À l’heure où le gouvernement Borne présente sa réforme des retraites, la question de l’âge de départ à la retraite est au cœur des débats. Mais pourquoi ne pas envisager un dispositif différencié entre les ouvriers et employés d’une part, et les cadres d’autre part ? C’est la proposition de Philippe Brun, député de l’Eure, Louis-Samuel Pilcer, maître de conférences en économie à Sciences Po, Vincent Verbavatz, ingénieur des Ponts, eaux et forêts, et Riwan Yahmi, agrégé d’économie et gestion.
Le débat public se cristallise autour de la question de l’âge légal de départ à la retraite que le gouvernement souhaite reculer à 64 ans. Si un départ à la retraite à 60 ans pour tous serait plus juste et permettrait à chacun de bénéficier d’une période de temps libre après une vie de travail, il est également légitime que ceux qui ont été les plus usés par le travail puissent bénéficier plus tôt de leur droit à la retraite. Sans déséquilibrer financièrement notre système de retraite, cette note propose une réforme plus équitable offrant une retraite à taux plein dès 55 ans aux ouvriers et employés, financée par une retraite à 65 ans pour les cadres.
Les débats sur l’âge légal de départ en retraite ne doivent pas nous faire perdre de vue le caractère fondamentalement inégalitaire du système de retraite actuel
Le président Mitterrand avait prévenu : « Après moi il n’y aura plus que des financiers et des comptables. » Le sujet des retraites – sans cesse remis en avant dans le débat public – lui donne raison plus qu’aucun autre. Les réformes paramétriques, qui se suivent et se ressemblent depuis trente ans, visent toutes à repousser l’âge de départ à la retraite – ou plutôt à réduire la période durant laquelle les travailleurs tirent le bénéfice des cotisations qu’ils ont consenties pendant leur vie professionnelle. L’âge de départ à la retraite est pourtant l’élément-clé du fonctionnement du système d’assurance vieillesse : il constitue l’horizon de la vie professionnelle et matérialise la promesse d’un revenu garanti, à un âge donné, en contrepartie de la participation au système par chaque assuré pendant plusieurs décennies.
La question de l’âge à partir duquel les travailleurs peuvent prétendre à une retraite était déjà au cœur des débats qui ont précédé la création des premiers systèmes d’assurance retraite pour les ouvriers et paysans, au début du XXe siècle. Depuis, l’idéal de progrès social a toujours justifié un avancement de cette date butoir longtemps fixée à 65 ans. Cet âge tardif a valu au système d’être qualifié de « retraite des morts », et il a fallu attendre un gouvernement socialiste en 1982 pour qu’il soit avancé à 60 ans, quand les revendications pendant les Trente Glorieuses allaient jusqu’à 55 ans. La réforme de 1982 a ainsi changé la conception de l’âge de la retraite qui prévalait depuis le début du siècle. Dès lors, l’assurance vieillesse n’a plus pour but unique d’assurer des ressources minimales aux personnes qui ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins du fait de leur âge, mais d’ouvrir une période de temps libre pour tous les travailleurs à l’issue de décennies de travail, renouant ainsi avec la logique qui présidait aux réformes du Front populaire en 1936.
Depuis les années 1990, les termes du débat ont largement changé. Du droit au repos mérité, l’attention politique et médiatique s’est concentrée sur le financement du régime de retraite face à l’augmentation de l’espérance de vie et la réduction du nombre d’actifs. Les réformes de retraite se sont multipliées, accusant implicitement les futurs retraités de vouloir échapper au travail, quand les assurés déjà en retraite sont toujours plus favorables à un report de l’âge légal. En effet, parmi les soutiens de la réforme actuellement en débat se retrouvent une majorité de retraités (58%) et de personnes âgées de plus de 65 ans (61%) alors que les actifs y sont globalement défavorables (39%)1Le regard des Français sur la relance de la réforme des retraites, Ifop pour Le Journal du dimanche, septembre 2022..
Les termes du débat actuel, viciés, ne peuvent conduire qu’à ce type de réformes de régression, cachées derrière les apparences de « la bonne gestion ». Le problème fondamental du système de retraite ne se trouve pas dans son prétendu déséquilibre financier – dans son dernier rapport, le Conseil d’orientation des retraites (COR) prend d’ailleurs le soin de préciser qu’il « ne valide pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite 2Rapport annuel du COR septembre 2022. Évolutions et perspectives des retraites en France, Conseil d’orientation des retraites (COR), 15 septembre 2022. » –, mais dans son caractère inégalitaire, puisque les cadres profitent de retraites longues alors que les ouvriers et employés n’atteignent pour beaucoup pas l’âge de la retraite, ou l’atteignent dans des conditions de santé dégradées. Dans le système actuel, les ouvriers travaillent toute leur vie pour financer la retraite des cadres.
Un ouvrier part en retraite au même âge qu’un cadre, mais meurt en moyenne six ans plus tôt
Le débat public s’est cristallisé ces dernières années autour de l’idée que les salariés français seraient coupables d’oisiveté et que l’âge de départ en retraite, relativement précoce par rapport à la moyenne européenne, ne serait pas un acquis social légitime, mais un privilège. Pourtant, si un cadeau existe, il n’est fait qu’à une partie des bénéficiaires, les plus favorisés, au détriment des autres : en effet, si 94% des hommes les plus aisés vivent plus de 64 ans, 29% des hommes les plus pauvres meurent avant d’atteindre l’âge légal de départ en retraite envisagé par la nouvelle réforme3« Tables de mortalité par niveau de vie. Échantillon démographique permanent », Insee, 6 février 2018..
L’espérance de vie des plus modestes est en effet significativement plus faible que celle des plus aisés : les Français les plus riches vivent en moyenne treize ans de plus que les Français les plus pauvres pour les hommes, et huit ans pour les femmes. Ce différentiel d’espérance de vie s’explique en grande partie par le caractère pénible ou dangereux de nombreuses professions : un homme de 35 ans a par exemple deux fois plus de chances de mourir avant 60 ans s’il est ouvrier que s’il est cadre ; et un ouvrier sur deux n’atteint pas 80 ans, contre un cadre sur trois4« L’espérance de vie s’accroît, les inégalités sociales face à la mort demeurent », Insee Première, n° 1372, 5 octobre 2011.. Cette inégalité sociale face à la mort s’explique par l’exposition des ouvriers et employés à des risques d’accidents ou de maladies, ainsi que par des inégalités dans l’accès aux soins. L’espérance de vie à 35 ans des cadres est ainsi supérieure à celle des ouvriers à hauteur de six ans et demi pour les hommes, et de trois ans pour les femmes.
Espérance de vie par niveau de vie
Dans le système actuel, non seulement les ouvriers et employés ne partent pas en avance, mais, dans certains cas, ils partent même plus tard. Le rapport de 2016 du COR précise que les hommes partent en moyenne à la retraite à 60,9 ans pour les cadres, contre 60,4 ans pour les ouvriers et 61,1 ans pour les employés. Chez les femmes, l’âge de départ conjoncturel est même plus élevé pour les ouvrières (61,5 ans) et employées (61 ans) que chez les cadres (60,9 ans). Par conséquent, comptablement et en prenant en compte ces inégalités d’espérance de vie, la retraite d’un ouvrier coûtait en 2010 en moyenne 360 000 euros à la collectivité, celle d’un employé 420 000 euros et celle d’un cadre 866 000 euros5« Les inégalités face aux retraites », Observatoire des inégalités, 5 septembre 2013..
Le système de retraite français est fondé sur la solidarité et la confiance intergénérationnelle. Ce sont les salariés actifs qui payent, par des cotisations assises sur leurs revenus, les pensions des Français déjà en retraite – avec la garantie que les générations futures feront de même pour eux. Ce système pâtit toutefois d’un angle mort : il ne favorise pas la solidarité intragénérationnelle, car il ne prend pas suffisamment en compte les différences entre catégories socioprofessionnelles.
En effet, au-delà de l’âge légal de départ en retraite, c’est le calcul des annuités qui permet en théorie de corriger l’inégalité entre les diplômés et les non-diplômés, qui ont des débuts de carrière plus précoces et peuvent donc partir en retraite plus tôt. C’était le projet de la commission Lyon, en 1980, qui écartait la généralisation de la retraite à 60 ans pour éviter un déséquilibre futur lié au départ à la retraite des générations du baby-boom et recommandait de substituer un critère de durée au critère d’âge pour l’ouverture des droits à la retraite. L’objectif était ainsi assumé de favoriser les ouvriers qui commencent en moyenne à travailler plus tôt, et pourraient ainsi partir avant les autres catégories à la retraite. Le système de cumul d’un âge légal et d’une durée de cotisation uniforme n’a toutefois pas empêché le recul de l’âge moyen de début d’accumulation de droits à la retraite et la convergence entre les catégories socioprofessionnelles. Selon Benoît Rapoport, en 2012, « pour les hommes, l’écart entre cadres et ouvriers est passé de 2,5 années pour la génération 1950 à 1,1 an pour la génération 1974 ; pour les femmes, il est passé de 2,9 ans à 0,1 an entre cadres et ouvrières et de 2 ans à 0,5 an entre les cadres et les employées […]. Ainsi, à 30 ans, les ouvriers nés en 1974 ont validé 16 trimestres, soit quatre ans de moins que ceux nés en 1950, tandis que la réduction n’est que de 8 trimestres pour les cadres6Benoît Rapoport, « L’évolution au fil des générations des droits à retraite acquis en début de carrière. Avant 30 ans, de moins en moins de droits acquis et de différences entre catégories socioprofessionnelles », Revue française des affaires sociales, n°4, 2012, pp. 52-78. ». Du fait de cette convergence, le calcul des annuités ne joue plus son rôle de régulation entre les plus diplômés et les moins diplômés pour assurer un départ en retraite équitable et prendre en compte la différence fondamentale de pénibilité entre les métiers qu’ils exercent.
Le chômage des seniors affecte les classes populaires de façon plus marquée que les cadres
Dans une logique purement économique, le système de retraite doit prendre en compte la différence de nature de travail, en prolongeant la durée d’activité des professions les plus qualifiées et en réduisant celle des salariés dont la productivité est la plus fortement liée à leur forme physique. À défaut d’une prise en compte par le système de retraite, c’est le marché du travail qui s’en charge. En effet, le taux de chômage augmente de manière continue avec l’âge des seniors7Activités des seniors et politiques d’emploi, Dares, avril 2022. : de 5,2% chez les 50-54 ans, il passe à 6% chez les 55-60 ans et à 6,9% pour les 60-64 ans. Un phénomène que le report de l’âge légal de départ en retraite n’a fait que renforcer, le taux de chômage des 55-64 ans étant ainsi passé de 4,2% en 2003 à 5,9 % en 2020. Preuve supplémentaire de leurs difficultés sur le marché du travail, les seniors restent au chômage plus longtemps après 55 ans – 771 jours en moyenne – que le reste des demandeurs d’emploi (349 jours)8Activités des séniors et politiques d’emploi, Dares, janvier 2021.. L’assurance chômage tient d’ailleurs compte de cette spécificité en accordant une plus longue couverture chômage aux seniors.
Toutefois, la situation est très différente selon la catégorie socioprofessionnelle du senior : le taux de chômage est plus faible pour les cadres (3,5%), les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (3,9%) ainsi que pour les professions intermédiaires (4,7%). En revanche, il est plus élevé pour les employés (9,2%) et les ouvriers (12,4%), en particulier non qualifiés (17,6%)9« Emploi, chômage, revenus du travail », Insee, 2 juillet 2020..
Comme l’analysent Didier Blanchet et al.10Didier Blanchet, Cécile Brousse et Mahrez Okba, « Retraite, préretraite, neutralité actuarielle et couverture du risque chômage en fin de carrière », Économie et Statistique, n° 291-292, 1996, pp. 203-218., le régime de retraite joue un rôle dans la sécurisation de la fin de carrière des assurés en mutualisant le risque d’exclusion précoce du marché du travail. Un rôle que le recul de l’âge de départ à la retraite, indifférencié entre cadres et ouvriers, ne fait qu’affaiblir en précarisant les seniors les plus exposés au risque d’exclusion. C’est ce constat qui doit nous amener à questionner la validité d’un âge pivot de départ uniforme, du professeur d’université à l’ouvrier du BTP. C’était l’idée de la réforme Touraine de 2014, qui a toutefois été réduite dans sa portée dès le début du quinquennat suivant (suppression de quatre critères de pénibilité) et qui a rapidement montré ses limites.
La prise en compte de la pénibilité par le compte professionnel de prévention ne reflète pas la réalité des conditions de travail des ouvriers et employés
La réforme Touraine de 2014 a instauré un « compte personnel de prévention de la pénibilité », rebaptisé « compte professionnel de prévention » (C2P) en 2015, qui permet aux salariés du privé d’accumuler des points selon leur exposition à certains facteurs de risque qui, une fois convertis en trimestres, permettent un départ anticipé. Ce dispositif s’est toutefois avéré très insuffisant pour compenser la pénibilité des carrières.
La liste des critères pris en compte est en effet extrêmement restrictive. La portée du compte professionnel de prévention s’est trouvée réduite par une redéfinition étroite des critères de pénibilité par les « ordonnances Macron » de 2017. Ainsi, depuis le 1er octobre 2017, les facteurs de risques professionnels ont été réduits aux six suivants : les activités exercées en milieu hyperbare, les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail répétitif. Sont désormais exclus le port de charges lourdes, les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l’exposition à des agents chimiques dangereux, autant de critères pourtant définis comme pénibles par le Code du travail.
L’éligibilité à une retraite plus précoce sur la base de ce compte professionnel de prévention s’appuie par ailleurs sur une déclaration volontaire des entreprises, qui ne reflète pas nécessairement la réalité des conditions de travail des salariés. Dans son rapport sur les politiques de prévention en santé au travail, publié le 20 décembre 2022, la Cour des comptes a comparé le nombre de salariés déclarés exposés à l’un des six facteurs de risque actuellement pris en compte avec les réponses aux enquêtes Sumer de la Dares, qui identifient les travailleurs exposés à des conditions de travail pénibles pendant la semaine qui précède l’enquête. Alors que 760 000 salariés avaient été déclarés exposés à un des six facteurs de pénibilité en 2016-2017, l’enquête de la Dares en identifie près de 3 millions. Sur les 486 000 travailleurs exposés à du travail de nuit selon l’enquête de la Dares, 256 000 seulement ont bénéficié de droits à la retraite supplémentaires au titre du C2P. Enfin, sur les 228 000 travailleurs exposés à des températures extrêmes, seuls 37 000 ont pu bénéficier de trimestres de retraite supplémentaire.
Le dispositif s’avère dès lors extrêmement insuffisant : en 2020, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le droit à une retraite précoce lié à l’exposition à un facteur de pénibilité a été retenu au bénéfice de 3 086 assurés sur un total de 690 000 nouveaux retraités. Pourtant, au-delà des six critères pris en compte depuis 2017, la réalité de la pénibilité est bien documentée. Selon la Dares en 2017, 13,6 millions de salariés – soit 60% des salariés du secteur privé – « ont été exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité lors de la semaine précédant leur visite médicale ». La moitié des salariés du secteur privé connaissent « des contraintes physiques marquées » (manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) et 20% sont confrontés à « un environnement physique agressif » (nuisances sonores, nuisances thermiques, exposition à des agents chimiques cancérigènes, mutagènes ou toxiques)11Disparités d’exposition aux facteurs de pénibilité en milieu professionnel et inégalités sociales de santé, Dares, n°31, août 2022.. En particulier, la manutention de charges lourdes concerne 8% des salariés du secteur privé, soit près de deux millions de personnes. L’exposition à des agents chimiques cancérigènes ou toxiques concerne également plus de deux millions de personnes, soit un salarié sur dix.
L’exposition à des facteurs de pénibilité est fortement corrélée à la catégorie socioprofessionnelle. Ce sont 0,6% des cadres qui indiquent être exposés à la manutention de charges lourdes, alors que ce facteur de pénibilité concerne 18% des ouvriers et 11% des employés de service. Les expositions à des produits chimiques, à des nuisances sonores ou à des fortes températures sont beaucoup plus fréquentes chez les ouvriers et employés que chez les cadres. Les accidents du travail sont quatre fois plus fréquents parmi les employés que parmi les cadres, et sept fois plus élevés parmi les ouvriers que parmi les cadres12Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail, Équipe Sumer, Dares, n° 37, août 2021.. Les maladies professionnelles affectent quasi exclusivement les ouvriers et employés, qui concentraient respectivement 71% et 23% d’entre elles en 2016.
Une très grande majorité des ouvriers et employés est ainsi exposée à des facteurs de pénibilité, mais ne bénéficie pas pour autant d’un départ à la retraite précoce. Ce mécanisme à points ne suffit donc pas à prendre en compte la pénibilité du travail, et la construction d’un système de retraite plus équitable doit passer par un avancement de l’âge de départ en retraite de l’ensemble des travailleurs que les carrières exposent à des tâches pénibles et qui affectent leur espérance de vie en bonne santé. Cela ne concerne pas 0,5% des Français comme le présume le système de retraite actuel, mais bien un travailleur sur deux.
Une différenciation de l’âge de départ en retraite selon les classes sociales permettrait à ceux qui ont les métiers les plus pénibles de partir plus tôt
Une réforme plus juste du système de retraite pourrait ainsi passer par la différenciation de l’âge de départ et du nombre d’annuités nécessaire pour profiter d’une retraite à taux plein, en fonction de la catégorie sociale des travailleurs. Le salaire moyen des cadres était, en 2016, 2,5 fois plus élevé que celui des ouvriers et employés, et la retraite moyenne perçue par les cadres est environ deux fois plus élevée que celle des ouvriers et employés. En prenant en compte les cotisations supplémentaires et les dépenses de retraite évitées grâce au recul de l’âge de départ en retraite des cadres, décaler d’un an l’âge de départ à la retraite d’un cadre permet donc de financer un an de retraite supplémentaire pour deux ouvriers et employés. Les cadres représentant 20% de la population active, et les ouvriers et employés 45%, faire travailler plus longtemps les cadres permettrait de financer une retraite plus précoce pour les classes laborieuses.
Principales données chiffrées permettant de quantifier le coût d’une année de retraite pour les cadres et non-cadres
Part de la population active13« Une photographie du marché du travail en 2020 », Insee Première, n°1844, 18 mars 2021. | Salaire net moyen14« Tableau de l’économie française », Insee, 27 février 2020. | Retraite mensuelle moyenne15« Les inégalités face aux retraites », art. cit., 5 septembre 2013. | |
Cadres | 20% | 4 060 euros | 2 890 euros |
Professions intermédiaires | 26% | 2 241 euros | 2 067 euros |
Employés | 26% | 1 590 euros | 1 617 euros |
Ouvriers | 19% | 1 681 euros | 1 423 euros |
Aux élections législatives, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) défendait le principe d’un âge effectif de départ en retraite porté à 60 ans avec 40 annuités. En lieu et place de cette proposition, un départ en retraite précoce pourrait être proposé spécifiquement pour les ouvriers et employés qui sont nombreux à occuper des emplois pénibles affectant fortement leur espérance de vie en bonne santé. L’âge effectif de départ à la retraite pourrait ainsi être porté à 55 ans pour les employés et ouvriers, en demandant aux cadres et professions intellectuelles supérieures de travailler jusqu’à 65 ans pour financer les dépenses additionnelles associées à cette réforme.
Une telle réforme serait neutre financièrement par rapport à la proposition initiale de retraite à 60 ans, dans la mesure où le coût pour la collectivité associée au décalage de cinq ans de la retraite des ouvriers et employés serait intégralement compensé par les économies et recettes additionnelles associées aux années supplémentaires travaillées par les cadres.
Cadres | Ouvriers | Employés | |
Espérance de montant total de retraite en euros – réforme Touraine | 750 000 euros | 300 000 euros | 430 000 euros |
Espérance de montant total de retraite en euros – retraite à 60 ans | 880 000 euros | 370 000 euros | 500 000 euros |
Espérance de montant total de retraite en euros – réforme proposée | 710 000 euros | 450 000 euros | 600 000 euros |
En l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, une proposition moins ambitieuse pourrait être portée par amendement pour limiter les injustices de la réforme des retraites de l’exécutif. La réforme Touraine, qui définit les paramètres du système actuel, prévoit un décalage progressif de l’âge de départ effectif à la retraite de 62,4 ans en 2020 à 64 ans à partir de 2035 ; le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein augmente d’un trimestre tous les trois ans, pour atteindre les 172 trimestres d’ici à 2035.
Sur cette base, une réforme alternative pourrait être proposée, sans impact budgétaire, pour limiter les inégalités générées par le système de retraite actuel entre les catégories sociales. Un départ effectif à la retraite à partir de 60 ans pourrait être garanti aux ouvriers et employés, en demandant en contrepartie aux cadres de travailler et de cotiser plus longtemps. Un départ en retraite à 66 ans pour les cadres, et jusqu’à 70 ans pour les « super-cadres » – qui font partie des 10% des Français les mieux rémunérés et ont une espérance de vie significativement plus élevée que la moyenne des Français –, pourrait être envisagé.
Synthèse des scénarios proposés
- 1Le regard des Français sur la relance de la réforme des retraites, Ifop pour Le Journal du dimanche, septembre 2022.
- 2Rapport annuel du COR septembre 2022. Évolutions et perspectives des retraites en France, Conseil d’orientation des retraites (COR), 15 septembre 2022.
- 3« Tables de mortalité par niveau de vie. Échantillon démographique permanent », Insee, 6 février 2018.
- 4« L’espérance de vie s’accroît, les inégalités sociales face à la mort demeurent », Insee Première, n° 1372, 5 octobre 2011.
- 5« Les inégalités face aux retraites », Observatoire des inégalités, 5 septembre 2013.
- 6Benoît Rapoport, « L’évolution au fil des générations des droits à retraite acquis en début de carrière. Avant 30 ans, de moins en moins de droits acquis et de différences entre catégories socioprofessionnelles », Revue française des affaires sociales, n°4, 2012, pp. 52-78. »
- 7Activités des seniors et politiques d’emploi, Dares, avril 2022.
- 8Activités des séniors et politiques d’emploi, Dares, janvier 2021.
- 9« Emploi, chômage, revenus du travail », Insee, 2 juillet 2020.
- 10Didier Blanchet, Cécile Brousse et Mahrez Okba, « Retraite, préretraite, neutralité actuarielle et couverture du risque chômage en fin de carrière », Économie et Statistique, n° 291-292, 1996, pp. 203-218.
- 11Disparités d’exposition aux facteurs de pénibilité en milieu professionnel et inégalités sociales de santé, Dares, n°31, août 2022.
- 12Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail, Équipe Sumer, Dares, n° 37, août 2021.
- 13« Une photographie du marché du travail en 2020 », Insee Première, n°1844, 18 mars 2021.
- 14« Tableau de l’économie française », Insee, 27 février 2020.
- 15« Les inégalités face aux retraites », art. cit., 5 septembre 2013.