Les statues de la discorde

En juin 2020, quelques jours après l’assassinat de George Floyd aux États-Unis, Jacqueline Lalouette, professeure émérite (université de Lille 3), membre senior honoraire de l’Institut universitaire de France, publiait pour la Fondation Esclavage, colonisation : des statues en question. Elle a poursuivi son enquête et ses réflexions dans un ouvrage récemment publié, Les statues de la discorde (Passés composés, février 2021), sur lequel elle revient dans un échange avec Françoise Mélonio, professeure émérite (Sorbonne université).

Le 22 mai 2020, deux statues martiniquaises de Victor Schœlcher furent brisées. Mais le bruit provoqué par ces destructions fut vite couvert par le fracas médiatique suscité par la mort de l’Afro-Américain George Floyd tué à Minneapolis, par la police, le 25 mai. Les images de son agonie agirent comme un catalyseur et déchaînèrent dans le monde des actes iconoclastes contre les statues glorifiant de « grands hommes » blancs, dont l’action est condamnée à divers titres (esclavagisme, colonialisme, racisme). Comme d’autres pays, la France, où tout avait donc commencé un peu plus tôt, fut touchée. Pour mieux comprendre la réalité et les enjeux du débat, et après avoir rendu compte de la situation sur plusieurs continents, Jacqueline Lalouette étudie le cas de la France ultramarine et continentale, où diverses statues liées à l’histoire de l’esclavage et de la colonisation furent contestées, vandalisées et, pour certaines, détruites. Au-delà des batailles médiatiques, comment prendre en compte la diversité et les différences sans séparation des communautés ? Quelles esthétiques nouvelles pour les statues ? Comment présenter une nouvelle identité collective pour une vision partagée de la mémoire ?

Ces questions sont au cœur de cet échange entre Jacqueline Lalouette et Françoise Mélonio, professeure émérite (Sorbonne université), qui livrent ici une réflexion sur l’histoire et la politique.

NB : Jacqueline Lalouette tient à apporter quelques précisions à la Route des abolitions de l’esclavage et des droits de l’homme évoquée dans cet entretien. Créée en 2004 et inscrite dans le projet de « la route de l’esclave » lancée par l’UNESCO en 1994, elle traverse trois régions (Lorraine, Alsace, Franche-Comté-Bourgogne) et cinq départements (Meurthe-et-Moselle, Haut-Rhin, Haute-Saône, Doubs, Côte d’Or). Chacun d’entre eux comprend un site ayant un rapport avec l’une des deux abolitions de l’esclavage (1794 et 1848). Elle part de la maison de l’abbé Grégoire à Emberménil (54), passe à Fessenheim (68), où est située la maison familiale des Schœlcher, continue vers Champagney (70) dont les habitants inscrivirent la suppression de l’esclavage dans leur cahier de doléances, puis vers le Fort de Joux (25) où le général Toussaint-Louverture fut emprisonné en 1802 et où il mourut l’année suivante. Enfin, elle se termine à Chamblanc (21) où Anne-Marie Javouhey passa une partie de son enfance et de sa jeunesse.

Les statues de la discorde : l’entretien en audio

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