Alors que le candidat socialiste prononce aujourd’hui en Saône-et-Loire un discours sur le renouveau industriel de la France, Jérôme Fourquet revient sur la peur d’un déclin industriel qui semble gagner la société française. L’enjeu sera au cœur de l’élection présidentielle.
Alors que certains thèmes comme l’emploi, l’éducation ou la santé se placent régulièrement en tête des préoccupations des Français dans les enquêtes d’opinion, le thème de la désindustrialisation semble progressivement émerger au rang de ces inquiétudes et cristalliser la peur du déclin qui gagne la société française. Depuis plusieurs années déjà se profile le spectre de la désindustrialisation : aux images de fermetures d’usines des années 1970 et 1980 s’ajoute désormais la peur insidieuse des délocalisations. Une prise de conscience collective se fait jour : le potentiel industriel français serait en danger et ses perspectives d’avenir plus que limitées. Cette prise de conscience se traduit par la prégnance du thème de la réindustrialisation dans les programmes politiques des différents partis : d’un bout à l’autre du spectre partisan, il figure en effet en bonne place. Mais les enquêtes d’opinion révèlent également la montée du sentiment de vulnérabilité chez les Français, qui sont aujourd’hui une majorité à estimer leur pays mal placé dans la compétition économique mondiale.
La désindustrialisation apparaît dès lors à la fois comme un symptôme et une cause de la perte de vitesse des performances économiques françaises : elle fait l’objet d’un constat largement partagé et d’une désolation croissante. Une minorité de Français considère ainsi désormais son pays comme une « grande puissance industrielle ». Or, le secteur industriel revêt une importance symbolique aux yeux de la population : il est le porteur de la puissance à l’international, mais également le vecteur de l’innovation, ce qui justifie qu’il soit selon un tiers des Français le secteur qui devrait le plus bénéficier du soutien de l’Etat. L’impuissance publique à l’égard de ce phénomène est alors d’autant plus mal perçue par une opinion inquiète.
Face aux différentes politiques de soutien actuellement avancées pour contribuer à réindustrialiser la France, les positions sont variées.
Les Français sont particulièrement sensibles aux valorisations du « made in France ». On observe en effet un patriotisme économique important, supérieur à celui constaté chez nombre de partenaires industrialisés (Etats-Unis, Allemagne) mais également à la sensibilité environnementale rencontrée chez les consommateurs français. L’écho potentiel d’une telle politique de valorisation économique nationale doit en revanche être relativisé par le poids accordé dans les arbitrages de consommation à la variable « prix ».
Les mesures protectionnistes soulèvent également une adhésion assez largement partagée. Cette option, préconisée par certains tenants de la réindustrialisation de notre pays, recueille une opinion favorable qui transcende les clivages partisans et trouve en grande partie sa source dans une forme de méfiance à l’égard du libre-échange. Il faut noter que cette position se retrouve fréquemment chez nos partenaires européens et qu’en France, les mesures les plus soutenues sont celles d’une protection aux frontières de l’Europe.
Enfin, la mise en place d’une TVA sociale se heurte en revanche à une hostilité assez générale de l’opinion publique française et apparaît plus clivante, puisqu’elle est majoritairement soutenue par les sympathisants de l’UMP et les plus de 65 ans. Cela peut être expliqué par le caractère très sensible de toute amputation du pouvoir d’achat et la réticence à l’augmentation de l’impôt.
Si les pistes proposées aujourd’hui pour tenter d’inverser la désindustrialisation suscitent des réactions contrastées dans l’opinion, il n’en reste pas moins que l’horizon d’attente des Français quant à cette problématique demeure très large et en fait une question éminemment politique. A charge aux différents candidats aux prochaines élections de s’emparer d’arguments convaincants pour persuader les Français de leur capacité de remédier à cette situation inquiétante, alors même que leur capacité d’intervention est aujourd’hui largement remise en cause.