ll y a maintenant cent ans, le 25 décembre 1920, s’ouvrait à Tours le XVIIIe congrès de la Section française de l’internationale ouvrière et la grande majorité des délégués y décidait que leur parti devait adhérer à l’Internationale communiste. Ce choix fondait alors la création d’un parti communiste, mais aussi la division en deux du socialisme en France car un parti socialiste se maintenait. Cette scission irrémédiable de la gauche politique et du mouvement ouvrier marqua l’histoire du XXe siècle. Un ouvrage collectif publié avec le soutien des fondations Jean-Jaurès et Gabriel-Péri en retrace le récit et les enjeux.
Pour faire revivre l’histoire des dix années qui conduisirent de la Première Guerre mondiale aux premières conséquences de ce congrès historique, une trentaine de chercheur·e·s livrent des textes courts et incisifs qui en narrent le processus, à travers une riche iconographie. Documents connus et méconnus – voire inédits – donnent toute sa force au récit, facilitent la compréhension et rendent vivants femmes et hommes aux prises avec l’Histoire et sa mémoire.
Véronique Fau-Vincenti, Frédérick Genevée et Éric Lafon (dir.), Aux alentours du Congrès de Tours 1914-1924, scission du socialisme et fondation du Parti communiste, Musée de l’histoire vivante, août 2020
AVANT-PROPOS
Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès
Dans la mémoire socialiste, le congrès de Tours se résume souvent à un homme – Léon Blum – et à une formule – « garder la vieille maison ».
Au-delà, il constitue un de ces moments étranges où s’entremêlent défaite – les socialistes sont minoritaires – et victoire – les socialistes pensent avoir eu raison et le discours de Léon Blum, par sa rigueur et son honnêteté intellectuelle, par sa capacité visionnaire, est de ceux qui ont formé et forgé des générations de ce grand courant qu’est le socialisme démocratique.
Dans la mémoire communiste, le congrès de Tours est, évidemment, tout autre chose : une naissance, une espérance, une référence.
Convenons, à tout le moins, que le congrès de Tours ne se limite pas à Léon Blum et que 1920 ne se comprend que mis en perspective.
Telle est précisément la belle ambition de cet ouvrage et de l’exposition qui l’accompagne : donner à voir et à comprendre un cheminement et pas seulement un moment – quand bien même ce moment a-t-il été décisif et fondateur.
Telle est aussi la mission de la Fondation Jean-Jaurès qui aime à travailler dans la continuité, à valoriser les archives en général et les siennes en particulier – en l’espèce des documents de notre « fonds Pierre Renaudel », l’un des acteurs essentiels de la période.
Nous poursuivons ce faisant avec ces initiatives le dialogue toujours fécond avec la Fondation Gabriel-Péri et ce qu’elle représente, et une collaboration active avec le Musée de l’histoire vivante de Montreuil, sensible, comme nous, à l’importance de la transmission.
Un dernier mot. Je me souviens, il y a précisément trente ans, du discours que prononçait Pierre Mauroy, dont j’étais le jeune collaborateur, à l’occasion du 70e discours de ce même congrès. Il rappelait cette supplique de Léon Blum, au moment de la séparation : « Restons des frères, des frères qu’aura séparés une querelle cruelle, mais une querelle de famille, et qu’un foyer pourra encore réunir ».
Trente ans plus tard – ou cent ans plus tard – l’actualité de ce foyer est plus vibrante que jamais.
SOMMAIRE
Guerre, révolutions et paix
La Première Guerre mondiale lança tout le peuple français dans les tranchées. Quelles en furent les conséquences sur le mouvement ouvrier et socialiste en France ?
- L’assassinat de Jaurès – Gilles Candar, docteur en histoire, président de la Société d’études jaurésiennes
Figure de proue du socialisme français et pourfendeur de la guerre, Jean Jaurès fut assassiné quelques jours avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. L’histoire aurait-elle été différente si Jaurès ne s’était pas trouvé au Café du Croissant ce 29 juillet ?
- La France socialiste ? – Thierry Hohl, docteur en histoire, chercheur associé au LIR3S, UMR CNRS 7366
Le socialisme français avait avant la guerre accepté les règles du jeu parlementaire et le débat démocratique. Mais quel effet la Grande Guerre a-t-elle eu sur ce patriotisme républicain ?
- Socialistes entre défense nationale et Union sacrée – Adeline Blaszkiewicz-Maison, doctorante en histoire contemporaine à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne (CHS)
Face à la déclaration de guerre allemande, les socialistes acceptèrent de soutenir le gouvernement Viviani dans la Défense nationale contre l’impérialisme allemand, sans pour autant perdre de vue le caractère bourgeois du dit gouvernement.
- Syndicalistes, révolutionnaires et pacifistes – Guillaume Davranche, journaliste, historien
Une minorité de syndicalistes et de socialistes décidèrent malgré l’Union sacrée de défendre leurs idéaux : pacifisme, internationalisme, primauté de la lutte des classes sur le patriotisme.
- Les conférences de Zimmerwald et de Kienthal – Julien Chuzeville, historien du mouvement ouvrier
Face à ce qui s’apparente à une trahison de l’idéal internationaliste, des membres pacifistes des mouvements ouvriers et socialistes européens se retrouvèrent lors de deux conférences en 1915 et 1916.
- Les révolutionnaires russes en France – Bernard Frédérick, journaliste, ancien correspondant de L’Humanité à Moscou pendant la perestroïka, collaborateur des pages « histoire » de L’Humanité-Dimanche
Depuis la Révolution manquée de 1905, de nombreux révolutionnaires russes séjournaient régulièrement à Paris. Parmi eux, des noms comme Lénine ou Trotski, qui ne manquèrent pas de tisser des liens avec des socialistes français.
- Ouvriers et paysans – Benoît Kermoal, doctorant à l’EHESS
Les ouvriers et paysans participèrent de bon gré à la défense nationale. À l’arrière, la main-d’œuvre féminine et coloniale remplaça celle des hommes partis au combat.
- Les socialistes dans les tranchées – Vincent Chambarlhac, docteur en histoire, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Bourgogne
Malgré un patriotisme clairement affirmé, lié à la lutte pour la liberté face à l’impérialisme étranger, les socialistes conservèrent leur identité collective jusque dans les tranchées.
Échecs et espoirs
À partir de 1917, l’unité politique, relative, du mouvement socialiste s’effondre. Entre épuisement dû à la guerre, espoir révolutionnaire venu de l’est et défaite électorale, les auteurs nous éclairent sur l’éclatement de l’identité socialiste.
- Les Révolutions russes vues de France – Éric Aunoble, docteur en histoire, chargé de cours à l’université de Genève
La Révolution russe provoqua de nombreuses réactions dans la presse et des tensions dans les rangs de la gauche. « Révolution », « paix », « bolchévique », voilà autant de termes qui résonnèrent de plus en plus dans les esprits des opposants à la guerre.
- Les premiers bolcheviks français – Marion Labeÿ, chargée de TD, doctorante en histoire contemporaine à l’université de Paris-Diderot VII et l’université de Roma II Tor Vergata
Après la Révolution d’octobre, des Français, anarchistes, socialistes ou encore syndicalistes entreprirent un voyage dans le nouveau régime bolchévique. L’auteure nous présente la diversité radicale des réactions et ressentis face à cette « expérience unique et prométhéenne ».
- Le groupe communiste français en Russie – Bernard Frédérick, journaliste, ancien correspondant de L’Humanité à Moscou pendant la perestroïka, collaborateur des pages « histoire » de L’Humanité-Dimanche
Suivant la logique marxiste de l’internationalisme révolutionnaire, les bolchéviques développèrent un réseau d’influence européen. Ainsi, dès 1918, des Français se réunirent en pays soviétique pour former un groupe communiste.
- Les grèves de 1917 – Stéphane Sirot, docteur en histoire, spécialiste du syndicalisme et des conflits sociaux, université de Cergy-Pontoise
En 1917, le nombre de grèves explosa par rapport aux premières années de la guerre. Pour l’auteur, « le bruit des armes ne paraissait plus autant justifier la mise en sourdine des griefs ».
- Les recompositions internes à la SFIO – Romain Ducoulombier, enseignant et docteur en histoire
Le rapport de forces en France entre les pacifistes minoritaires et les défenseurs majoritaires ne cessa de s’inverse au fil de la guerre et des événements en Russie. Au-delà d’une différence de position idéologique, ces fractures au sein de la SFIO eurent des conséquences politiques bien plus profondes.
- Les mutineries – Denis Denisov, doctorant en histoire, EHESS
Jusqu’en 1917, la discipline militaire régnait dans les rangs socialistes. Cependant, année de tous les tournants, 1917 marqua le retour de la tradition ouvrière de la résistance aux ordres militaires hiérarchiques.
- Anciens combattants et intellectuels – Annie Burger-Roussennac, historienne
Au sortir de la Grande Guerre, des anciens combattants de gauche s’unirent pour former des associations d’anciens combattants, comme l’ARAC par exemple. Loin de n’être qu’une association pour la mémoire combattante, leur lutte était politique et s’approchait de celle de la SFIO. Cependant, les tensions internes au mouvement socialiste depuis la révolution russe n’épargnèrent pas le mouvement des anciens combattants.
- Les élections de 1919 : espoirs et déceptions – Frédéric Cépède, historien, journaliste, secrétaire de rédaction des publications de l’OURS
Malgré une campagne active, une augmentation massive du nombre d’adhérents et même d’électeurs, la SFIO perdit une trentaine de sièges aux élections de 1919. Alors qu’elles devaient permettre l’avènement démocratique du socialisme après la guerre patriotique, ces élections ratées convainquirent des socialistes de la nécessité de passer par des voix révolutionnaires.
- La situation révolutionnaire en Allemagne – Julien Chuzeville, historien du mouvement ouvrier
D’abord minoritaires au sein du SPD, puis membres de l’USPD, du KPD ou de la Ligue spartakiste, les pacifistes et internationalistes allemands déclenchèrent avec les ouvriers une révolution. Réprimée par un gouvernement social-démocrate, elle est toutefois riche d’enseignements pour appréhender le mouvement ouvrier européen au sortir de la guerre.
- Fondation de l’Internationale communiste – Serge Wolikow, professeur émérite d’histoire contemporaine, université de Bourgogne
Observant les bouleversements européens dans les mondes socialistes et ouvriers, les bolchéviques initièrent une Internationale communiste, une IIIe Internationale, visant à unifier le monde communiste et à fonder des partis socialistes sur le modèle bolchévique : centralisé et unifié.
- Les grèves de 1919 et 1920 : métallos et cheminots au premier rang – Christian Chevandier, professeur émérite d’histoire contemporaine, université du Havre
Malgré le vote de la semaine de huit heures par les assemblées françaises – l’une des principales revendications ouvrières depuis des décennies –, des sections syndicales firent le choix d’initier des grèves massives chez les cheminots et métallos. Celle de 1920, restée célèbre pour la brutalité de la répression, eut de lourdes conséquences sur le mouvement ouvrier français.
- Le mouvement ouvrier réprimé – Frédérick Genevée, docteur en histoire, président du Musée de l’Histoire vivante
Le développement du mouvement révolutionnaire, se substituant progressivement aux années d’Union sacrée pendant la guerre, plongea le gouvernement dit « bourgeois » dans la crainte d’une soirée d’Octobre. Face à cela, la répression se fit très sévère, tant sur le plan judiciaire que législatif.
L’événement Congrès de Tours
Après d’âpres débats, le Congrès de Tours marque la fin de l’unité du mouvement socialiste, initiée en partie par Jean Jaurès vingt ans auparavant.
- Les jeunes à l’avant-garde ? – Guillaume Roubaud-Quashie, docteur en histoire, université Paris-I Panthéon-Sorbonne – Centre d’histoire sociale des mondes contemporains
Les organisations de jeunesse n’étaient pas encore très développées par les partis en 1920, mais malgré tout les Jeunesses socialistes existaient tant bien que mal depuis 1912. Elles devinrent les Jeunesses communistes, suivant leurs aînés, et furent rattachés à la SFIC, malgré des velléités récurrentes d’autonomie.
- Départements et fédérations au rendez-vous de Tours – Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine, université de Bourgogne
Les fédérations socialistes étaient fondées sur la départementalisation opérée lors de la Révolution française. Elles jouèrent un rôle prépondérant dans la fondation de la SFIC. L’auteur nous renseigne sur les caractéristiques des fédérations favorables à cette scission.
- Les délégué.e.s – Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine, université de Bourgogne
Lors du congrès, la tension était palpable et les divisions entre militants se faisaient sentir : au cours des échanges, l’emploi des formules « vous » et « nous » soulignaient avec force la rupture à l’œuvre.
- Les militantes féministes révolutionnaires – Julien Chuzeville, historien du mouvement ouvrier
Bien que peu nombreuses, les militantes féministes portaient une voix d’avant-garde au sein des mouvements socialistes et communistes. Luttant pour le droit de vote ou encore la légalisation de l’avortement, ces femmes associaient ces combats à l’émancipation du travailleur, face au conservatisme d’une partie du monde ouvrier.
- Adhésions et conditions – Romain Ducoulombier, enseignant et docteur en histoire
L’adhésion à l’Internationale communiste passait, sous l’autorité de Moscou, par l’acceptation des vingt et une conditions. Dès lors, la naissance d’un modèle de parti calqué sur le modèle bolchévique passait pour inacceptable aux yeux d’une partie des socialistes.
- Focus sur le congrès
Pour découvrir des photographies de célèbres participants du Congrès de Tours.
- Tours une majorité à l’exception de « ? » – Jean-Louis Panné, historien et éditeur, ancien secrétaire de Boris Souvarine
Suivant les directives de Moscou, et principalement de l’auteur du programmatique Que Faire?, le Parti communiste épura progressivement son organisme des membres vus comme indésirables. Lassale n’avait-il pas dit, dès 1852, « en s’épurant, le parti se renforce » ?
- Fernand Loriot, un rôle majeur – Julien Chuzeville, historien du mouvement ouvrier
Fernand Loriot, « l’un des militants révolutionnaires les plus en vue dans la France d’alors », joua un rôle primordial dans l’adhésion d’une partie des socialistes à l’IC. C’est en effet lui qui, dès 1919 déjà, rédige des motions pour adhérer à la nouvelle Internationale.
- Boris Souvarine en action – Jean-Louis Panné, historien et éditeur, ancien secrétaire de Boris Souvarine
Comme Fernand Loriot, il fut l’un des principaux instigateurs de l’adhésion des socialistes aux conditions de Moscou. Lui aussi était emprisonné lors de la guerre, et lui aussi finit par se défier de la bolchévisation du Parti, allant même jusqu’à se faire exclure dès 1924.
- Cachin et Frossard devant – Gilles Candar, docteur en histoire, président de la Société d’études jaurésiennes
Avec la mort de Jaurès et Vaillant, Cachin et Frossard étaient devenus les principaux animateurs de la SFIO avant 1920, puis de la nouvelle SFIC qu’ils avaient appelée de leurs vœux. L’étude de leur trajectoire est à ce titre éclairante sur l’hétérogénéité des parcours personnels.
- Jean Longuet, un personnage-clef – Gilles Candar, docteur en histoire, président de la Société d’études jaurésiennes
Longuet, unique dirigeant majeur de la SFIO dont le vote était inconnu avant le début du congrès, a été lors de celui-ci un élément clé du vote final. Son discours fut « un des plus grands moments du congrès ».
- Et Léon Blum s’opposa – Alain Bergounioux, historien, président de l’Office universitaire de recherche socialiste, administrateur de la Fondation Jean-Jaurès
Avant même le début du congrès, on savait qu’une majorité de socialistes rejoindrait la nouvelle Internationale. Cependant, l’on ne savait pas combien, et le discours de Léon Blum est resté dans les mémoires postérieures comme un moment déterminant du congrès, tant par sa défense de l’héritage jauréssien que par sa force de conviction.
- Clara Zetkin et l’intervention de Moscou – Jean-Numa Ducange, professeur d’histoire contemporaine, université de Rouen
Le discours de Clara Zetkin, allemande, en a surpris plus d’un. Il est emblématique de l’Internationale communiste qui se place au-dessus des nations et au-delà des rivalités patriotiques, deux ans à peine après la fin de la Grande Guerre.
- Le délégué indochinois à Tours – Alain Ruscio, docteur en histoire, historien
Nguyên Ai Quôc, délégué indochinois, est alors inconnu lorsqu’il prononce son discours critique du colonialisme au Congrès de Tours. Plus tard, l’Histoire retiendra le nom d’Ho Chi Minh.
- Les journalistes en reportages – Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine, université de Bourgogne
Nombreux furent les journalistes présents pour décrire dans les colonnes de leurs journaux les événements du congrès. S’y sont côtoyés des journalistes socialistes et français évidemment, mais également la presse de gauche mondiale ainsi que des reporters de journaux communistes étrangers.
- Tours, au miroir du socialisme européen – Gilles Vergnon, docteur en histoire, spécialiste du syndicalisme et des conflits sociaux, université de Cergy-Pontoise
Les schismes entre SFIC et SFIO à l’issue du congrès de Tours forment non pas l’exception, mais la règle. Dans de nombreux pays européens, des fractions majoritaires ou minoritaires ont décidé de rejoindre le parti de Moscou.
- Le journal L’Humanité, enjeu d’héritage – Alexandre Courban, docteur en histoire, responsable de projets culturels
Le journal L’Humanité, créé par Jaurès un an avant la formation de la SFIO, était de très loin le journal socialiste le plus important de France. Après la scission du Congrès de Tours, et alors que son directeur avait choisi de rejoindre l’Internationale communiste, son héritage fut un enjeu de lutte.
La crise, le neuf et le vieux
Après le Congrès de Tours, les communistes se sont attachés à bolchéviser en profondeur le parti, alors que les socialistes tentaient quant à eux de sauver « leur » socialisme.
- Un nouveau Parti ? – Roger Martelli, historien
La SFIC, en 1921 appelé Parti communiste, fait de plutôt bons résultats lors de ses premières élections, même si son frère socialiste reste plus populaire. Progressivement, en épurant ses membres jugés indésirables, le parti se léninise, ce qui achève sa rupture avec le « vieux » socialisme.
- La SFIO, entre vieille et nouvelle maison – Alain Bergounioux, historien, président de l’Office universitaire de recherche socialiste, administrateur de la Fondation Jean-Jaurès
Au sortir de la scission entre les deux frères ennemis, la SFIO « a dû mener à bien une double reconstruction, celle d’une identité politique et celle d’une organisation affaiblie ».
- Scissions à la CGT – Morgan Poggioli, docteur en histoire, ingénieur d’études à l’université de Bourgogne, LIR3S, UMR CNRS 7366
La CGT, qui avait permis une unification du mouvement syndical révolutionnaire, ne résista pas aux divisions de la guerre et du Congrès de Tours.
- Division dans le sport ouvrier – Nicolas Kssis-Martov, historien et journaliste
Les ligues sportives n’ont pas toujours été nationalement unifiées comme aujourd’hui, et la scission entre communistes et socialistes se fit aussi dans le sport ouvrier.
- Tours, un « non événement » pour la coopération de consommation – Michel Dreyfus, directeur émérite de recherche. Centre d’histoire sociale du XXe siècle à l’université Paris I
La FNCC, idéologiquement proche de la SFIO, rassemblait en 1920 plus d’un million de coopérateurs. Quelles ont été les effets du Congrès de Tours sur elle ?
- Les obsèques de Jules Guesde et de Sembat en 1922, l’unité d’un jour – Jean-Numa Ducange, professeur d’histoire contemporaine, université de Rouen
Jules Gesde et Sembat, deux figures du socialisme français de la fin du XIXe siècle, se sont éteints à quelques semaines d’intervalle. L’occasion pour l’ensemble du mouvement ouvrier et socialiste de leur rendre un dernier hommage.
- La création du Parti communiste d’Italie – Elisa Marcobelli, docteure en histoire contemporaine de l’EHESS et de la Freie Universität de Berlin
Le Parti socialiste italien fut, comme en France, en proie à la division partisane. Cependant, alors qu’en France l’adhésion aux vingt et une conditions relevait de l’évidence, il en fut autrement au pays de Gramsci.
- Révolutions manquées en Allemagne – Jean-Numa Ducange, professeur d’histoire contemporaine, université de Rouen
Malgré l’échec de la révolution spartakiste, l’Allemagne restait le lieu où la tension révolutionnaire demeurait la plus importante. Les tentatives d’insurrections ont-elle mieux réussi que celle menée an 1918 ?
- Communistes en Algérie 1919-1924 – Eloïse Dreure, Doctorante, université de Bourgogne, secrétaire de rédaction des Cahiers d’histoire, revue d’histoire critique
En Algérie, la majorité des militants socialistes avaient rejoint les rangs de la SFIC. Quid alors de la question coloniale, qui figurait au huitième point des conditions du Parti bolchévique ?
- Socialistes en Algérie – Claire Marynower, maîtresse de conférences à Sciences Po Grenoble
Après le Congrès de Tours, les socialistes algériens doivent faire face à la perte d’un grand nombre d’adhérents. Aussi, la distinction par rapport à la doctrine bolchévique obligea à une remise en cause vis-à-vis de la question coloniale.
- SFIC-PC à l’heure de la bolchevisation – Serge Wolikow, professeur émérite d’histoire contemporaine, université de Bourgogne
La bolchévisation du PC se développa sur plusieurs plans : expulsion des éléments hétérodoxes, centralisation autoritaire, interdiction de toute alliance avec les sociaux-démocrates.
- Ve Congrès et exclusion de Boris Souvarine – Jean-Louis Panné, historien et éditeur, ancien secrétaire de Boris Souvarine
Dans sa volonté d’harmoniser les visions politiques et de modeler un parti identique au Parti bolchévique, Moscou décide d’exclure Boris Souvarine, très critique vis-à-vis de l’organisation russe.
- Les frères ennemis se disputent Jaurès – Gilles Candar, docteur en histoire, président de la Société d’études jaurésiennes
Après la victoire du Cartel des gauches en 1924, le transfert de sa dépouille est décidé par le Parlement. S’ensuit alors une concurrence des mémoires, entre socialistes et communistes, qui se caractérise par la présence parallèle de deux cortèges distincts.
Tours, la nuit et le jour
Après l’histoire du Congrès de Tours, il importe d’appréhender les différentes mémoires qu’il a pu susciter.
- Photographies d’identité – Éric Lafon, historien, directeur scientifique du Musée de l’Histoire vivante
Il y a peu de photographies de l’événement que fut le Congrès de 1920. Dès lors, il est intéressant de se pencher sur les images conservées par les deux frères ennemis, socialiste et communiste.
- Tours dans les questionnaires autobiographiques communistes – Claude Pennetier, chercheur au CNRS, CHS des mondes contemporains, co-directeur du Maitron
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la participation au Congrès de Tours ne faisait en réalité pas partie des principales dates de la mémoire communiste. D’autres éléments étaient alors mis en avant.
- André Ferrat et L’histoire du Parti communiste français – Jean-Louis Panné, historien et éditeur, ancien secrétaire de Boris Souvarine
André Ferrat, représentant permanent du PCF à Moscou, a été le premier à écrire une Histoire du Parti communiste français en 1931. Son interprétation de l’histoire communiste, qu’il contestera d’ailleurs lui-même plus tard, est éclairante tant elle est singulière.
- Le POF, unique tentative communiste de refonder l’unité organique – Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine, université de Bourgogne
L’épreuve de la Résistance rapprochèrent socialistes et communistes. Après la Seconde Guerre mondiale, Jacques Duclos lança l’idée de la création du POF : c’est la charte d’unité de la classe ouvrière en France.
- Tours 1920-2020 : quand Léon Blum a-t-il eu raison ? – Frédéric Cépède, historien, journaliste, secrétaire de rédaction des publications de l’OURS
La mémoire joue de drôles de tours. Alors que le discours de Blum avait eu un rôle mineur en 1920, il est réhabilité et progressivement mis en avant par le Parti socialiste à partir de 1934. L’auteur nous éclaire sur ce changement dans la mémoire de Tours.
- Le congrès fondateur : mémoire et identité – Roger Martelli, historien
L’histoire autoproclamée du Parti communiste est sans cesse en mouvement, et correspond aux besoins du moment. On remarque malgré tout une insistance régulière sur le Congrès de Tours, marquant la naissance et la légitimité du Parti face aux socialistes.