« Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » : la ce?le?bre phrase de Voltaire pourrait re?sumer le rapport d’e?valuation de la re?organisation de la gendarmerie nationale. Jean- Jacques Urvoas pointe les manquements de ce rapport candide et fait trop vite, pour pre?senter la re?alite?, bien moins rose, a? laquelle le futur ministre de l’Inte?rieur devra faire face.
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Synthe?se
La loi du 3 aou?t 2009 relative a? la gendarmerie nationale ayant marque? une vraie re?volution, le se?nateur Leleux a demande? qu’un rapport d’e?valuation soit re?alise? par une autorite? inde?pendante et soumis au parlement deux ans apre?s l’entre?e en vigueur de la loi.
C’est a? deux mois de l’e?che?ance que le gouvernement a sollicite? en catastrophe deux parlementaires – parmi lesquels l’ancien rapporteur de la loi – pour produire un rapport « exhaustif » et
« inde?pendant ».
Le re?sultat est sans surprise : le rapport de Anne-Marie Escoffier et Alain Moyne-Bressand, objet de communication politique a? l’objectivite? e?mousse?e, ne s’attaque pas aux proble?mes de fond et n’offre aucun outil pour lutter contre le de?senchantement de la mission des gendarmes.
Premier, par son importance, parmi les nombreux oublis du rapport : la de?flation des effectifs. Entre 2007 et 2011, le nombre d’e?quivalents temps plein travaille?s (ETPT) de la gendarmerie nationale a e?te? re?duit de 6000 unite?s, portant leur nombre a? 95 848. En 2011, les effectifs de la gendarmerie nationale sont infe?rieurs a? ce qu’ils e?taient en 2002.
Rien non plus dans le rapport sur les conse?quences de ces suppressions en terme de maillage territorial. Pourtant, elles instaurent de ve?ritables « de?serts se?curitaires ». Dans le seul de?partement de l’Ise?re par exemple, pas moins de trois brigades et un peloton ont e?te? supprime?s en cinq ans.
L’absence de conside?ration pour les gendarmes de?ploye?s en ope?rations exte?rieures (OPEX) est e?gale- ment a? noter. En Afghanistan, ceux-ci assurent des missions couvrant un large spectre de la gestion de crises. Les capacite?s de projection de ces unite?s, leur aptitude a? servir tant sous commandement mili- taire que civil et leur appui aux missions humanitaires en Hai?ti ou en Lybie sont autant de motifs de satisfaction qui ne sont pas traite?s par ce rapport.
On notera e?galement qu’aucun commentaire n’est fait sur le transfert de certains ETPT a? d’autres ministe?res dans le cadre de la rationalisation des missions. Or, aujourd’hui, plus de 1000 gendarmes sont accapare?s par la gestion de ce transfert. Ne?anmoins, 25 % seulement des ETPT pre?vus ont e?te? transfe?re?s a? ce jour et le ministe?re assure toujours 92 % des missions qui devaient e?tre transfe?re?es.
Comme une constante du gouvernement actuel, l’Outre-mer a e?te? oublie?e par le rapport, mais pas par la loi. Alors que quinze unite?s ont e?te? dissoutes, rien n’a e?te? entrepris pour analyser les conse?quences humaines et territoriales de cette re?forme.
Au dela? et pour l’ensemble du territoire, la faiblesse des budgets d’investissement, malgre? des besoins criants, fait grimper le cou?t d’entretien des mate?riels et entrai?ne des pertes de capacite? d’intervention.
De cet ensemble le?nifiant e?mergent tout de me?me certaines observations pertinentes, notamment en ce qui concerne le de?labrement de l’immobilier ou l’asyme?trie entre les territoires. Mais le rapport n’y apporte gue?re de solutions et se conclut dans un exce?s de lyrisme et de candeur digne du pre?cepteur Pangloss qui assurait a? son e?le?ve Candide que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». De?nonc?ant les manquements de ce rapport, Jean-Jacques Urvoas e?claire l’ampleur de la ta?che qui attend le futur ministre de l’Inte?rieur, qui se devra de rassurer ve?ritablement les gendarmes, officiers et sous-officiers qui s’interrogent encore sur leur devenir.