Villes moyennes : retour sur le plan « Action Cœur de Ville »

Après la deuxième Conférence nationale des territoires qui s’était tenue à Cahors, Jacques Mézard s’est rendu le 15 décembre à Rodez pour dévoiler, au nom du gouvernement, un plan en faveur des villes moyennes intitulé « Action Cœur de Ville ». Analyse des annonces avec Achille Warnant, coordinateur pour la Fondation d’un rapport sur les petites et moyennes villes.

Précédé la veille par le Premier ministre, Édouard Philippe, qui s’était longuement étendu sur le sujet lors de son discours devant les représentants d’associations d’élus, le propos du ministre de la Cohésion des territoires n’a pas réservé de surprises particulières, au mieux quelques précisions.

On retiendra la priorité donnée au numérique, la volonté d’accompagner le développement de tiers-lieux, d’espaces de co-working, et de simplifier les règles d’urbanisme pour attirer les grandes surfaces, ici qualifiées de « locomotives », en centre-ville. Plus largement, c’est l’idée selon laquelle l’État doit accompagner davantage les collectivités par des financements ciblés et de l’ingénierie qui constitue l’essentiel de ce plan. À la clef, la mobilisation de 5 milliards d’euros sur cinq ans pour donner aux villes concernées « les moyens de maîtriser leur destin ».

Un objectif louable lorsqu’on pense, avec le gouvernement, que les villes moyennes sont des centralités porteuses de dynamiques pour leurs territoires avoisinant, qu’« agir pour [elles] revient à renforcer plus largement l’attraction de tous les territoires » et que, dit simplement, « ces villes sont un atout pour notre pays ». Comme le rappelle d’ailleurs le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), dans une étude citée par le gouvernement à paraître début 2018, ces territoires représentent près du quart la population française et 26% de l’emploi. Cependant, les villes moyennes concentrent aussi de nombreuses problématiques. En effet, ces territoires sont sujets à des dynamiques économiques et démographiques défavorables depuis les années 1970.

Dans ce contexte, le plan du gouvernement en faveur des villes moyennes pourrait-il enfin inverser la tendance ? Rien n’est moins sûr. En effet, à rapporter au nombre d’habitants concernés par les projets et au nombre d’années sur lesquelles s’étend le plan, cela sans compter les crédits déjà programmés qui seront simplement réalloués, les 5 milliards annoncés, même s’ils sont les bienvenus, semblent bien minces. Pas de quoi fouetter un keynésien, en somme.

Surtout, au-delà de la question des moyens, celle de la gouvernance et de la démocratisation des intercommunalités – ces regroupements de communes qui aujourd’hui couvrent l’ensemble du territoire français – n’a pas été posée. Or, à l’échelle locale – et cela est particulièrement vrai concernant les villes moyennes –, la mise en concurrence des territoires, du fait notamment de l’émiettement communal, accroît les inégalités ; des inégalités qui nourrissent les rivalités ; des rivalités qui bloquent l’émergence de projets ; or sans projets pas de développement ; et sans développement pas de sortie de crise.

Tant que cette problématique continuera d’être ignorée, les grandes surfaces continueront de s’étendre en périphérie des villes, les habitants continueront de quitter les villes centres pour leurs voisines et les projets structurants et fédérateurs, susceptibles de redynamiser durablement les villes moyennes, continueront de se faire attendre.

À l’heure où les associations d’élus et le gouvernement mettent en avant leur volonté commune de construire l’« alliance des territoires », il est temps de passer aux actes pour que les villes moyennes puissent enfin trouver leur voie/voix citoyenne ! 

 

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