En quoi le directeur de campagne présidentielle de Marine Le Pen est-il le symbole de la nouvelle génération qui a intégré ce parti ? Analyse avec Jérôme Fourquet en partenariat avec Libération et la Netscouade pour L’Œil sur le Front.
En septembre dernier, Marine Le Pen nommait David Rachline, directeur de campagne pour l’élection présidentielle. Ce choix s’explique par la volonté de la dirigeante frontiste de s’appuyer sur un cadre chevronné exerçant des fonctions exécutives importantes. David Rachline est en effet sénateur-maire de Fréjus, une des vitrines de la gestion locale du parti. Mais cette nomination à un poste clé de cette jeune figure du mouvement – David Rachline est né en 1987 –, symbolise également la montée en puissance dans l’appareil de ce que l’on pourrait appeler le «Front de demain» c’est-à-dire une jeune génération de militants.
L’Ifop a réalisé pour la Fondation Jean-Jaurès une enquête auprès de 200 jeunes adhérents du FN afin de cerner leur profil et leurs motivations. Au regard des résultats de cette enquête inédite, on constate qu’on a affaire à des militants qui sont actifs sur le terrain mais qui sont également, pour une bonne partie d’entre eux, avides ou motivés par gravir les échelons. 41 % exercent des responsabilités au niveau local au sein du parti, responsable de section ou autre ; 12 % un mandat électif local ; et 9 % des responsabilités nationales. Cette forte implication des jeunes à des postes de responsabilité s’explique sans doute en partie par le fait que, contrairement à des formations politiques plus traditionnelles, les postes électifs ou à responsabilités sont moins «trustés» par les représentants des générations plus âgées. Mais il faut aussi y voir la volonté de la direction du mouvement de faire leur place aux jeunes et de promouvoir des talents prometteurs, cette démarche s’inscrivant dans la stratégie plus globale de construction d’un appareil militant performant devant permettre la conquête progressive du pouvoir.
Cette stratégie rencontre une forte demande et disponibilité parmi ces jeunes aujourd’hui avides de pouvoir prendre d’autres responsabilités que celles qu’ils occupent déjà. 58% d’entre eux seraient ainsi intéressés par des responsabilités locales au sein du FN ou du FNJ et 52 % par un mandat électif local. Le parti de Marine Le Pen peut donc compter sur ces jeunes fantassins pour partir à l’assaut de nouvelles communes ou de cantons lors des prochaines élections. Mais, syndrome Rachline ou Marion Maréchal-Le Pen aidant (?), 36 % se disent aussi attirés par un mandat électif national de député ou de sénateur. La question du débouché professionnel au militantisme et de la possibilité de faire carrière au Front national est donc un enjeu important à prendre en compte pour la direction du parti si elle veut fidéliser ces jeunes militants.
L’analyse détaillée des résultats de l’enquête montre, en outre, que plus ces jeunes adhérents sont diplômés et plus ils vont être en demande ou disponibles pour gravir les échelons et prendre des responsabilités dans le parti. Les taux les plus élevés s’observent parmi ceux qui ont participé à l’université d’été (qui constituent le noyau plus motivé et le plus impliqué) alors que les chiffres sont plus en retrait concernant les jeunes adhérents de base. Mais, même chez ces derniers, 36 % sont disponibles pour occuper des postes électifs locaux (contre 66 % parmi les participants à l’université d’été) et 25 % un mandat de parlementaire (contre 46 % chez participants à l’université d’été). L’enquête a montré par ailleurs que bon nombre de ces jeunes étaient nés dans des familles frontistes (ce qui n’est pas le cas de David Rachline) et que le processus de transmission familiale, que l’on rencontre également pour les autres courants politiques, fonctionnait également pour le FN et pouvait contribuer à expliquer la persistance depuis trente ans de ce mouvement dans le paysage politique français. À l’aune de ces chiffres, on peut se dire que la relève est bien assurée et que Rachline et ses «clones» vont faire parler d’eux dans les années qui viennent.