Les LGBTIphobies au prisme de l’application FLAG!

À partir des signalements faits anonymement et gratuitement sur l’application FLAG!, différents éléments – les lieux où se produisent les LGBTIphobies, le profil des victimes, mais aussi celui des auteurs des faits – sont répertoriés dans ce deuxième rapport annuel. Autant d’enseignements à tirer pour les pouvoirs publics qui peuvent s’en saisir pour lutter efficacement contre les LGBTIphobies.

Table des matières

Avant-propos. Rendre les discriminations visibles pour les combattre 

Introduction

Le déploiement de l’application au cours de l’année 2021 : les signalements dans l’espace et dans le temps

Les types de faits signalés : le poids des mots

Contexte des faits signalés en fonction du type d’auteurs : des infractions qui touchent tous les domaines de la vie quotidienne

Les victimes des actes signalés : les hommes cisgenres et les autres

La caractérisation : les situations combinant plusieurs motifs discriminatoires

Conclusion

Annexes
Géolocalisation des actes signalés dans l’application FLAG!, année 2021, France métropolitaine et outremers
Document pour les personnels des ministères de l’Intérieur et de la Justice relatif à l’accueil des personnes trans réalisé par FLAG! (2022)
Liste des infractions en lien avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime avec codes NATINF police et gendarmerie (2022)
Focus : Discrimination et haine sur internet
Focus : Les violences conjugales vues par l’application FLAG! : une réalité protéiforme encore peu visible des témoins
Proposition de contribution du Défenseur des droits au rapport de l’application de signalement de faits LGBTIphobes FLAG!
Recherche doctorale en France sur les questions LGBTI+, présentation d’un travail en cours en lien avec l’association FLAG!

Synthèse

Du 1er janvier au 31 décembre 2021, l’application FLAG! a enregistré dans l’ensemble 1 161 signalements (terminés) couvrant une grande diversité de faits, de victimes et de caractérisations. Dans la quasi-totalité des cas, l’application est utilisée pour rapporter des faits récents : 1 148 des signalements (soit 99%) concernent des faits ayant eu lieu au cours de l’année 2021. C’est au printemps et en tout début d’été (notamment en juin, période où ont lieu de nombreuses marches des fiertés), ainsi qu’en toute fin d’année, que les signalements sont les plus nombreux. De juin à novembre, ainsi qu’en février, la plupart des signalements concernent des faits dans l’espace physique, par opposition aux faits produits en ligne. Les signalements pour des faits en ligne représentent légèrement plus de 51% du total (594 signalements) : cette prépondérance des infractions dans l’environnement numérique est notable, mais nettement moins marquée que dans les dix premiers mois de déploiement de l’application1Voir Flora Bolter et Denis Quinqueton, Les LGBTphobies au prisme de l’application FLAG!, Fondation Jean-Jaurès et FLAG!, mai 2021, qui étudie les faits signalés du 25 avril 2020 au 25 février 2021. où ils représentaient plus de 70% du total des signalements.

La plupart des signalements (714, soit 61% du total) ont été effectués directement par des victimes. Un peu moins de 4 sur 10 sont signalés par des témoins. Ici encore, il s’agit d’une évolution notable dans les usages de l’application, la part des témoins étant nettement plus importante lors des dix premiers mois de déploiement de l’application (avec 63%). En termes de répartition dans le temps, les signalements faits par des victimes vont croissant de janvier à avril, restent élevés jusqu’en juin pour ensuite décroître jusqu’en septembre et rester sensiblement au même niveau jusqu’en décembre. Le nombre des signalements faits par des témoins croît lentement lors des premiers mois de l’année, puis connaît un pic en juin et juillet, et retombe un niveau modéré à l’automne pour connaître un second pic en décembre. C’est d’ailleurs le seul mois de l’année où les signalements sont plus faits par des témoins que par des victimes.

S’agissant des infractions rapportées, rassemblées par grand type, les atteintes à l’honneur et provocation (injures, diffamation, provocation à la discrimination, provocation à la haine et à la violence sur internet, provocation à la haine et à la violence hors internet) sont à elles seules légèrement majoritaires (52%). L’ensemble des harcèlements et menaces (harcèlement, cyberharcèlement, lettres, emails ou appels malveillants, diffusion d’informations personnelles, menaces d’outing, de violence ou de mort et autres types de menaces) vient en deuxième position et constitue 28% des signalements. La violence physique représente 10% des faits signalés, la violence sexiste et sexuelle (y compris le mégenrage et l’outrage sexiste) 6% et les atteintes aux biens 3%.

Si les faits de haine en ligne ressortent moins dans ce rapport que dans le précédent, cette forme de violence reste à un niveau préoccupant et témoigne des faiblesses de régulation des plateformes, certains contenus signalés n’étant pas retirés. L’augmentation, parmi les signalements pour des discours de haine en ligne, de la part des articles de blogs, tribunes de presse et d’opinion, nettement plus nombreux que dans l’analyse des signalements faits dans les dix premiers mois, montre l’instrumentalisation des questions touchant à l’égalité des droits LGBTI+ par les milieux conservateurs dans le cadre de la précampagne présidentielle.

Les signalements relatant des faits dans l’espace physique traduisent des contextes très divers. Signalons un contexte, qui ressort plus nettement et donne lieu à des témoignages de détresse particulièrement poignants dans les commentaires en texte libre, le voisinage. Ces violences du quotidien, qui parfois durent des années, touchent précisément le lieu où chacun·e doit pouvoir se sentir en sécurité et en sérénité, son domicile. Elles empoisonnent d’autant plus l’existence des victimes que la période de confinement (du 3 avril au 3 mai 2021) et le développement du télétravail les enferment dans cette problématique.

Enfin, on constate une diversification relative du profil par genre des signalant·e·s. Toutefois, les signalements effectués par ou pour des victimes hommes (cisgenres) pour des faits de violences gayphobes restent très majoritaires. Le rapport détaille précisément, pour chaque type d’infractions et pour chaque type d’auteurs, dans quelle mesure les réalités des LGBTIphobies se traduisent différemment en fonction du genre et de l’identité de genre, ainsi qu’en fonction de la présence de multiples motifs discriminatoires au sein des caractérisations.

Préface
Johan Cavirot, président de FLAG!

La pandémie liée à la Covid-19 n’aura pas fait reculer les discriminations et la haine de l’Autre dans ses diversités. C’est encore plus vrai pour les LGBT+phobies. Ce rapport sur les signalements obtenus par l’intermédiaire de l’application FLAG! en est la parfaite illustration, même si l’actualité récente n’a pas permis de donner la visibilité nécessaire à la libération de la parole à travers les signalements de toutes les victimes. Aussi, même si nous pouvons encore affiner cette étude, nous sommes en très bonne voie.

J’en profite pour remercier :
– l’ensemble des associations qui relaient l’existence de ce dispositif ;
– l’État, les collectivités territoriales et les partenaires privés qui le soutiennent financièrement ;
– les ministères qui l’ont déployé au sein de leur intranet afin d’identifier ces violences au sein de l’administration.

Ensemble, nous permettons aux victimes de parler, d’être orientées vers des interlocuteurs de proximité efficients pouvant les accompagner utilement dans leurs démarches.

Ces données permettent également aux membres du conseil scientifique de réaliser un travail de qualité afin de guider les politiques publiques, ainsi que les différents acteurs dans la mise en oeuvre de solutions efficaces, adaptées et ciblées. Solutions qui feront reculer ces violences du quotidien, ces violences tragiquement ordinaires qui abîment les espaces publics : l’école, la rue, le travail, le coeur des foyers. 

Un grand merci à Flora Bolter et Denis Quinqueton de la Fondation Jean-Jaurès, partenaires de choix dans cet accompagnement. Ils ne ménagent pas leurs efforts dans la co-animation de ce conseil scientifique. Je remercie encore tous les membres dont la disponibilité et l’expertise ont permis l’existence dece rapport.

Plus que jamais, libérons la parole afin que chacun puisse vivre en France selon la devise de notre pays « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Les auteurs

Le rapport a été rédigé par Flora Bolter et Denis Quinqueton, codirectrice et codirecteur de l’Observatoire LGBT+ de la Fondation Jean-Jaurès, en lien avec Johan Cavirot, président de l’association FLAG!.

Il a bénéficié du contrôle et des conseils d’un conseil scientifique composé de représentantes et représentants des institutions suivantes : le comité sécurité intérieure des jeunes de l’Institut des hautes études de la défense nationale (Les jeunes de l’IHEDN) ; le Défenseur des droits (DDD) ; la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI).

Le conseil scientifique a également pu compter sur l’investissement de personnalités qualifiées, chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales disposant d’une expertise sur ces questions :

  • Arnaud Alessandrin, sociologue (université Bordeaux Segalen, Laboratoire Culture-Éducations-Sociétés, LACES), membre du comité scientifique de la Dilcrah ;
  • Amandine Clavaud, responsable Europe, directrice de l’Observatoire Égalité femmes-hommes de laFondation Jean-Jaurès ;
  • Régis Schlagdenhauffen, sociologue, maître de conférences de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), laboratoire Iris (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux), membre du comité scientifique de la Dilcrah.

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