Vers un nouvel équilibre entre besoins et marché : la gauche et les services publics

L’un des thèmes qui agite le plus aujourd’hui les débats politiques concerne l’évolution des services publics, aussi bien en France qu’en Europe. Cette question est devenue, légitimement, une question centrale du débat public, puisque l’évolution des législations, aussi bien en France qu’en Europe, peut donner le sentiment que l’on tourne le dos à ce qui a été une des composantes majeures du modèle social français et européen.

Dans le même temps, les évolutions du débat mondial font apparaître un glissement des préoccupations qui étaient principalement tournées sur la question du développement, et de l’aide au développement, vers la question de biens publics mondiaux, c’est-à-dire cet ensemble de biens dont on considère qu’ils doivent être fournis dans des conditions telles qu’ils puissent êtres accessibles au plus grand nombre afin que chacun ait accès à une vie digne et libre. On voit ainsi se renouveler l’ensemble des débats économiques et sociaux tels qu’ils avaient pu être alimentés dans la période d’après-guerre par le thème du Welfare state, qui associait une forte croissance et une forte intervention de l’Etat, puis, à la fin du XXe siècle, par les thèmes liés au néolibéralisme, qui promettaient à chacun la possibilité de s’épanouir dans une société entièrement régie par les lois du marché dans laquelle l’intervention de l’Etat serait réduite à la portion congrue.

Le travail présenté dans cette note résulte pour une large part de consultations menées dans le cadre de la Fondation Jean-Jaurès par un groupe de travail animé par Alain Bergounioux et Bernard Soulage et regroupant des experts, des responsables politiques et des responsables syndicaux ou professionnels. Notre volonté a été de tenter de renouveler la problématique sur la question des rapports entre les besoins et le marché qui est généralement abordée, en France, sous l’angle du service public. Ce travail nécessite un retour, fût-il bref, sur l’histoire ainsi qu’une analyse du contexte nouveau dans lequel les problèmes évoqués se situent désormais, aux niveaux européen et mondial. Il propose ensuite une problématique nouvelle centrée sur la notion d’économie de besoins. Cette notion nous paraît aujourd’hui permettre mieux que d’autres d’intégrer les apports théoriques récents portés par plusieurs courants de la pensée économique. Ces réflexions convergent sur l’idée que la notion de besoins est la mieux à même de traduire les exigences d’une société juste pour tous.

A partir de cette notion, il devient possible de renouveler profondément, dans une perspective qui est à la fois authentiquement socialiste et résolument offensive, la réflexion sur l’action publique. Quel peut être le champ de cette économie des besoins, quels types d’action implique-t-elle pour soutenir la demande et organiser l’offre dans les domaines concernés ? En cherchant à répondre à ces questions, c’est à une revisite de tous les domaines d’intervention de l’Etat et notamment de la question du rapport entre le public et le privé, entre les clients et les fournisseurs, entre les acteurs et les décideurs, que nous vous invitons dans ce texte. Bien sûr, les dimensions internationales de ces questions sont aujourd’hui largement déterminantes. C’est pour cette raison que l’ensemble des propositions qui peuvent être faites doit être inséré dans un calendrier international précis à partir des réalités d’aujourd’hui, avec un regard vers nos partenaires étrangers notamment ceux qui s’inscrivent dans la même logique d’économie de besoins mais avec des traditions historiques et politiques différentes.

Au total, ce travail s’efforce de jeter les bases d’une réflexion nouvelle mais qui ne peut évidemment en rester là. Cette tentative de renouveau doit trouver son prolongement à la fois intellectuel et politique dans une discussion largement ouverte avec l’ensemble des partenaires concernés. C’est à ce prix qu’il sera possible de refonder une approche réformiste et efficace de l’action publique confrontée aujourd’hui à des évolutions qui lui imposent le changement.
 

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