Une élection pour le moins surprenante

À quelques heures du premier tour de l’élection présidentielle, découvrez la dernière chronique d’Émeric Bréhier, directeur de l’Observatoire de la vie politique de la Fondation Jean-Jaurès.

À quelques heures du premier tour, cette élection présidentielle s’inscrit d’ores et déjà dans les annales. Deux présidents de la République (Nicolas Sarkozy et Francois Hollande) et deux anciens Premiers ministres (Alain Juppé et Manuel Valls) empêchés ou battus, ainsi qu’une ancienne secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts (Cécile Duflot), sans compter un candidat investi à l’issue d’une primaire écologiste qui se retire quelques semaines avant le début de la campagne (Yannick Jadot). Mais ce n’est pas tout. Des règles décrites comme attentatoires à la démocratie lors de leur adoption qui n’ont pas empêché la présence de onze candidats le 23 avril prochain. En outre, l’irruption des affaires en pleine campagne présidentielle qui ont conduit à l’affaissement du candidat issu de la primaire de la droite et du centre, le conduisant à un étiage n’assurant pas une qualification automatique au second tour d’une élection présidentielle qui semblait début janvier lui être promise. Et que dire de la course en tête quasiment incessante de la candidate de l’extrême droite dans ce vieux pays républicain, quand bien même elle n’a cessé de s’effriter dans les enquêtes d’opinion ces dernières semaines. Et de l’effondrement du candidat socialiste au profit de celui de La France insoumise ! Est ainsi réapparu un procès lancinant à l’encontre de la procédure des « primaires » qui, parée depuis 2011 et jusque fin janvier 2017 de toutes les vertus, est, d’un coup d’un seul, devenue une évidente machine à divisions.

À ceci s’ajoute la remise en cause comme clivage essentiel et structurant de la césure droite/gauche dont le candidat d’En marche ! est le fruit et le symbole tout à la fois. À ce point d’ailleurs que l’on est en droit de s’interroger sur l’émergence d’un nouveau clivage « premier » opposant les partisans de l’ouverture à ceux de la fermeture.

Mais le plus impressionnant dans cette campagne qui s’achève est qu’il est tout à fait possible que son résultat n’implique pas une concordance des majorités présidentielle et parlementaire à l’issue des élections législatives de juin prochain. Beaucoup dépendra des qualifiés au second tour, assurément. Lorsque l’on se remémore les arguments avancés par les tenants du quinquennat et du rétablissement du calendrier électoral, voilà une nouvelle et belle leçon de modestie adressée à l’ensemble des mécanismes institutionnels. La force d’entraînement de la victoire présidentielle suffira-t-elle, comme beaucoup l’ont pensé jusqu’ici, à permettre les conditions d’émergence d’une majorité parlementaire stable, permettant au président élu de disposer des moyens de mettre en œuvre ses orientations politiques ? Ou devra-t-il en passer par un accord, dans le cadre de sa majorité présidentielle, avec d’autres forces politiques présentes elles aussi au premier tour de l’élection présidentielle ?

Enfin, ultime objet d’attention émergé lors de cette élection : la qualification du vote utile qui nierait l’utilité du vote ou bien l’existence d’un vote stratégique qui irait à l’encontre des convictions ! Singulière conception d’un vote où les composantes d’un choix ne sauraient être que « blanc » ou « noir ».

 

À l’occasion de cette élection présidentielle « hors norme », la Fondation Jean-Jaurès s’associe au Huffington Post pour apporter son éclairage sur la campagne électorale : rapport de forces, thèmes et enjeux structurants, opinion des Français. La Fondation mobilise un certain nombre de chercheurs et de personnalités pour fournir des analyses jusqu’au scrutin, et après.

 

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