Le projet de loi sur la confiance dans l’action publique a un long parcours derrière lui. Émeric Brehier, directeur de l’Observatoire de la vie politique, remet en perpective ce texte dont l’objectif est d’instaurer une nouvelle respiration démocratique.
Annoncé lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron à l’occasion de son alliance avec François Bayrou, le projet de loi sur la confiance dans l’action publique est devenu une pierre angulaire du renouveau éthique que le candidat souhaitait incarner. Cette importance stratégique a été rappelée lors de la formation du premier gouvernement d’Édouard Philippe puisque le leader du MoDem devenait Garde des Sceaux. Un long parcours ayant fait déjà une victime : son promoteur lui-même.
Le Sénat – puisque le gouvernement dans une saine gestion de l’agenda parlementaire y a déposé le texte – a entamé son examen il y a plusieurs jours devant la commission des lois. Preuve de l’importance accordée à ce texte par les sénateurs, c’est d’ailleurs le président de cette même commission, Philippe Bas, qui en est le rapporteur.
Ce texte – ou plutôt ces textes puisqu’il y a dans le même mouvement un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire – s’attaque à ce qui a été dénoncé comme des dérives ces dernières années, et plus particulièrement à l’occasion de la dernière présidentielle : la limitation du nombre de mandats successifs, l’interdiction des emplois dits « familiaux » tant pour les parlementaires que pour les exécutifs locaux (mais possibilité des emplois dits « croisés » dès lors qu’ils sont déclarés), la situation fiscale des nouveaux élus, le renforcement du régime des incompatibilités des parlementaires, l’amélioration de l’accès au financement des campagnes électorales pour tout un chacun, une réforme de la fameuse et à tort décriée IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) et, bien évidemment, la suppression de la réserve parlementaire que la commission des lois se propose de remplacer par une dotation de soutien à l’investissement des communes.
Si la commission des lois, suivant en cela son rapporteur, souscrit à l’esprit général du texte, elle n’a pas manqué de relever que la promesse du candidat concernant l’inéligibilité de toute personne ayant eu une inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire, s’appuyant sur une jurisprudence constitutionnelle constante, était impossible à mettre en œuvre telle qu’énoncée durant la campagne. Position qu’a reconnue la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, lors de son audition.
Autre dispositif phare présenté par François Bayrou, la création d’une Banque de la démocratie, déjà sérieusement interrogée par le Conseil d’État, a été retoquée par la commission des lois, celle-ci estimant qu’il était impossible d’autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnances sur un sujet aussi grave devant le manque d’études d’impact et alors même que ce dernier prévoyait de confier à deux inspections générales une mission de préfiguration. Si cette initiative partait d’une louable intention – faire en sorte que l’accès au processus électoral soit rendu possible au plus grand nombre y compris à de jeunes forces politiques –, force est de constater qu’il pèche par son aspect rustine. En réalité, et c’est une incongruité française, si le rôle des partis politiques est reconnu – imparfaitement – par la Constitution, ceux-ci ne disposent d’aucune stabilité juridique. Ainsi conviendrait-il d’abord de s’attaquer à ce vide juridique jusqu’alors justifié par la nécessaire protection des libertés constitutionnelles.
Aussi, on ne peut que souscrire aux propos du président de la Haute Autorité regrettant que le temps de préparation de ce texte pourtant crucial dans la période n’ait pas été plus conséquent, ou à tout le moins qu’il n’ait pas fait l’objet de réflexions en amont plus appuyées. Et le rapporteur de rappeler lors des débats en commission : « Les textes ne vont pas faire resplendir une aube nouvelle sur la vie politique, puisque j’en ai déjà recensé une trentaine en matière de régulation de la vie publique depuis 1985. S’ils contiennent des mesures très positives, il ne faut pas en attendre plus que ce qu’ils peuvent donner ». Et alors émergera peut-être un regret: que ces textes n’aient pas pris place dans le cadre de la réforme constitutionnelle annoncée par le président de la République devant le Congrès. Car après tout, il s’agit ni plus ni moins que d’instaurer une nouvelle respiration démocratique.