Face à la casse du RSA, nous opposons la nécessaire mise en place d’un revenu minimum d’existence

À l’approche de l’examen à l’Assemblée nationale de la réforme du RSA que le gouvernement souhaiterait conditionner, Arthur Delaporte1Arthur Delaporte est député du Calvados, siégeant au groupe Socialistes et apparentés – membre de l’intergroupe Nupes., Simon Rumel-Sixdenier2Simon Rumel-Sixdenier est conseiller en charge des affaires sociales au groupe Socialistes et apparentés – membre de l’intergroupe Nupes. et Johanna Buchter3Johanna Buchter est une haute fonctionnaire, membre du groupe des experts du Parti socialiste., avec la contribution de Guillaume Mathelier4Guillaume Mathelier est docteur en sciences politiques de l’Université de Genève et enseignant à la Haute École de gestion de Genève., proposent avec le groupe socialiste à l’Assemblée nationale la mise en place d’un revenu minimum d’existence inconditionnel, revalorisé, ouvert aux plus de 18 ans, qui serait assorti d’un droit opposable à l’accompagnement pour l’insertion sociale. Plus largement, ils donnent des pistes pour repenser le modèle des prestations sociales.

Le 3 septembre 2023, le président des Restos du cœur alertait sur une situation que l’inflation n’a fait que renforcer en France : le niveau des distributions de repas pour celles et ceux qui n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois explose5Interview de Patrice Douret, président bénévole des Restos du cœur.. Le 18 septembre 2023, la commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale fera, quant à elle, sa rentrée sur un projet de loi porté par le président de la République qui restreint l’accès au principal filet de sécurité de ceux qui n’ont plus rien : le RSA. Traduisant l’engagement de campagne du candidat Macron à un second mandat (« l’obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle, soit de formation en insertion soit d’emploi 6Présentation du programme du candidat Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2022. »), le projet de réforme du RSA a été présenté en Conseil des ministres le mercredi 7 juin 2023 au sein du projet de loi « Plein-emploi » visant plus largement à créer l’organisme France Travail.

Quelques jours après l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution pour passer en force sur sa réforme des retraites, Emmanuel Macron avait ainsi eu ces mots lorsqu’il prônait « l’apaisement » : « Il faut […] aller chercher toutes celles et ceux qui sont au RSA, et les aider à revenir vers l’emploi, les aider et les responsabiliser… C’est-à-dire droits et devoirs renforcés pour les bénéficiaires du RSA… et faire revenir à l’emploi des gens qui n’y sont pas parfois plus depuis des années ou des dizaines d’années7Interview sur la chaîne TF1, mercredi 22 avril 2023.. »

Ce discours présidentiel, aussi infantilisant que condescendant, symbolise à lui seul la stigmatisation à l’œuvre dans l’ensemble de la société, mais en particulier du côté du gouvernement vis-à-vis des « bénéficiaires » du RSA : ces derniers sont présentés comme des « profiteurs du système », voire des « fraudeurs » qui toucheraient pour un grand nombre indûment des aides plutôt que de chercher activement un travail. Leur situation serait liée à leur seule responsabilité propre. À l’inverse, les carences de l’État dans l’accompagnement ne sont à aucun moment posées comme une problématique centrale.

La volonté de répression – dans le discours public – des personnes qui n’ont que les minima sociaux pour survivre n’est pas un phénomène nouveau en France. La droite française est coutumière du fait. En 2008, Nicolas Sarkozy prononçait déjà ces mots lors de la transformation du RMI en RSA : « Après deux refus d’offres d’emploi ou de formation, je demande que l’on supprime le RSA… Nous, on va aider ceux qui veulent s’en sortir. Ceux qui ne veulent pas s’en sortir, personne ne peut les aider8Discours de Nicolas Sarkozy, président de la République, sur la généralisation du Revenu de solidarité active et son financement, consulté sur ce lien.. » Trois ans plus tard, il ne recadra pas publiquement son ministre des Affaires européennes Laurent Wauquiez qui qualifia les dérives de « l’assistanat » de « cancer de la société française9Interview de Laurent Wauquiez du 8 mai 2011, BFM TV 2012-Le Point-RMC, source : article du journal Le Monde consulté sur ce lien. ».

La réforme du RSA s’inscrit dès lors dans une logique d’« activation » des politiques sociales déjà à l’œuvre depuis vingt ans. Face à sa précarité, à son exclusion, c’est à l’allocataire de trouver les moyens de son insertion et de prouver qu’il mérite une aide de la société, occultant au passage l’échec de la collectivité à l’inclure. Dit autrement : à ceux qui ont peu, on demande tout.

Ce phénomène n’est pas spécifique au cas français.

Lorsque la droite est au pouvoir, partout en Europe, les droits sociaux sont attaqués, et plus encore lorsque les partis d’extrême droite prennent le pouvoir. C’est ce qui se passe en Italie. Au pouvoir depuis un an à peine, la présidente du Conseil Giorgia Meloni vient de remplacer le revenu de citoyenneté, qui a permis de sortir un million de personnes de la pauvreté, par un « chèque d’inclusion » à l’ambition beaucoup plus limitée (réservé aux familles ayant à leur charge des enfants, des personnes de plus 60 ans ou des personnes handicapées, plafonné à 500 euros par mois dans la plupart des cas, sur dix-huit mois maximum)10Allan Kaval, « En Italie, Giorgia Meloni choisit le 1er mai pour rogner les minima sociaux », Le Monde, 1er mai 2023., permettant au gouvernement italien de baisser les dépenses correspondantes de plus de 33%.

Si la réforme portée aujourd’hui en France constitue une attaque frontale de notre modèle de solidarité, elle reste désespérément muette sur ce qui figure pourtant dans son titre : donner un contenu au leitmotiv de l’action gouvernementale, le « plein-emploi »11À titre d’illustration de ce silence assourdissant, l’étude d’impact du projet de loi ne fournit aucune évaluation du nombre d’emplois créés, de la hausse du taux d’emploi attendue, etc. Voir : Étude d’impact du projet de loi pour le plein-emploi, Sénat.. En effet, le projet de loi intitulé « Pour le plein-emploi » ne répond à aucun endroit aux enjeux centraux qui sont à l’origine de la pénurie de main-d’œuvre dans certains métiers en tension, c’est-à-dire la nécessité du « bon emploi » : la reconnaissance de la valeur du travail, effectué dans des conditions dignes et rémunéré à sa juste valeur, la réduction des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, l’intégration de l’impératif de la bifurcation écologique, la lutte contre l’ubérisation, la capacité à se loger à proximité de son emploi à un coût raisonnable, à pouvoir financer un mode de garde ou de transport indispensables pour se rendre à son travail, etc.

À l’inverse, les socialistes avec les autres groupes de la Nupes – Insoumis, communistes et écologistes – mettent des propositions sur la table : l’augmentation du Smic à 1 600 euros net, l’ouverture immédiate d’une conférence nationale sur les salaires, et en priorité ceux en-dessous du Smic, la tenue de négociations professionnelles sur l’amélioration des conditions de travail et la santé mentale des travailleurs, l’indexation des salaires sur l’inflation, l’encadrement des loyers et la lutte contre la spéculation via Airbnb, le blocage des prix des produits de première nécessité, etc.

Dans le cas spécifique du RSA, nous aurons l’occasion de détailler dans la seconde partie de cette note les propositions spécifiques des socialistes pour le droit à un revenu minimum garanti assorti d’un droit opposable à l’accompagnement pour l’insertion sociale et/ou par le travail.

La présente note vise donc à la fois à analyser le volet RSA du projet de loi du gouvernement mais aussi à présenter la vision alternative qui est aujourd’hui celle des socialistes, à l’origine en 1988 de la création d’un revenu minimum en France avec le RMI porté par Michel Rocard. Il s’agit bien de revenir à ce qui était la philosophie fondatrice du RMI devenu RSA, c’est-à-dire la lutte contre la pauvreté comme but en soi. François Mitterrand estimait ainsi en 1988 dans sa Lettre aux Français, dans laquelle il annonçait la création du Revenu minimum d’insertion (RMI), que « l’important est qu’un moyen de vivre ou plutôt de survivre soit garanti à ceux qui n’ont rien »12Voir également le rapport du rapporteur Jean-Michel Belorgey sur le contenu du projet de loi portant création du RMI : « Le projet de loi met donc l’accent tout à la fois : – sur la nécessité de donner à ceux qui sont dans le dénuement des ressources suffisantes pour pallier la précarité de leur situation ; – sur celle de ne pas s’en tenir au versement d’une prestation, mais de poursuivre simultanément un vigoureux effort d’insertion envers le plus grand nombre possible de bénéficiaires de la prestation financière », cité par Nicolas Duvoux dans L’autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion, Paris, PUF, 2009..

Une réforme du RSA portée par le gouvernement nourrie d’une philosophie libérale et problématique sur son contenu

Cette réforme est inspirée d’une philosophie libérale reportant sur le seul allocataire la responsabilité de son exclusion

Où est passée la réforme dite de « revenu universel d’activité », promise sous le précédent quinquennat, censée simplifier le paysage des prestations sociales et permettre un versement automatique ? La solidarité à la source, grande promesse de la campagne présidentielle de 2022, va-t-elle vraiment permettre de lutter contre le non-recours au RSA13Qui touche 34% des foyers allocataires potentiels. Cyrine Hannafi, Rémi Le Gall, Laure Omalek et Céline Marc, Mesurer régulièrement le non-recours au RSA et à la prime d’activité : méthode et résultats, Les Dossiers de la Drees, n° 92, 11 février 2022., alors que le gouvernement évoque désormais un simple remplissage automatique de formulaires administratifs ?

Comme pour la réforme « systémique » des retraites avortée en 2020 – qui n’accoucha trois ans plus tard que d’une réforme paramétrique dont l’inspiration était nettement plus à droite –, la réforme du RSA de 2023 est un exemple supplémentaire des renoncements d’Emmanuel Macron. Incapable de mener à terme les engagements pris pour son premier quinquennat, et notamment une stratégie de lutte contre la pauvreté annoncée à grands renforts de communication en 2018 qui entendait « éradiquer la grande pauvreté »14Le Monde, 12 septembre 2019., il reprend désormais les propositions classiques de la droite.

Plus largement, ce projet de loi s’inscrit dans la droite ligne des précédentes réformes portées par le gouvernement, et en particulier la réforme de l’assurance chômage en 2022, traduisant une idéologie libérale qui fait de l’allocataire de prestations sociales un responsable de sa propre situation et un coût pour la collectivité. Dans le texte présenté par le gouvernement, à aucun moment, la responsabilité de l’État – pourtant soulignée par le rapport de la Cour des comptes dans les défaillances de l’accompagnement tel qu’il est aujourd’hui réalisé – n’est reconnue15Rapport de la Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, janvier 2022.. L’État ne donne en effet pas les moyens, en particulier aux départements, d’organiser l’insertion et l’accompagnement des allocataires ou de fournir des services publics à la hauteur des besoins en termes de santé, de transport ou de petite enfance ; ce alors même que l’ambition initiale du RMI était bien la réinsertion des personnes avec un objectif de 20% des dépenses consacrées à l’insertion. Nous en sommes bien loin aujourd’hui. Dans le même rapport, la Cour des comptes pointait ainsi que seulement 15% des dépenses étaient consacrées à l’insertion en 201916Ibid..

Ce faisant, le gouvernement évite de s’interroger sur le sens même de ce qu’est un minimum social et encore moins sur les difficultés que rencontrent les Français pour trouver un emploi ou face à l’inflation.

Or le droit au RSA est le dernier filet de sécurité pour nos concitoyens, en cas de fin de droits à l’assurance chômage notamment. Cela est d’autant plus vrai que les droits à cette assurance chômage sont progressivement mais sûrement détricotés par la succession des réformes de l’assurance chômage menée par le gouvernement, et qui reporte donc sur le RSA l’ensemble des personnes désormais exclues de l’assurance chômage. L’Unédic estime ainsi que la seule réforme de 2019 décale l’ouverture du droit à l’indemnisation chômage d’au moins un an pour 190 000 personnes par an, et décale de moins d’un an cette ouverture pour 285 000 personnes par an17Étude d’impact de l’évolution des règles d’assurance chômage au 1er juillet 2021, Unédic, avril 2021., créant du même fait autant de nouveaux bénéficiaires du RSA. Plus largement, avec la hausse annoncée de la contribution financière de l’Unédic au budget de Pôle Emploi au détriment de l’indemnisation des chômeurs, le gouvernement s’apprête à prélever une « taxe sur les chômeurs » de près de 3 milliards par an pour financer Pôle Emploi18Voir notamment l’article de Bruno Coquet, « De l’assurance chômage à la taxation des chômeurs », Alternatives économiques, août 2023.

Cette réforme pose ensuite un problème sur son contenu avec la conditionnalisation du RSA, l’aggravation des sanctions dont l’inefficacité a été prouvée, et la privatisation rampante du service public de l’emploi et de l’insertion

La réforme propose de conditionner le versement du RSA à la réalisation de 15 à 20 heures d’« activité »19Le référentiel des activités possibles éligibles aux 15-20 heures, page 265 du rapport remis par Thibaut Guilluy sur la mission de préfiguration de France Travail, cite notamment des « expériences professionnelles rémunérées : contrats courts, intérim, emplois saisonniers ou stages. ». En considérant le montant moyen du RSA d’un peu plus de 600 euros par mois pour une personne seule sans enfant, il s’agit ni plus ni moins que de rémunérer à 7 euros de l’heure le « travail » des  allocataires du RSA alors que le Smic est aujourd’hui fixé à 9 euros. Stigmatisante, sans considération pour la valeur du travail, cette réforme est donc également profondément dégradante pour ces allocataires infantilisés.

Cette obligation de réaliser 15 à 20 heures « d’activité » s’appliquerait également au conjoint de l’allocataire du RSA. Ainsi, un travailleur à mi-temps gagnant par exemple 480 euros par mois en couple avec un allocataire du RSA – obligatoirement inscrit lui aussi – devrait donc également réaliser 15 à 20 heures d’activité hebdomadaires, soulignant là l’absurdité de cette réforme d’une part, et la nécessité de réfléchir à une déconjugalisation au moins partielle de notre protection sociale d’autre part, comme nous le proposons plus loin.

La réforme prévoit également un renforcement des sanctions, pourtant considérées comme inefficaces par de nombreuses études économiques et générant du non-recours.

Rappelons tout d’abord que des sanctions visant les allocataires du RSA existent aujourd’hui en France, mais qu’aucun chiffre n’existe sur leur nombre, leur montant, leur doctrine d’application et leur effet sur l’insertion des allocataires ou leur impact sur la dégradation de la situation sociale des personnes. Elles sont aujourd’hui soumises à la consultation préalable d’une équipe pluridisciplinaire20Article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles.. Demain, dans le projet du gouvernement, la « suspension-remobilisation » serait à la main seule du conseiller de l’allocataire du RSA qui pourrait voir ainsi son RSA amputé d’un certain pourcentage ou suspendu, avant une éventuelle radiation, sans possibilité de contestation, ce qui bafoue totalement le principe du contradictoire, celui de la non-automaticité de la sanction, et plus largement les droits des personnes.

Cela pose également un autre problème éthique : les conseillers chargés d’accompagner, d’aider les allocataires, seront également ceux qui pourront déclencher la sanction. Le risque est donc de mettre en péril le lien de confiance entre le conseiller et l’allocataire accompagné, qui est le préalable à tout travail social efficace. Qui se confiera sincèrement sur ses difficultés demain quand il saura que la personne en face est celle qui décide de l’avenir de ses maigres subsides ? Quel sens donné à l’action de ces agents publics chargés aujourd’hui d’accompagner les allocataires, et transformés du jour au lendemain en potentiels juges administratifs ?

Le projet de loi, et notamment le renforcement des sanctions qu’il prévoit, va également aggraver la situation des plus fragiles et risque de générer des effets pervers. C’est ce qui s’est passé au Royaume-Uni avec l’aggravation des sanctions sur le Universal Credit au Royaume-Uni – qui ont accru l’incertitude sur l’avenir et le stress des allocataires – sans un quelconque effet positif sur l’emploi, voire avec un effet contre-productif avec une multiplication des candidatures inappropriées mais nécessaires pour conserver son allocation21Voir par exemple les travaux du Economic & Social Research Council, Final findings report. Welfare Conditionality Project: 2013-2018, juin 2018, consultables sur ce lien..

Les travaux d’Esther Duflo et d’Abhijit V. Banerjee l’ont démontré scientifiquement : pour réinsérer des allocataires de minima sociaux, le contrôle et la sanction sont au mieux inefficaces, au pire contre-productifs, car ils génèrent un mal-être supplémentaire sans lever les obstacles au retour à l’emploi, à l’inverse d’un revenu d’un montant suffisant pour vivre, versé sans conditions, sécurisant pour chacun22Voir par exemple Abhijit V. Banerjee, Esther Duflo, Repenser la pauvreté, Paris, Seuil, coll. Les livres du nouveau monde, 2012.. Des expérimentations, notamment en Finlande, l’ont confirmé : à montant égal, un revenu inconditionnel permet le même niveau de retour à l’emploi qu’un revenu sous conditions, mais améliore considérablement la santé mentale et physique et l’insertion sociale des allocataires23Voir par exemple Results of Finland’s basic income experiment: small employment effects, better perceived economic security and mental wellbeing, Kela, 6 mai 2020.. Ce sont d’autres dépenses publiques qui sont ainsi évitées.

À l’inverse, en Allemagne, les lois Hartz IV – qui ont renforcé les contrôles sur les demandeurs d’emploi et libéralisé le marché du travail – ont conduit au plus haut taux de pauvreté depuis la chute du Mur (16,8% en 2019) et à augmenter les inégalités24Voir par exemple cet article des Échos.. À tel point que la Cour constitutionnelle allemande a consacré dans une décision de 2010 portant sur ces mêmes lois Hartz IV l’existence d’un droit fondamental à un minimum vital.

Alors que l’accompagnement humain est clé dans la réinsertion de l’allocataire, la réforme s’apprête à faire tout l’inverse : pré-orienter les allocataires par un algorithme25Voir par exemple l’article d’AEF : « Place des élus locaux, rôle des algorithmes… ces aspects de France Travail qui inquiètent les missions locales », consulté sur ce lien., puis ne pas prévoir les moyens humains suffisants pour suivre l’allocataire.

Comment faire du sur-mesure quand les sanctions seront ainsi prises sans tenir compte des événements de vie de l’allocataire (déménagement, violences intrafamiliales, etc.) ou de son état de santé ?

Enfin, sous couvert d’une « amélioration de la gouvernance », la réforme prévoit la création d’un « réseau France Travail » sous l’autorité du ministre du Travail, et des préfets dans les territoires, remettant en cause quarante ans de décentralisation dans les politiques d’insertion. Par l’inscription de l’ensemble des bénéficiaires du RSA chez Pôle Emploi (renommé « France Travail »), c’est l’État qui reprend de fait la main sur la politique d’accompagnement et de sanction pour ces allocataires, qui était jusqu’ici décidée par les conseils départementaux.

C’est ce même réseau France Travail qui pourra par ailleurs confier à des prestataires privés le repérage des personnes les plus éloignées de l’emploi, franchissant ici une étape supplémentaire dans la privatisation rampante du service public de l’emploi, déjà bien engagée par une succession d’appels à projets nationaux disqualifiant le travail social au profit d’une vision centrée sur la performance et le « management » des allocataires.

À l’inverse de ce centralisme disciplinaire, nous proposons plus loin une décentralisation solidaire.

Cette réforme est en réalité inapplicable : 10 milliards d’euros serait nécessaire à un accompagnement ambitieux des allocataires du RSA

Si tous les acteurs s’accordent sur la nécessité de mieux accompagner les allocataires du RSA – mais pas de conditionner le versement au suivi d’activités spécifiques – le gouvernement présente en réalité une réforme inapplicable et budgétairement contestable. 

Le rapport Guilluy a le mérite de pointer les défaillances du système d’accompagnement actuel : en France, chaque conseiller de l’opérateur principal du service public de l’emploi suit en moyenne 98 inscrits, contre 38 en Allemagne et 40 en Flandre26Thibaut Guilluy, Rapport de synthèse de la concertation de la mission de préfiguration de France Travail, avril 2023, p. 251-252.. En France, la taille moyenne d’un « portefeuille » est de 150 demandeurs « éloignés de l’emploi » par conseiller.

Dans ce contexte, il semble impossible de mettre en place pour tous les allocataires le suivi nécessaire à l’organisation et au contrôle du respect du volume horaire de 15 à 20 heures d’activités par allocataire du RSA. Comment trouver dans l’immédiat les travailleurs sociaux, les formateurs, les agents de Pôle Emploi nécessaires à cet accompagnement ?

Avant même les 15 à 20 heures, pour améliorer l’accompagnement humain et s’aligner sur les standards européens, il faudrait déjà doubler les effectifs des travailleurs sociaux et des conseillers en insertion : où recruter les 40 000 conseillers nécessaires pour accompagner correctement les 2 millions d’allocataires du RSA27L’hypothèse ici est de retenir un taux d’encadrement de 1 conseiller pour 50 allocataires. ?Avec quels moyens ? En l’état du sous-financement des acteurs locaux de l’emploi (Missions locales, etc.) et en l’absence de moyens dédiés pour les conseils départementaux, cette réforme pèche donc par son infaisabilité et son impréparation.

L’échec d’heures de bénévolat obligatoire pour les allocataires du RSA dans le Haut-Rhin  
Le département du Haut-Rhin a été un des premiers départements de France à exiger des heures de « bénévolat » pour les allocataires du RSA. Le président du Conseil départemental reconnaît lui-même la faible efficacité du dispositif : seulement 500 allocataires du RSA sur 40 000 ont accepté une telle démarche. Outre ce faible volume, ces 500 allocataires se trouvent être parmi ceux les plus proches de l’emploi. Autrement dit, il s’agit de ceux qui auraient de toute façon trouvé un emploi sans contrepartie au versement du RSA. À l’inverse, les heures de bénévolat ici imposées comme contrepartie ne sont en rien efficaces pour aider les allocataires du Haut-Rhin les plus éloignés de l’emploi, ceux aux parcours de vie heurtés.

Le gouvernement reconnaît lui-même que sa réforme coûte a minima entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros entre 2024 et 202628Cf. le rapport remis par Thibaut Guilluy sur la mission de préfiguration de France Travail.. Cette estimation est sous-évaluée.

Selon notre propre chiffrage, le coût total de l’application pleine de la réforme sur la base de 15 heures d’accompagnement par semaine se situerait davantage autour de 10 milliards d’euros par an, soit près de 5 000 euros par foyer29Nous nous sommes fondés sur le chiffre de l’Insee de 1 930 900 foyers bénéficiaires du RSA.. Par comparaison, en appliquant un simple produit en croix avec les coûts pour l’État du contrat d’engagement jeune (CEJ) qui constitue la principale source d’inspiration pour l’accompagnement des allocataires du RSA (mais qui reste limité à six mois dans sa durée), sans les coûts pour les collectivités territoriales, nous arrivons à 6,1 milliards d’euros par an30Nous avons extrapolé le coût de 633 millions d’euros pour 200 000 CEJ indiqué dans le bleu budgétaire de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2023 aux 1 900 000 allocataires du RSA « sec » (sans prime d’activité).

Le tableau suivant détaille notre calcul31Nous prenons les principales hypothèses suivantes : chaque conseiller suit dans son portefeuille 50 allocataires du RSA, chaque formateur suit 12 allocataires du RSA. :

Face à cette estimation des coûts induits par une pleine exécution de la réforme du gouvernement, nous ne pouvons émettre que deux hypothèses : soit le gouvernement sait que l’accompagnement ne pourra pas être de l’ordre de 15 à 20 heures pour l’ensemble des allocataires, soit il projette de faire supporter par les collectivités locales ou d’autres acteurs le coût réel de cette réforme. 

Ce coût, compensé ou non par l’État, devra en outre être supporté de manière extrêmement inégalitaire entre les départements : 

Source : Données de la Drees du nombre d’allocataires du RSA par département.

Outre ces 10 milliards de coûts, comment penser sérieusement qu’en l’état de l’économie française qui ne compte en réalité que 355 000 emplois vacants32Dares, données consultées sur ce lien., l’ensemble des 1,9 million de foyers allocataires du RSA peuvent retrouver un emploi grâce à la réforme France Travail ?

Enfin, comment cette obligation de réaliser au moins 15 à 20 heures d’activité va-t-elle s’appliquer aux 40%33RSA : parmi les bénéficiaires fin 2018, deux sur cinq ont travaillé en 2019, Drees, janvier 2023. des allocataires du RSA qui occupent un emploi ? Sur ce point comme tant d’autres, le gouvernement est muet. Quoi qu’il en soit, cette réforme a été insuffisamment préparée et il n’existe aucune visibilité sur ses effets.

La réforme pose également un problème de méthode

La réforme s’apprête en effet à généraliser une expérimentation conduite dans 18 départements dite de simplification du paysage des acteurs de l’emploi (mais déjà appelée France Travail) alors même que  celle-ci vient à peine de débuter ! Autrement dit, le Parlement va légiférer à l’aveugle, sans évaluation précise et scientifique des résultats de cette expérimentation.

Rappelons que plusieurs départements, en particulier celui de la Seine-Saint-Denis, se sont retirés ou ont refusé de s’engager dans l’expérimentation en raison de l’obligation d’activité pesant sur les allocataires du RSA mais aussi en raison de la faiblesse des moyens mis en œuvre : 800 000 euros pour un département expérimentateur pour accompagner 1 500 allocataires de façon plus intensive, cela représente à peine 530 euros par personne. Un chiffre extrêmement faible qui montre combien cette prétendue expérimentation est avant tout un alibi pour justifier une réforme décidée pour des raisons idéologiques et non pas par pragmatisme.

A minima, il aurait été souhaitable d’évaluer sur deux ou trois années les effets des expérimentations menées afin d’observer quels dispositifs ont été les plus favorables pour la réinsertion des individus.

Ce que portent les socialistes : un droit opposable à l’accompagnement de l’allocataire conjugué à un minimum social inconditionnel, revalorisé, ouvert aux jeunes actifs

Face à cette réforme stigmatisante, indigne, et inefficace, quelle serait la contre-réforme des socialistes ?

Ce projet alternatif s’inscrit dans une bataille culturelle contre ceux qui veulent remettre en cause à bas bruit la lente construction de l’État social et ses principes de solidarité : être allocataire d’un minimum social n’est pas un choix, et encore moins un « bénéfice » indu dont il faudrait s’excuser, pas plus que la responsabilité de l’exclusion sociale et professionnelle ne repose jamais exclusivement sur la personne.

Le droit opposable à l’accompagnement de l’allocataire

Une telle bataille sera gagnée si la responsabilité de l’accompagnement de l’allocataire du RSA est renversée : plutôt que conditionner à des heures d’activité sous-payées le versement d’un minima social, faisons en sorte que la puissance publique garantisse l’accès de l’allocataire à un accompagnement adapté, favorisant un vrai lien de confiance avec un travailleur social qui a les moyens de faire son travail, et lui permette ainsi de se réinsérer socialement et, quand cela est possible, professionnellement.

Autrement dit, nous proposons là de créer un droit à l’accompagnement opposable. Trois alinéas du préambule de la Constitution de 1946 qui a encore aujourd’hui une valeur constitutionnelle nous commandent de reconnaître un tel droit :

  • le 5e, aux termes duquel « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances »,
  • le 10e, aux termes duquel « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement »,
  • et surtout le 11e aux termes duquel « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Alors que l’allocataire vit une situation sociale et/ou professionnelle difficile qui le conduit à demander le RSA, ce droit inverse la charge de la responsabilité : les difficultés de l’allocataire ne sont plus « sa faute »  – comme le gouvernement cherche à l’imposer – et il revient à la collectivité de garantir à l’allocataire un accompagnement de qualité et de mettre en place des services publics (école, transports, garde d’enfants, emplois adaptés…) pour faciliter sa réinsertion sociale et professionnelle.

Une telle inversion de la responsabilité renouerait avec l’histoire de la protection sociale française, celle de la construction d’une assurance contre des risques collectifs qui pèsent sur les individus.

Cette inversion de la responsabilité est d’autant plus fondée quand on prend connaissance du déficit de l’accompagnement actuel34Les chiffres qui suivent sont extraits du rapport de la Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, janvier 2022. : 30% des allocataires potentiels du RSA ne le demandent pas (ce qui est appelé le non-recours), 1 allocataire sur 5 n’est même pas orienté après l’ouverture de ses droits, seulement 4 allocataires potentiels du RSA sur 10 bénéficient d’un accompagnement, qu’il soit social ou professionnel, et seulement 50% des allocataires orientés disposent effectivement d’un contrat d’engagement réciproque (CER) en 2019.

Dans cette perspective, le droit à l’accompagnement opposable rendrait encore moins pertinentes les « sanctions » à l’égard de l’allocataire, et générerait des obligations pour la puissance publique quand il n’est pas respecté : l’attribution de droits à une formation qualifiante, une prise en charge sanitaire d’urgence, une aide à la mobilité financée ou encore l’affectation de moyens supplémentaires pour les acteurs locaux de l’emploi afin de garantir un suivi minimal, etc.

Par ailleurs, un tel droit pourrait se décliner dans des clauses insérées dans la commande publique conduisant les entreprises retenues à embaucher un certain nombre d’allocataires du RSA en s’inscrivant dans des parcours d’insertion.

Enfin, un tel droit suppose un réengagement massif de l’État sur les dépenses d’insertion, notamment auprès des départements. Quand le RMI a été créé par le gouvernement de Michel Rocard, son « I » avait une traduction concrète : l’équivalent de 20% des dépenses du RMI devaient être consacrées à l’insertion sociale et professionnelle de ses allocataires. Aujourd’hui, ces dépenses ne représentent plus que 15% environ des dépenses du RSA avec des disparités très fortes entre départements. Il convient dès lors d’atteindre à nouveau les 20% fixés par Michel Rocard.

Cela suppose de ne plus faire supporter par les départements l’essentiel de la hausse des dépenses d’allocation, sans revalorisation correspondante par l’État ; mais aussi de définir un socle minimal d’actions d’accompagnement et de financer la revalorisation – légitime et encore insuffisante – des salaires des professionnels de l’accompagnement social et professionnel.

Outre ce droit à l’accompagnement opposable, il revient également de revoir le modèle même de la prestation RSA. Plusieurs principes nous guident ici : l’inconditionnalité, l’automaticité, la revalorisation du montant et son ouverture aux jeunes actifs35Nous sommes ici pleinement en ligne avec les principes développés par Timothée Duverger et Thierry Germain dans leur note à la Fondation Jean Jaurès intitulée Revenu d’autonomie : Faire le choix d’un autre modèle !.

Un RSA inconditionnel et versé automatiquement pour lutter contre le non-recours

L’inconditionnalité est le premier principe de refonte du RSA.

Comme on l’a vu, la mise sous conditions d’une allocation à des comportements est inefficace voire contre-productive. À long terme, elle ne produit ni baisse du taux de pauvreté, ni amélioration du taux d’emploi.

C’est pourquoi le droit à l’allocation et à l’accompagnement ne peut être qu’inconditionnel. La philosophie qui nous inspire ici est claire : l’inconditionnalité est un principe humaniste.

L’automaticité est le corollaire de l’inconditionnalité.

Le formulaire pour demander le RSA fait plus de sept pages aujourd’hui et pose des questions d’une extrême complexité pour le commun des mortels comme le Siret de l’employeur, « sa cotisation à l’URSSAF, à la MSA, à la CGSS » ou encore « les revenus de Cirma, de Cav ou de Cui »36Cf. le formulaire Cerfa 15481*01 consulté sur ce lien..

Outre l’effet de culpabilisation déjà élevé quant au fait de « demander » le RSA, cette complexité administrative génère du non-recours, qui concerne 3 à 4 allocataires potentiels du RSA sur 10.

Il s’agit donc ici de verser le revenu de manière automatique, sans avoir à en faire la démarche.

Cela serait faisable au prix d’un programme important de simplification des ressources prises en compte et d’échanges de données entre administrations. Il suffirait alors d’envoyer aux allocataires une proposition avec le montant de droits calculés, et de solliciter leur accord pour le versement. 

Un revenu minimum d’existence décent et donc revalorisé

La revalorisation du montant-socle du RSA doit également permettre d’en faire un revenu digne.

Sur les trente dernières années, le RMI puis le RSA a augmenté moins vite que le Smic : si le RMI représentait 49% du Smic lors de sa création en 1988, le RSA ne représente aujourd’hui plus que 39% du Smic et de la prime d’activité en 201937ATD Quart Monde, Évaluation participative du revenu de solidarité active (RSA), rapport à destination de la Cour des comptes, janvier 2021..

Avec une inflation à deux chiffres pour les produits de base, un rattrapage du montant du RSA devient un impératif.

La définition d’un montant précis pourra s’inspirer des budgets de référence du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE)38Budgets consultés ici., qui distingue les budgets entre territoires, tout en visant l’objectif que le RSA ne soit pas inférieur à un certain niveau du seuil de pauvreté, a minima 75% de celui-ci. À plus long terme, la proposition du Secours catholique ou du collectif Alerte de synchroniser et d’aligner les revalorisations du RSA sur celles du Smic39Le Smic est indexé sur l’évolution du salaire moyen et le poids de l’inflation pour les 20% plus bas revenus quand le RSA est uniquement calculé sur la base de l’inflation moyenne. nous semble pertinente. Cette revalorisation devra se faire dans le cadre d’une réflexion plus large sur les montants de l’ensemble des minima sociaux, dont au premier rang l’AAH et l’ASPA (minimum vieillesse).

Aux critiques inévitables qui jailliront sur la désincitation du travail qu’une telle revalorisation provoquerait, en créant un écart trop faible entre le montant du RSA et les revenus du travail, il faut rappeler que les socialistes promeuvent en parallèle de revaloriser non pas « la valeur travail » mais « la valeur du travail ». Concrètement, nous défendons l’augmentation du Smic à 1 600 euros net par mois, et une conférence nationale de revalorisation des salaires. Ajoutons par ailleurs qu’avec la mise en place du RSA activité puis de la prime d’activité sous la présidence de François Hollande, il n’est plus possible aujourd’hui de gagner moins en étant en emploi qu’en étant allocataire des minima sociaux. 

Un revenu ouvert aux jeunes qui leur permet de sortir de la pauvreté

L’ouverture du RSA aux jeunes actifs âgés de 18 à 25 ans est également un impératif.

L’image des jeunes faisant la queue devant les distributions d’aide alimentaire est d’autant plus insupportable qu’elle concerne un nombre considérable de personnes en France : le taux de pauvreté des jeunes de 18-24 ans de 22,7% est très largement supérieur à la moyenne pour l’ensemble de la population qui s’établit à 13%40Revenus et patrimoines des ménages, Insee Références, 2021..

La réforme des socialistes du RSA promeut donc une ouverture aux jeunes actifs, qui devra tenir compte des ressources parentales et de l’aide financière apportée par les parents, et qui nécessitera en parallèle une refonte totale du modèle des bourses étudiantes.

À cet égard, l’expérience portée par la métropole de Lyon du revenu de solidarité jeunes41Voir par exemple la note d’Antoine Dulin, Revenu Solidarité Jeunes : retour sur deux ans d’expérimentation à la métropole de Lyon, Fondation Jean-Jaurès, 6 septembre 2023. montre qu’une alternative est possible et porteuse d’effets, pour l’insertion et la lutte contre la précarité des jeunes.

Et demain ? Repenser plus largement le modèle des prestations sociales

À plus long terme, penser le RSA dans toute sa complexité ne peut se faire sans travailler plus largement à une refonte en profondeur de nos prestations sociales, en incluant l’ensemble des prestations qui poursuivent un objectif similaire au RSA – dont en particulier l’allocation spécifique de solidarité (ASS) ou encore le revenu de solidarité outre-mer (RSO).

Cette réforme devra viser l’émergence d’un modèle de revenu minimal fusionnant plusieurs prestations afin que l’accès aux droits soit simplifié, et que les règles soient lisibles pour tous.

Plusieurs pistes devront faire l’objet de réflexions approfondies : la déconjugalisation totale ou partielle de la prestation, qui pourrait favoriser l’émancipation des femmes42Voir le rapport de la Fondation des femmes, La dépendance économique des femmes, une affaire d’État ?, consulté sur ce lien., la création d’allocations complémentaires permettant la prise en compte de situations d’urgence comme le cas des violences intrafamiliales, l’articulation de ces prestations avec l’allocation logement et une aide renforcée pour les allocataires qui ont des enfants à charge via des allocations familiales revalorisées. 

Par ailleurs, la question de l’emploi pour tous ne pourra être résolue que lorsque nous serons en capacité d’offrir un emploi à celles et ceux qui en sont durablement éloignés. C’est en ce sens qu’est expérimenté le projet « Territoires zéro chômeur longue durée » (TZCLD) et que la garantie d’emploi peut être une piste intéressante à explorer.

À cet égard, les réflexions devront s’inspirer des travaux d’une part de Christophe Sirugue en 201643Rapport de Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune, consulté sur ce lien.) et d’autre part d’Hervé Saulignac et de Boris Vallaud en 2021.

Ces propositions pourraient être financées par plusieurs mesures de nature fiscale : une plus grande progressivité de l’impôt sur le revenu, l’introduction d’une dose de progressivité de la CSG, ou encore la refonte de la fiscalité de l’héritage44Voir par exemple les travaux de la députée Christine Pirès-Beaune sur ce lien..

  • 1
    Arthur Delaporte est député du Calvados, siégeant au groupe Socialistes et apparentés – membre de l’intergroupe Nupes.
  • 2
    Simon Rumel-Sixdenier est conseiller en charge des affaires sociales au groupe Socialistes et apparentés – membre de l’intergroupe Nupes.
  • 3
    Johanna Buchter est une haute fonctionnaire, membre du groupe des experts du Parti socialiste.
  • 4
    Guillaume Mathelier est docteur en sciences politiques de l’Université de Genève et enseignant à la Haute École de gestion de Genève.
  • 5
    Interview de Patrice Douret, président bénévole des Restos du cœur.
  • 6
    Présentation du programme du candidat Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2022.
  • 7
    Interview sur la chaîne TF1, mercredi 22 avril 2023.
  • 8
    Discours de Nicolas Sarkozy, président de la République, sur la généralisation du Revenu de solidarité active et son financement, consulté sur ce lien.
  • 9
    Interview de Laurent Wauquiez du 8 mai 2011, BFM TV 2012-Le Point-RMC, source : article du journal Le Monde consulté sur ce lien.
  • 10
    Allan Kaval, « En Italie, Giorgia Meloni choisit le 1er mai pour rogner les minima sociaux », Le Monde, 1er mai 2023.
  • 11
    À titre d’illustration de ce silence assourdissant, l’étude d’impact du projet de loi ne fournit aucune évaluation du nombre d’emplois créés, de la hausse du taux d’emploi attendue, etc. Voir : Étude d’impact du projet de loi pour le plein-emploi, Sénat.
  • 12
    Voir également le rapport du rapporteur Jean-Michel Belorgey sur le contenu du projet de loi portant création du RMI : « Le projet de loi met donc l’accent tout à la fois : – sur la nécessité de donner à ceux qui sont dans le dénuement des ressources suffisantes pour pallier la précarité de leur situation ; – sur celle de ne pas s’en tenir au versement d’une prestation, mais de poursuivre simultanément un vigoureux effort d’insertion envers le plus grand nombre possible de bénéficiaires de la prestation financière », cité par Nicolas Duvoux dans L’autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion, Paris, PUF, 2009.
  • 13
    Qui touche 34% des foyers allocataires potentiels. Cyrine Hannafi, Rémi Le Gall, Laure Omalek et Céline Marc, Mesurer régulièrement le non-recours au RSA et à la prime d’activité : méthode et résultats, Les Dossiers de la Drees, n° 92, 11 février 2022.
  • 14
    Le Monde, 12 septembre 2019.
  • 15
    Rapport de la Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, janvier 2022.
  • 16
    Ibid.
  • 17
  • 18
    Voir notamment l’article de Bruno Coquet, « De l’assurance chômage à la taxation des chômeurs », Alternatives économiques, août 2023.
  • 19
    Le référentiel des activités possibles éligibles aux 15-20 heures, page 265 du rapport remis par Thibaut Guilluy sur la mission de préfiguration de France Travail, cite notamment des « expériences professionnelles rémunérées : contrats courts, intérim, emplois saisonniers ou stages. »
  • 20
    Article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles.
  • 21
    Voir par exemple les travaux du Economic & Social Research Council, Final findings report. Welfare Conditionality Project: 2013-2018, juin 2018, consultables sur ce lien.
  • 22
    Voir par exemple Abhijit V. Banerjee, Esther Duflo, Repenser la pauvreté, Paris, Seuil, coll. Les livres du nouveau monde, 2012.
  • 23
    Voir par exemple Results of Finland’s basic income experiment: small employment effects, better perceived economic security and mental wellbeing, Kela, 6 mai 2020.
  • 24
    Voir par exemple cet article des Échos.
  • 25
    Voir par exemple l’article d’AEF : « Place des élus locaux, rôle des algorithmes… ces aspects de France Travail qui inquiètent les missions locales », consulté sur ce lien.
  • 26
    Thibaut Guilluy, Rapport de synthèse de la concertation de la mission de préfiguration de France Travail, avril 2023, p. 251-252.
  • 27
    L’hypothèse ici est de retenir un taux d’encadrement de 1 conseiller pour 50 allocataires.
  • 28
    Cf. le rapport remis par Thibaut Guilluy sur la mission de préfiguration de France Travail.
  • 29
    Nous nous sommes fondés sur le chiffre de l’Insee de 1 930 900 foyers bénéficiaires du RSA.
  • 30
    Nous avons extrapolé le coût de 633 millions d’euros pour 200 000 CEJ indiqué dans le bleu budgétaire de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2023 aux 1 900 000 allocataires du RSA « sec » (sans prime d’activité)
  • 31
    Nous prenons les principales hypothèses suivantes : chaque conseiller suit dans son portefeuille 50 allocataires du RSA, chaque formateur suit 12 allocataires du RSA.
  • 32
    Dares, données consultées sur ce lien.
  • 33
    RSA : parmi les bénéficiaires fin 2018, deux sur cinq ont travaillé en 2019, Drees, janvier 2023.
  • 34
    Les chiffres qui suivent sont extraits du rapport de la Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, janvier 2022.
  • 35
    Nous sommes ici pleinement en ligne avec les principes développés par Timothée Duverger et Thierry Germain dans leur note à la Fondation Jean Jaurès intitulée Revenu d’autonomie : Faire le choix d’un autre modèle !
  • 36
    Cf. le formulaire Cerfa 15481*01 consulté sur ce lien.
  • 37
    ATD Quart Monde, Évaluation participative du revenu de solidarité active (RSA), rapport à destination de la Cour des comptes, janvier 2021.
  • 38
    Budgets consultés ici.
  • 39
    Le Smic est indexé sur l’évolution du salaire moyen et le poids de l’inflation pour les 20% plus bas revenus quand le RSA est uniquement calculé sur la base de l’inflation moyenne.
  • 40
    Revenus et patrimoines des ménages, Insee Références, 2021.
  • 41
    Voir par exemple la note d’Antoine Dulin, Revenu Solidarité Jeunes : retour sur deux ans d’expérimentation à la métropole de Lyon, Fondation Jean-Jaurès, 6 septembre 2023.
  • 42
    Voir le rapport de la Fondation des femmes, La dépendance économique des femmes, une affaire d’État ?, consulté sur ce lien.
  • 43
    Rapport de Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune, consulté sur ce lien.
  • 44
    Voir par exemple les travaux de la députée Christine Pirès-Beaune sur ce lien.

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