en plus contesté, voire abandonné. Cependant, l’absence d’une position tranchée du PSE sur cette question reflète l’absence de consensus entre ses membres. Si, après le drame de Fukushima, et en prévision d’un Conseil de l’environnement à Bruxelles, les ministres sociaux-démocrates chargés de l’environnement se sont réunis et ont fait des déclarations sans ambiguïté en faveur d’un remplacement des énergies fossiles et du nucléaire par les renouvelables, les socialistes européens ne partagent pas d’avis unanime vis-à-vis du nucléaire civil. Un panorama des positions défendues par différents partis sociaux-démocrates européens illustre cette variété. Le SPD, en Allemagne, et le SAP, en Suède, se sont prononcés en faveur d’un engagement de sortie du nucléaire, tandis que la Labour Party, au Royaume-Uni, n’a guère revu sa position depuis l’accident de mars 2011, et celle-ci est résolument pro-nucléaire. Le PS français a évolué d’une position pro-nucléaire vers un objectif de réduction de sa part dans le « mix énergétique », puisque le projet commun adopté par le parti prévoit une augmentation de la part des énergies renouvelables, afin de sortir de la double dépendance du nucléaire et du pétrole.
Ces renversements d’opinion, ainsi que la diversité des positionnements parmi les sociaux-démocrates européens, reflètent la singularité du nucléaire sur le champ énergétique mondial. L’argument selon lequel il s’agit d’une énergie qui n’est pas directement productrice de gaz à effet de serre justifie l’attachement au nucléaire civil dans un contexte de nécessaire réduction des émissions de CO2. Sa défense peut également se fonder sur une foi dans le progrès et un rejet des thèses écologistes renvoyées à une forme d’obscurantisme. Cependant, l’opposition au nucléaire met en avant le risque lié à cette technologie, argument d’autant plus parlant que la catastrophe de Fukushima est toujours présente dans les esprits. Ses détracteurs se fondent aussi sur une remise en cause de la vision scientiste et productiviste qui se tapirait derrière le choix de l’atome.
Ainsi, les ressorts du choix « pro- » ou « anti- » nucléaire traduisent, certes, une certaine « vision du monde », mais dépendent également de facteurs politiques et économiques propres à chaque nation, dont en particulier la nature de la concurrence écologiste et l’ampleur des évolutions au sein de la base militante (et électorale). Si de nombreux partis sociaux-démocrates se sont engagés contre l’atome, il semble même que ce soit le plus souvent en raison de doutes sur la sécurité de cette technologie et sa viabilité économique à long terme, mais très peu dans une logique de remise en cause réelle du paradigme productiviste.