Le Brexit : une chance pour une autre Europe

Suite au résultat du référendum britannique décidant de la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni, Gérard Fuchs fait différentes propositions pour que cet événement représente une opportunité de relance et de renforcement du projet européen.

Alors que la décision britannique de quitter l’Union européenne affole les marchés financiers, le moment est unique pour les décideurs politiques des autres pays de l’Union de changer les orientations prises ces dernières années. Une opportunité se présente de donner à l’UE la finalité et la forme qui doivent être la sienne : une mise en commun des souverainetés dans les domaines ou aucun des pays membres pris isolément ne peut plus peser politiquement sur le cours d’une planète financièrement et économiquement mondialisée.

L’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté de l’époque a eu pour effet de réduire le projet européen de départ à la réalisation d’un grand marché, doté de normes techniques communes mais surtout pas d’un projet politique et social, ouvert sur le reste du monde mais sans exigence de réciprocité et de périodes transitoires indispensables pour maîtriser les situations ainsi créées, préoccupé d’agréger de nouveaux pays mais sans définir de quelconques politiques communes.

La crise financière mondiale de 2008 a rendu flagrante l’inexistence de l’Union européenne comme acteur capable de maîtriser la crise financière puis, plus important encore, de prendre les décisions économiques et sociales capables de relancer une croissance nouvelle, génératrice des emplois indispensables à un recul durable du chômage et porteuse d’espoir pour les nouvelles générations.

Que peut-on alors imaginer comme décisions fortes et symboliques qu’un Conseil européen pourrait examiner rapidement, quitte à les faire faire avaliser ensuite si nécessaire par chaque pays intéressé, selon ses règles institutionnelles propres ? Je pense que trois domaines politiques doivent être impérativement concernés si l’on veut qu’apparaisse clairement aux yeux de tous les réorientations engagées.

Le domaine de la politique étrangère tout d’abord

Ce n’est certes pas sur ce terrain que les citoyens se trouvent le plus demandeurs mais c’est là qu’une affirmation de l’Europe comme acteur indépendant, entre les États-Unis et la Chine, peut être la plus visible pour le reste du monde, ce qui est important pour la crédibilité des autres propositions.

La proposition que je formule alors est simple : l’Union européenne annonce que si, dans les dix-huit mois qui suivent, les négociations israélo-palestiniennes paralysées depuis des années n’ont pas abouti, l’Union reconnaîtra unilatéralement l’existence d’un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. Une telle position n’est certainement pas suffisante pour ramener la paix dans le désordre actuel du Proche-Orient : elle peut cependant changer radicalement l’atmosphère là-bas.

Le domaine de la politique économique

Le chômage est le cancer qui ronge l’Europe et la fait déraper vers une extrême droite dangereuse.

Ma deuxième proposition est le lancement d’une politique d’investissements européens conséquente, c’est-à-dire au moins 1% du PIB de l’Union européenne par an pendant trois ans, centrée sur les nouvelles technologies et favorisant l’émergence d’une société à bas carbone dans laquelle le solde des émissions de gaz à effet de serre serait nul à un horizon 2030-2040. À chaque État de favoriser les formations – initiales et professionnelles – nécessaires pour qu’à ces investissements correspondent les offres d’emploi nécessaires.

Le domaine de la politique sociale

Je sais que ce domaine est particulièrement sensible car les histoires politiques et syndicales de chaque pays sont différentes et toute ambition d’harmonisation des règles devient vite problématique. Une proposition cependant pourrait représenter une mesure à la fois fortement symbolique et manifestant que ce que disent nos citoyens est entendu : la décision que tout travailleur expatrié au sein de l’Union se voit appliquer au bout de deux mois de séjour les règles sociales du pays d’accueil. Une certaine mobilité des salariés (celle des « plombiers polonais » !) s’en trouverait sans doute réduite mais celle qui demeurerait apparaîtrait alors acceptable.

Pour conclure, il faut bien sûr évoquer la question du « avec qui » ? Je pense qu’un programme d’action d’une telle nature devrait d’abord être examiné par les chefs d’État et de gouvernement des pays de la zone euro, des pays qui ont déjà accepté une mise en commun des souverainetés monétaires. En contrepartie bien sûr, il devrait être annoncé dès le début que l’ensemble des pays qui arriveraient à des positions communes dans les domaines évoqués serait bien sûr ouvert à être rejoint par tout autre pays de l’Union qui le souhaiterait.

Je crois profondément que la décision britannique de quitter l’UE offre à ceux qui restent une fenêtre d’opportunité politique comme il ne s’en trouve que tous les vingt ans. Puisse la France et son actuel leadership répondre aux nécessités de l’Histoire et aux aspirations de ses citoyens.

 

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