S’il n’est arrivé qu’en troisième place aux élections législatives de 2024, le Rassemblement national est pourtant en progression continue dans les urnes depuis 2011. Pour mieux saisir cette croissance et les ressorts du dernier scrutin, Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive, mobilise des données d’opinion qui laissent augurer de la poursuite de cette évolution électorale positive de la formation de Jordan Bardella.
Le titre ici est plutôt provocateur. On le sait, le Rassemblement national (RN) est arrivé en troisième position à l’issue du second tour et une mobilisation s’est opérée – appuyée par des désistements massifs de candidats de gauche et du centre – pour éviter l’arrivée de Jordan Bardella à Matignon. La majorité relative ou absolue qui se présentait au RN a été stoppée. Reste qu’il apparaît important de considérer le scrutin récent au regard des données d’opinion et des comportements au premier – voire au second – tour.
Quelques pourcentages pour commencer : 14,7% ; 24,2% ; 33,9%. Telle est l’évolution de la part de voix accordées à un candidat d’extrême droite depuis 2017 aux élections législatives. Si l’on se focalise sur le RN et ses alliés, les données sont les suivantes : 13,2% en 2017, 18,68% en 202 et 33,22% en 2024 – décomposés en 29,26% pour le RN et 3,96% pour À droite ! d’Éric Ciotti. On a connu des perdants moins valeureux.
Dans un contexte où les blocs se présentaient en coalitions, le RN est arrivé en 2024 en tête ou a vu son candidat élu au premier tour dans 297 circonscriptions. Ce fut le cas dans 20 circonscriptions en 2017 et dans 110 en 2022.
Enfin, et surtout : 8, 89, 142. Telle est l’évolution du nombre de députés RN à l’Assemblée nationale à l’issue des trois derniers scrutins. Aucune formation politique n’a connu une telle progression au cours de cette période. Et quand bien même une mobilisation politique s’est déployée, la progression du nombre de députés RN est plus que tangible. Elle l’est en pourcentage de voix, elle l’est en nombre de sièges, elle l’est également (quel que soit le taux de participation) en nombre de voix : 2 990 454 en 2017, 4 248 537 en 2022 et 10 647 914 en 2024. Illustrons cette « victoire » par des données de qualification des électorats et d’opinion, en cherchant à répondre à quelques questions : Jordan Bardella et les candidats qui le portaient à Matignon ont-ils vraiment bénéficié d’un vote prépondérant de la jeunesse ? Quels sont les messages délivrés par les électeurs RN ? Dans quelle mesure la « défaite » est-elle préjudiciable à cette formation politique ?
Recevez chaque semaine toutes nos analyses dans votre boîte mail
Abonnez-vousJordan Bardella, l’attractivité de la jeunesse ?
Beaucoup a été dit sur la personnalité de Jordan Bardella. Beaucoup ont prédit qu’il y aurait un vote RN fortement poussé par Jordan Bardella.
D’un point de vue d’opinion, observons son installation tendancielle depuis les élections de 2022. La confiance en Jordan Bardella a progressé de 7 points (passant de 29% à 36%), tandis que celle en Édouard Philippe baissait de 4 (42% à 38%), en Marine Le Pen de 5 (39% à 34%) comme Marion Maréchal (29% à 24%) ou encore Éric Zemmour de 6 points (21% à 15%). Afin d’alléger la lecture, nous avons volontairement isolé dans le graphique suivant quelques personnalités d’extrême droite et comparé avec « l’étalon » Édouard Philippe. Hormis Olivier Faure (+2, mais avec une croissance de sa notoriété), aucune personnalité n’a vu sa cote de confiance progresser en un peu plus de deux ans.
Non seulement cette croissance de la confiance exprimée à son égard est globale, mais elle se manifeste au sein de toutes les catégories de population. Ainsi, 35% des femmes (+9 points), 32% des moins de 25 ans (+10) mais également 42% des 65 ans et plus (+9), 34% des professions et catégories socioprofessionnelles supérieures (PCS+) (+4) comme 41% des PCS- (+11) expriment leur confiance dans le président du RN. Ces évolutions sont remarquables lorsque l’on considère également la localisation géographique, le statut professionnel, le niveau de diplôme… Politiquement, Jordan Bardella progresse de 27 points chez les électeurs du Rassemblement national (90% en août dernier), de 15 chez les LR (41%) ou encore de 20 chez Reconquête ! (83%). La progression est donc notable chez les jeunes, mais il ne s’agit pas du seul critère opérant.
Si l’on se focalise sur les plus jeunes, Jordan Bardella la première personnalité en laquelle les moins de 25 ans accordent le plus leur confiance (32%) au même niveau que François Hollande et, légèrement, devant Marine Le Pen ou Édouard Philippe (30% tous deux). Le dirigeant du RN est également premier chez les personnes âgées de 25 à 34 ans (37% devant Marine Le Pen qui est à 33%). Lorsque l’on regarde les opinions des générations précédentes, 36% des 35 à 49 ans accordent leur confiance en priorité à Marine Le Pen et 34% à Jordan Bardella (troisième position), le leader du RN est deuxième chez les 50-64 ans (36%, Marine Le Pen étant quatrième avec 34%) ; enfin, même s’il est septième chez les personnes âgées de 65 ans et plus, notons que 39% lui accordent leur confiance et 37% l’accordent à Marine Le Pen (neuvième).
Tout ceci s’inscrit dans un contexte où, au cours de ces deux dernières années, la part de Français indiquant que le RN constitue la formation politique dont ils se sentent le plus proche est passée de 16 à 20%1Le RN a bénéficié essentiellement d’un transfert depuis Reconquête !..
L’électorat de Jordan Bardella, une génération biberonnée à TikTok et CNews ?
Revenons sur certaines idées émises. On a beaucoup parlé d’un vote RN des jeunes accentué par un « effet TikTok » de Jordan Bardella, voire poussé, pour l’ensemble des électeurs, par CNews.
Lorsque l’on interroge les électeurs pour des candidats du Rassemblement national au premier tour des élections législatives, on peut voir que leur première source d’information était la télévision (61%), devant internet (40%) et les réseaux sociaux (20%). Le tableau ci-dessous montre que les différences de sources d’information entre l’ensemble des électeurs et ceux du RN sont faibles.
S’informe par la télévision | S’informe par internet | S’informe par les réseaux sociaux et YouTube | Sans réponse | |
Ensemble des électeurs | 56 | 42 | 20 | 24 |
Ensemble des électeurs RN | 61 | 40 | 20 | 22 |
Sous-total Électeurs de moins de 35 ans | 38 | 67 | 45 | 22 |
Sous-total Électeurs RN de moins de 35 ans | 42 | 66 | 42 | 19 |
Électeurs de 18-24 ans | 38 | 73 | 52 | 19 |
Électeurs RN de 18-24 ans | 39 | 76 | 51 | 13 |
Électeurs de 25-34 ans | 39 | 63 | 41 | 23 |
Électeurs RN de 25-34 ans | 43 | 61 | 37 | 22 |
Si l’on se focalise sur le recours à TikTok, 35% des personnes de moins de 35 ans votant RN recourent fréquemment à TikTok pour s’informer (contre 31% de cette classe d’âge s’étant déplacés pour aller voter) ; l’écart de 10 points précisément chez les moins de 25 ans ne peut constituer la seule variable explicative de la progression du vote RN chez les jeunes2Cela est d’autant plus corroboré par le fait que 16% des électeurs du Nouveau Front populaire (NFP) s’informaient régulièrement sur la campagne pour les législatives en regardant TikTok. À titre illustratif, 6% des électeurs Ensemble faisaient de même, 10% de ceux des Républicains et 11% de ceux de Reconquête !. La logique est la même pour Instagram (utilisé par 21% des électeurs NFP, 19% de ceux de Reconquête !, 14% de ceux du RN, 13% de ceux du LR et 10% de ceux d’Ensemble.. Une progression, on le verra plus loin, qui plus est plus notable chez les personnes âgées que chez les jeunes.
Donc oui, Jordan Bardella s’installe dans l’opinion. Oui, il constitue une pièce maîtresse pour le RN. Mais les seuls registres de l’attractivité de la jeunesse ou de l’effet TikTok sont réducteurs pour décrire la progression du Rassemblement national aux dernières élections.
De même, il apparaît réducteur d’imputer à CNews un rôle de formatage des esprits incitant à voter RN. Il ne s’agit pas ici de juger du fond mais d’observer les comportements des personnes interrogées. Indéniablement, CNews constitue une référence pour les électeurs du RN. 38% déclarent regarder au moins occasionnellement cette chaîne, contre 24% des Français. Reste que, dans la hiérarchie des médias télévisuels, elle arrive en quatrième position ex aequo alors qu’elle est la cinquième pour l’ensemble des électeurs3Dixième des électeurs NFP, septième de ceux d’Ensemble et première de ceux de Reconquête !..
TF1 | France 2 / France 3 | BFM TV | M6 | CNews | France Info | LCI | |
Ensemble des électeurs | 53 | 45 | 41 | 35 | 24 | 21 | 19 |
Électeurs RN | 57 | 40 | 44 | 38 | 38 | 15 | 21 |
Le RN, un vote sociologiquement plus uniforme que par le passé
On a pu voir la nouvelle géographie électorale du RN aussi bien à la suite des élections européennes que des législatives. La croissance des scores de cette formation politique appelle aujourd’hui à ne plus considérer qu’il existe avec certitude de zone hermétique ou potentiellement hermétique au vote RN. Celle-ci s’accompagne d’évolutions sociologiques majeures qu’il nous apparaît important de rappeler. Si, en deux ans de temps seulement, le RN a progressé au premier tour des législatives de 14 points, cette évolution est loin d’être uniforme. C’est chez les personnes âgées de 35 ans et plus (37% chez les 35-64 ans, 32% chez les personnes âgées de 65 ans et plus) que les progressions sont les plus notables. En outre, la porosité avec l’électorat de la droite classique se ressent. Ainsi, aux législatives de 2024,25% des électeurs de Valérie Pécresse ont voté RN contre 6% deux ans plus tôt. 21% d’électeurs se déclarant proches des Républicains ont adopté ce comportement, soit une évolution de 13 points entre les deux consultations électorales. Il s’agit là d’éléments explicatifs de la croissance du vote RN.
Élections législatives de 2022 | Élections législatives de 2024 | Évolutions | |
Ensemble des électeurs | 19% | 33% | 14 points |
Homme | 18% | 33% | 15 points |
Femme | 20% | 33% | 13 points |
18-24 ans | 14% | 22% | 8 points |
25-34 ans | 20% | 28% | 8 points |
35-49 ans | 20% | 37% | 17 points |
50-64 ans | 23% | 37% | 14 points |
65 ans et plus | 14% | 32% | 18 points |
PCS+ | 15% | 28% | 13 points |
PCS- | 26% | 41% | 15 points |
Valérie Pécresse | 6% | 25% | 19 points |
Nicolas Dupont-Aignan | 22% | 51% | 29 points |
Marine Le Pen | 72% | 90% | 18 points |
Éric Zemmour | 22% | 71% | 49 points |
Les Républicains | 8% | 21% | 13 points |
Rassemblement national | 86% | 93% | 7 points |
Reconquête ! | 12% | 66% | 54 points |
Une arrivée « lancée » aux élections législatives
On le sait, la dynamique des législatives s’est inscrite dans celle des européennes notamment pour le RN. Qu’il s’agisse de la sociologie électorale ou géographique, ou des motivations de vote, les électeurs Rassemblement national de début et fin juin se ressemblent4Ce qui est assez logique vu que 90% des électeurs de la liste conduite par Jordan Bardella s’étant déplacés aux européennes ont voté pour un candidat RN aux législatives. À titre de comparaison, les déperditions sont plus importantes dans les autres électorats : respectivement 85%, 71% et 65% des électorats Manon Aubry, Raphaël Glucksmann et Marie Toussaint ont voté pour un candidat soutenu par le NFP ; 73% de ceux de Valérie Hayer pour un candidat de la majorité présidentielle ; 35% de ceux de François-Xavier Bellamy pour un candidat LR.. Sur le fond de leurs motivations, à titre illustratif, 73% de ces électeurs avaient voté aux européennes en pensant à l’immigration, 70% lors des législatives ; 57% au pouvoir d’achat début juin, 64% fin de ce mois-là ; 38% à la sécurité lors de la consultation européenne, 44% lors de la consultation nationale.
Elle s’inscrivait également dans un contexte où les Français jugeaient plus positivement l’action des parlementaires RN que celles des autres élus. 37% des Français se déclaraient en mars dernier satisfaits des votes et déclarations des parlementaires RN. Il s’agissait d’une constante depuis le début de la précédente législature5Rappelons que moins de 20% des électeurs (soit moins de 10% des inscrits) avaient voté pour un candidat RN aux législatives de 2022.. (devant Horizons, 35% ; Renaissance, le Parti socialiste ou Les Républicains à 30%). Cette satisfaction était notable évidemment chez les sympathisants RN (91%) mais également LR (44%). Qui plus est, le Rassemblement national apparaissait comme la première force politique d’opposition et ce de manière continue depuis le début de la deuxième mandature d’Emmanuel Macron.
Ainsi, en dépit de candidats sujets à caution, l’image du RN à l’Assemblée nationale apparaissait doublement bonne : bonne car l’attitude était jugée la plus appréciable, bonne car le Rassemblement national était perçu comme la meilleure force d’opposition.
Retour aux fondamentaux pour le vote RN
L’analyse des motivations de vote offre une grille de lecture qui invite à une analyse fine du comportement des électeurs RN. On identifie – et ce n’est pas nouveau – un souhait spontané de changement. Il n’est peu fait mention d’Emmanuel Macron mais plus du programme du Rassemblement national ou encore de l’immigration. La référence ne semble donc pas être le président de la République mais le RN en tant que tel.
Rappelons que les électeurs pour un candidat d’extrême droite ont en priorité voté en pensant à l’immigration (69%) et au pouvoir d’achat (63%), très nettement devant la sécurité (44%). Si nous parlons de « retour aux fondamentaux », c’est parce qu’au cours des précédentes législatives, les électeurs RN plaçaient légèrement en tête le pouvoir d’achat devant l’immigration et ce dans la droite ligne de la dernière présidentielle. Ainsi, en 2022, le pouvoir d’achat était mentionné par 63% des électeurs RN (sans évolution depuis), l’immigration par 62% d’entre eux (soit 7 points de moins que cette année), la sécurité par 37% (7 points de moins en 2022). Ainsi, indépendamment d’une participation électorale bien plus massive en 2024 qu’en 2022, d’un élargissement sociologique et politique de la base du RN, les motivations profondes de ces électeurs renvoient à celles, classiques, du vote pour la formation dirigée par Jordan Bardella.
RN et alliés (candidats soutenus par Éric Ciotti et le RN)
Comme nous l’avons déjà identifié, le vote RN est protéiforme. Le graphique suivant l’illustre bien : l’immigration constituait la première motivation de vote, quel que soit l’âge du répondant, mais pas chez les personnes âgées de 25 à 49 ans.
L’analyse selon la catégorie sociale fait, qui plus est, apparaître une mise en avant transverse de l’immigration comme motivation de vote hormis chez les ouvriers (72% évoquent le pouvoir d’achat, 66% l’immigration).
Face à un enjeu net du débat national (les retraites, citées par 28% des Français et 30% des électeurs RN), remarquons qu’il s’agit d’un sujet compris entre la quatrième et la septième motivation de vote en fonction de l’âge des répondants. À titre de comparaison, les retraites constituaient également la quatrième motivation de vote des Français et – hormis chez les électeurs du NFP – n’étaient pas dans le « top 5 ».
Un vote « pour » et non un vote « contre »
Il n’est plus question, depuis de nombreuses années, de parler de vote sanction ou de vote d’opposition au pouvoir politique en place, voire à la « classe politique »,lorsque l’on analyse les motivations des électeurs RN. Cette séquence électorale le confirme. Les électeurs RN sont ceux indiquant le plus le souhait que le candidat pour lequel ils ont voté soit présent au second tour, que le RN réalise le score le plus important possible, qu’il dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, que le candidat pour lequel ils ont voté soit élu… et moins nettement la volonté d’empêcher un autre candidat de se qualifier pour le second tour ou encore éviter qu’une autre formation politique dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Qui plus est, si 43% des Français ont voté par adhésion, l’électorat RN est celui l’affirmant le plus, à 48%. En parallèle, il s’agit de la frange électorale ayant le moins voté par opposition (7%, contre 10% en moyenne).
Ceci s’inscrit dans un contexte où 86% des électeurs RN jugent positivement l’alliance conclue entre Éric Ciotti et le RN, où 59% pensent l’alliance reposant sur un accord de fond et non de circonstance et où 72% anticipent un vote identique entre les deux formations politiques à l’Assemblée nationale6À titre de comparaison, seulement 38% des électeurs NFP pensent que le NFP est une alliance de formations politiques d’accord sur le fond et, si 91% la jugent positivement, 53% envisagent des votes communs des différents députés de gauche..
Ainsi, sont appréciées non seulement l’articulation politique, mais également l’anticipation de ce que pourraient être les conséquences politiques si le RN devait être à la direction du gouvernement. Ainsi 94% des électeurs d’un candidat du Rassemblement national pensent-ils que, si cette formation politique était au pouvoir, elle pourrait appliquer son programme. 45% pensent même qu’il serait appliqué en totalité. On le voit dans le graphique suivant, il s’agit du seul électorat aussi convaincu.
La conviction se retrouve dans l’anticipation de la capacité d’appliquer le programme mais également, et surtout, dans les conséquences individuelles et collectives. Il s’agit (hormis en ce qui concerne le dialogue social) de l’électorat le plus « croyant ». 90% estiment que, si jamais le RN devait être aux responsabilités, le pouvoir d’achat des Français progresserait (8 points de plus que l’électorat NFP à l’égard de « leur » formation politique et 18 de plus que l’électorat de la majorité présidentielle). Même logique en ce qui concerne son pouvoir d’achat, celui des catégories moyennes et populaires.
Le pouvoir d’achat des Français en général | Votre pouvoir d’achat | Le pouvoir d’achat des catégories modestes et populaires | L’emploi | La compétitivité des entreprises | La croissance économique | La réduction des inégalités | Le dialogue social | |
Si le RN était aux responsabilités | ||||||||
Français | 45 | 44 | 44 | 42 | 41 | 40 | 39 | 36 |
Électeurs RN | 90 | 89 | 89 | 88 | 86 | 87 | 85 | 80 |
Si Ensemble était aux responsabilités | ||||||||
Français | 31 | 32 | 31 | 40 | 43 | 37 | 30 | 33 |
Électeurs Ensemble | 72 | 71 | 70 | 81 | 81 | 77 | 67 | 67 |
Si le NFP était aux responsabilités | ||||||||
Français | 38 | 38 | 44 | 34 | 29 | 30 | 40 | 41 |
Électeurs NFP | 82 | 82 | 84 | 78 | 67 | 71 | 84 | 83 |
Remarquons en passant – même s’il ne s’agit pas de l’objet central de cette analyse – la crédibilité accordée au RN de la part de l’ensemble des électeurs : il apparaîtrait « meilleur » que la majorité présidentielle et que le NFP sur des sujets centraux : le pouvoir d’achat, l’emploi ou encore la croissance économique7On se rappellera que dans le cadre des européennes, quel qu’ait été le traitement médiatique, Jordan Bardella apparaissait aux yeux des électeurs comme étant la tête de liste (parmi les 7 principales) la plus crédible en matière de politique économique (48%), devant Raphaël Glucksmann (37%) et Marion Maréchal (36%), et largement devant Manon Aubry (25%).. On le voit, pas uniquement sur des conséquences à titre personnel, mais également collectives.
Des effets bénéfiques sur l’image du RN
À l’issue de la séquence électorale, remarquons que le RN est à la fois la formation politique dont l’image s’est le plus améliorée (quand bien même des critiques ont été émises à l’égard de certains candidats, qu’il y a eu une polémique sur les binationaux, sur le rôle dévolu à Emmanuel Macron en matière de politique étrangère…), mais également celle dont l’image s’est le moins… détériorée. C’est le cas logiquement auprès des sympathisants du RN mais également de l’ensemble des citoyens interrogés. Qui plus est, il s’agit de la seule formation politique dont le différentiel (soustraction des réponses « détériorée » à celles « améliorée ») est aussi net : +79 points des électeurs RN à l’égard de « leur » formation, contre 19 à 33 points pour les formations du NFP, et 14 chez ceux de la majorité présidentielle.
Rassemblement national | Parti socialiste | Les Écologistes | La France insoumise | Parti communiste | Les Républicains | Renaissance et ses alliés | Reconquête ! | |
Amélioration de l’image | ||||||||
Ensemble des électeurs | 33 | 17 | 16 | 14 | 14 | 13 | 13 | 8 |
Électeurs NFP | 9 | 48 | 43 | 42 | 37 | 6 | 8 | 6 |
Électeurs Ensemble | 14 | 10 | 7 | 6 | 7 | 14 | 31 | 7 |
Électeurs RN | 82 | 4 | 4 | 4 | 3 | 15 | 5 | 12 |
Détérioration de l’image | ||||||||
Ensemble des électeurs | 32 | 43 | 40 | 50 | 42 | 45 | 39 | 44 |
Électeurs NFP | 53 | 15 | 14 | 23 | 16 | 53 | 46 | 48 |
Électeurs Ensemble | 48 | 53 | 52 | 64 | 52 | 49 | 17 | 49 |
Électeurs RN | 3 | 60 | 57 | 66 | 58 | 46 | 53 | 43 |
Différentiel | ||||||||
Ensemble des électeurs | 1 | -26 | -24 | -36 | -28 | -32 | -26 | -36 |
Électeurs NFP | -44 | 33 | 29 | 19 | 21 | -47 | -38 | -42 |
Électeurs Ensemble | -34 | -43 | -45 | -58 | -45 | -35 | 14 | -42 |
Électeurs RN | 79 | -56 | -53 | -62 | -55 | -31 | -48 | -31 |
La séquence que nous venons de connaître avec la nomination de Michel Barnier le rappelle. Alors qu’il n’a que très peu été question du RN depuis le deuxième tour des élections législatives, cette formation a non seulement un impact sur la vie politique mais reste une référence pour nombreux Français. On semble s’étonner que, lorsque nous interrogions un échantillon représentatif de Français avant la nomination du Premier ministre, l’une des personnalités privilégiées était… Jordan Bardella8Jordan Bardella (39%) n’était que légèrement devancé par l’alors Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal (40%).. Quand bien même cette hypothèse n’avait aucune chance de trouver une issue réelle, les réponses données reflétaient bien l’état d’une partie importante de notre pays : le RN est là et près de 4 Français sur 10 estiment que ce serait une bonne chose qu’il conduise le gouvernement. Autant dire que cette formation politique, en progression depuis 2011, est bien présente. Autant dire également qu’en dehors des débats actuels sur la constitution du gouvernement le RN pèsera. Il pèsera sur les débats à l’Assemblée nationale. Il pèsera dans le débat public. Il pèsera électoralement. Restera à voir si la progression continue constatée se poursuivra ou non. À l’heure actuelle, les ingrédients semblent réunis pour que l’évolution électorale ne soit pas altérée.
- 1Le RN a bénéficié essentiellement d’un transfert depuis Reconquête !.
- 2Cela est d’autant plus corroboré par le fait que 16% des électeurs du Nouveau Front populaire (NFP) s’informaient régulièrement sur la campagne pour les législatives en regardant TikTok. À titre illustratif, 6% des électeurs Ensemble faisaient de même, 10% de ceux des Républicains et 11% de ceux de Reconquête !. La logique est la même pour Instagram (utilisé par 21% des électeurs NFP, 19% de ceux de Reconquête !, 14% de ceux du RN, 13% de ceux du LR et 10% de ceux d’Ensemble.
- 3Dixième des électeurs NFP, septième de ceux d’Ensemble et première de ceux de Reconquête !.
- 4Ce qui est assez logique vu que 90% des électeurs de la liste conduite par Jordan Bardella s’étant déplacés aux européennes ont voté pour un candidat RN aux législatives. À titre de comparaison, les déperditions sont plus importantes dans les autres électorats : respectivement 85%, 71% et 65% des électorats Manon Aubry, Raphaël Glucksmann et Marie Toussaint ont voté pour un candidat soutenu par le NFP ; 73% de ceux de Valérie Hayer pour un candidat de la majorité présidentielle ; 35% de ceux de François-Xavier Bellamy pour un candidat LR.
- 5Rappelons que moins de 20% des électeurs (soit moins de 10% des inscrits) avaient voté pour un candidat RN aux législatives de 2022.
- 6À titre de comparaison, seulement 38% des électeurs NFP pensent que le NFP est une alliance de formations politiques d’accord sur le fond et, si 91% la jugent positivement, 53% envisagent des votes communs des différents députés de gauche.
- 7On se rappellera que dans le cadre des européennes, quel qu’ait été le traitement médiatique, Jordan Bardella apparaissait aux yeux des électeurs comme étant la tête de liste (parmi les 7 principales) la plus crédible en matière de politique économique (48%), devant Raphaël Glucksmann (37%) et Marion Maréchal (36%), et largement devant Manon Aubry (25%).
- 8Jordan Bardella (39%) n’était que légèrement devancé par l’alors Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal (40%).